Je me sentais bercé par ta douce voix, porté par tes mots que je n’interrompais d’aucune façon. Etrangement, ta langue semblait se déliée pour mon plus grand plaisir. Etait-ce le manque de cette ville dont j’avais évoqué le nom précédemment qui t’amenait à tant t’ouvrir ? Ou te plaisais-tu à me conter un bout de ta vie ? Sur mes lèvres, un sourire prenait place de lui-même, sur l’écran mes pupilles restaient fixées car bien incapable de s’en éloigner un seul instant. Du moins jusqu’à ce qu’un nom tu n’évoques, m’amenant à réfléchir. M’avais-tu déjà parlé de ce Iwan ? J’avais identifié Hyeon comme était l’homme avec qui tu t’étais fