Combien de temps qu’elle n’avait pas composé son numéro ? Des mois, 5 pour être exact, 5 mois pour trouver le courage d’ouvrir les yeux et de se remettre debout. 5 mois remplie de silence et d’ignorance. Elle n’avait su trouver le courage de lui faire face, de répondre aux quelques messages qu’il avait pu lui envoyer. Elle s’en voulait d’agir ainsi, mais trop plongée dans sa torpeur elle avait n’avait pas trouvé le courage de retourner dans la lumière. Terrée dans sa chambre il lui avait fallu de long mois et une patience sans faille à Kan pour la sortir de là. Un pas après l’autre. Sans forcer, sans insister. Elle n’avait pas fini par accepter de respirer. Elle avait acceptée de continuer de vivre, au prix d’un immense effort. Plus dur encore que cette nuit où tout a basculé. Elle souffre Bae mais elle souffre tellement qu’elle a fini par tout refouler sous des sourires discrets et timides. Elle reste toujours aussi brillante et touchante, mais la lueur de malice de son regard a mourut ce soir-là. Elle n’est plus vraiment la même et elle n’était pas certaine que celle qu’elle était devenu aujourd’hui plaise toujours à Nova. Un cœur trop lourd, une expression sur le visage effacé et le regard dans le vague malgré ses tentatives veine de paraitre enjouée. Bo Bae t’es partie où ? Elle reconnait à peine son reflet dans le miroir, celui qu’elle fuit sans cesse. Elle se dégoûte, pourtant personne ne semble comprendre. Le voir. Bêtement elle s’est assise au bord de la baignoire avec sa lame de rasoir. Elle a vu dans les films que ça faisait du bien mais qu’elle s’est sentit ridicule en étant incapable de taillader sa peau. De lourds sanglots ont éclaté et se sont déversés sur ses joues. La honte d’avoir l’impression de jouer avec la souffrance des autres, l’effarement de se rendre compte que dans le fond, elle ne ressentait plus rien. Elle se souvient encore du bruit de la lame rebondissant au sol et du cliquetis de l’eau pour couvrir sa peine. Bien sûr que si elle ressentait quelque chose, mais la douleur était si terrassante qu’elle ne pouvait pas décemment y survivre. Alors comme tout animal qui veut se protéger, elle avait agis comme si de rien n’était. Comme si … comme si elle n’avait plus rien dans le cœur. Et sa rage s’était mue au contact de Kan. L’amour qu’elle éprouvait pour lui n’avait d’égal que la culpabilité qu’elle ressentait pour Shin. Mais le souvenir du garçon à moitié nu avec sa meilleure amie pour toute vengeance à leur problème de  couple avait forcé à Bae à la détester plus fort encore. Et toutes ces émotions plus fortes les unes que les autres, avait fini par l’achever. Son corps n’était qu’une coquille vide qu’elle peinait à trainer. Et c’était presque une évidence trop horrible à admettre quand elle envoya le sms : elle avait de Nova. Elle avait besoin de quelqu’un. De lui. Elle qui pensait pouvoir vivre sa peine avec Kan et se moquer du reste du monde. Mais c’était faux. C’était si faux qu’elle en avait la nausée de peur qu’il ne l’envoie chier. Elle le comprendrait mais ça ne ferait qu’ajouter une pierre lourde sur son cœur. Impulsive et presque sur un coup de tête, elle lui avait demandé de la rejoindre à La Jungle. Le nouveau club de striptease qu’elle avait ouvert avec Kan et Gabriel. Non faux, le nouveau projet de Kan et Gabriel dans lequel elle s’était lâchement investit à 200% pour ne penser à rien d’autre. Le Kurss était encore difficile à approcher pour elle mais le quitter lui semblait plus improbable encore. Elle se demandait si parfois Nova y allait, juste pour la chercher, la voir, et constater qu’une fois encore Bae avait disparu. Pendant une seconde, elle se demande s’il ne l’avait pas cru morte. Dans le fond c’était peut-être ce qu’elle était réellement. Pourtant du bout de ses baskets elle racle le trottoir à l’heure du rendez-vous fixé sans savoir s’il viendrait ou non. Elle avait laissé son téléphone en haut, craignant de ne regarder sans cesse son écran d’impatience pour finalement avoir la déception qu’il déclinait la proposition. Au moins là, elle avait bêtement l’impression qu’il accepterait toujours de la voir. Quand on ne sait pas, on peut tout imaginer. Et si d’ordinaire elle détestait ça, ce soir ça semblait être un nouveau jeu apaisant pour son cœur qui manquait de couleur. Elle avait quitté son blond pour retrouver une couleur plus discrète. Un châtain clair qui avait fait ressortir, fut un temps, la malice de son regard.

Cinq mois, sans elle. C’est une éternité. Pour certains, ce n’est rien. Pour Nova, c’est le monde entier. Cinq mois sans ses paroles réconfortantes, sans ses sourires. Sa main fraiche sur son front enfiévré quand il boit trop, souvent le cas. Nova qui se tue à petit feu mais dont Bo Bae garde la tête loin de feu, loin de l’asphyxie. Cinq mois. Il s’en passe des choses en cinq mois. Sa maladie a eu le temps de s’aggraver, autant que son addiction à l’alcool et la drogue. Mais ce n’est pas grave. C’est une phase normale de ce chemin d’autodestruction dans lequel il a décidé de marcher. Tout ça ce n’est pas important. Il veut la voir. Elle lui manque tant. Mais l’impossible est arrivé, Nova se sent repoussé. Silence radio. Aucune réponse à ses nombreux messages, qui commencent à prendre de plus en plus de temps à être envoyé. La jeune femme n’est jamais là quand il va au bar. Ça fait mal, il ne pensait pas ça possible. Alors ça faisait ça, de repousser les gens qui nous aime ? Nova se souvient de toutes ses personnes avec qui il a coupé contact suite à son accident. Parce qu’il avait honte de son handicap, de ne plus servir à rien. Et avec ses pensées, viennent les pires scénarios. Et si quelque chose de mal était arrivé à Bo Bae. Il ne le supporterait pas. Plus que ça, l’idée d’être, possiblement, le dernier au courant le rendait complétement dingue. Nova est comme une bête en cage, il fait les cents pas dans son grand penthouse depuis des jours déjà. A chaque fois qu’il pense à la belle coréenne et il faut dire que ses pensées vont souvent vers elle. Il veut la voir. Pourquoi est-ce qu’il est mis à l’écart de sa vie. Ce qui le tue encore plus, c’est de se rendre compte de ne presque rien connaitre de Bo Bae. Aucun ami ou connaissance en commun entre eux à appeler pour prendre des nouvelles. Il n’y a que lui et son anxiété. Nova se maudit pour son caractère de merde. Son égoïsme. Il avait pensé Bo Bae acquise avec le temps. Une figure maternelle qui prend soin de lui quand il va mal. Et Dieu seul sait que Nova va souvent mal. Il faut plutôt lui demander les fois où il va bien, là au moins, c’est plus facile pour lui de compter. Ce soir n’est pas différent. Il est affalé de tout son long sur le sol, brûlant comme d’habitude. Il aime toujours que son appartement soit trop chaud, étouffant. Un enfer comme aime l’appeler Ashvin quand il vient chez lui, avec son beau sourire en coin qui lui donne envie de le cogner. Il ne l’a pas vu lui aussi depuis un moment, mais à vrai dire, Bo Bae occupe plus ses pensées. Plus le silence dure et plus ses craintes le submergent. A côtés de lui, ses tableaux gisent. Couleurs sans vie. Il soupire. Il a envie de lui envoyer un nouveau message, où est-ce qu’il a foutu son putain de téléphone. Il cherche une quinzaine de minutes avant de le trouver dans un pot de peinture à moitié vide. « Fais chier. » Il attrape le portable et le regarde d’un air dégouté, les tâches oranges sont horribles. Il doit vraiment arrêter l’alcool. Il le met à charger et soupire en voyant qu’il marchait encore. Miracle. Ses yeux s’ouvrent en grand. Il hallucine. Un message de Bo Bae, son cœur bat et s’affole. Le rendez-vous est dans dix minutes. Il ne sera jamais à l’heure. Nova prend une rapide douche, ses cheveux toujours humides, il enfile les premiers vêtements qui lui passent par la tête – un gros pull dans lequel il nage et un jeans noir – , appelle en même temps un taxi. C’est dans ce genre de moments qu’il regrette qu’on lui ait pris son permis depuis l’accident. Pas qu’il ait la force mentale de conduire de toute façon. Il jette à chaque fois un regard à sa montre. Il est en retard de dix minutes. Il harcèle de Bo Bae de messages et la supplie de l’attendre. Mais aucune réponse. Il descend du taxi en trombe, oublie presque de prendre sa carte. Ce n’est pas important, il en a deux autres dans son portefeuille. Elle est là. Malgré qu’elle n’aborde plus sa chevelure blonde, il n’a aucun mal à la reconnaitre. Il fond immédiatement sur elle et l’attrapa entre ses bras, il sa serre fort, le dos de la jeune femme contre son torse. « Pardon du retard, mon téléphone était dans un pot de peinture et…bref pardon, pardon. » murmure-t-il contre son cou qu’il baigne de baisers. Il la retourne finalement et la regarde, ses mains caressent les joues de la jeune femme. Elle a l’air fanée. Mais ils auront le temps de parler de tout ça. Pour le moment, il veut juste la regarder, retrouver la familiarité de son visage de poupée. « Tu m’as tellement manqué. » Un murmure alors qu’il l’entraine à l’intérieur du club.

Les minutes avaient défilés. Elle aurait attendu toute la nuit s’il le fallait, même si bêtement elle attendait en vain … Elle n’aurait jamais cru pouvoir ressentir ça. Ce vide. Intense, profond, froid. Puis cette chaleur soudaine. Comme un feu d’artifice. Chaud, électrique. Elle luttait contre elle-même depuis des mois. Elle luttait pour rester en vie. Elle luttait pour ne pas laisser ce froid l’engloutir et la faire disparaitre. Elle s’accrochait sans trop savoir pourquoi. Chacun de ses choix l’avaient conduit à une mauvaise décision. Chacune de ses décisions l’avaient finalement mise en porte à faux. Elle faisait n’importe quoi de sa vie, elle vrillait littéralement sans être capable de trouver comment faire arrêter cette spirale infernale. Elle voudrait retrouver son bonheur d’antan. Un peu bancal, un peu imparfait, mais c’était son bonheur, celui qu’elle chérissait plus que tout … l’amour, la patience, la vengeance, la trahison … elle avait été la première à embrasser Kan, à ce moment de sa vie où tout s’effondrait autour d’elle. Elle avait détruit leur confiance. Puis Shin avait été celui à détruire leur histoire. Coucher avec sa meilleure amie, ne pas se soucier que Bae puisse l’apprendre et la renvoyer de chez lui sur ce pas de porte qu’elle avait franchi tant de fois. Elle était en colère … tellement en colère. Elle souffrait, en permanence. Elle souffrait d’imaginer l’homme de sa vie dans les bras de cette femme alors qu’elle luttait pour rester en vie. Son corps la dégoûtait. Les jours passaient mais elle revivait la scène chaque fois qu’elle fermait les yeux. Elle se sentait dépossédée, tétanisée, faible, si faible et fragile … Elle aimerait pouvoir s’arracher la peau pour ne plus sentir les mains de cet homme si elle. Et son souffle qui lui manque … elle lâche prise, sombre et se terre dans un coin sombre, là où personne ne pourrait venir la chercher. Mais ça fait des mois qu’elle se cache. Des mois qu’elle fuit sans réellement échapper à ses démons. Elle est essoufflée ce soir, fatiguée. Faut qu’elle se redresse mais elle a oublié comment faire … Nova semble alors être l’idéal dans sa douleur. Un feu brûlant qui jaillit dans sa poitrine à l’instant où les bras du garçon l’enserrent et que ses lèvres embrassent sa nuque. Elle laisse échapper un faible couinement avant de se tourner vers lui, osant à peine lever un regard vers lui. Coupable d’abandon. Elle n’arrive pas à sourire pourtant elle aime le voir ici. Elle ne peut pas dire qu’elle se sent heureuse parce que son cœur semble anesthésié. Mais il est là … et ça fait du bien … Elle se laisse embarquer dans un premier temps vers le club, mais elle étouffe soudainement à l’idée d’entrer à l’intérieure … elle sait qu’elle peut utiliser une des chambres ou le petit salon pour être plus au calme mais elle a besoin de … s’enfuir d’ici … elle ralentit le pas et se penche en arrière légèrement pour le retenir. « Attends … » souffle-t-elle. Premier mot qu’elle réussit à décocher. « J’veux pas … » bafouille-t-elle maladroitement. Elle glisse maladroitement ses doigts aux siens et le tire vers la rue. Son regard est suppliant et sa bouche d’ordinaire si rosée est d’un pâle, couleur chair, effrayant. Elle se blottit contre le bras du garçon pour avoir cette sensation de ne faire qu’un … elle l’entraine doucement vers les rues adjacentes et frissonne. Elle aimerait pouvoir lui dire qu’il lui manque aussi terriblement, mais les mots peinent à franchir ses lèvres. Non pas qu’elle ne le pense pas mais elle a l’impression de ne plus avoir assez d’énergie pour ne serait-ce que respirer …

.

Silence radio, pendant des mois, puis l’espoir qui renait. Nova ne pense à rien. Pas au fait que Bo Bae n’est plus pris ses appels, qu’il n’arrivait plus à la joindre où que ce soit, il ne pense pas à l’abandon ou à la rancune pour pouvait en découdre. Non. Il a juste envie de revoir son visage de poupée, sentir son corps contre le sien et la serrer jusqu’à l’étouffer, parce qu’elle lui manque à ce point-là, Bo Bae, il a l’impression de perdre un repère, un pilier solide dans sa vie. Il se rend compte à quel point elle est importante quand il n’y a personne pour lui murmurer que tout ira bien quand tout va mal, quand personne n’est là pour s’occuper de lui après un autre excès d’alcool et doit attendre le petite matin, qu’il ait repéré un tant soit peu ses esprits pour se trainer jusqu’à son grand penthouse. Là où il se sent seul, terriblement seul, entre les murs trop hauts, le sol trop froid, le silence que rien n’arrive à combler. C’est pour ça qu’il ne peut qu’accourir vers elle, une fois qu’il ait vu son message. Il sera en retard, il en est certain et il se bouffe les doigts de rage contre lui-même. Il ne peut pas faire rouler le taxi plus vite, il ne peut pas conduire une voiture par lui-même, ses mains risquant de lui faire défaut à tout moment et lui causer un accident. Fatalité à laquelle il ne peut que se faire, l’attente longue jusqu’à l’endroit que Bo Bae lui avait dit. Enfin. Elle est là, son cœur bondit à la vision de la jeune femme. Putain qu’elle lui avait manquée. Il faut qu’il la tienne contre lui, c’est vital. Et c’est ce qu’il fait. Les questions et les réponses viendront après, ce n’est pas le moment pour l’interrogatoire maintenant, il veut juste se gorger de son beau visage, apprécier sa voix qui semble si lointaine à son oreille. Il l’entraine alors au club où elle leur avait donné rendez-vous, il n’a fait que quelques pas qu’il la sent le retenir faiblement. « Hm ? » demande-t-il distraitement. J’veux pas… on dirait un cri du cœur, un cœur meurtri. Que lui est-il arrivé ? Leurs doigts s’enlacent et il la laisse faire, se laisser entrainer dans les petites ruelles sans rien dire, attentif à elle. La belle revient alors dans ses bras, encore plus fort, comme pour unir leurs chairs pour toujours. Nova passe lentement ses mains sur la longue chevelure. « Qu’est-ce qu’il y’a ma belle ? Tu veux qu’on aille ailleurs ? »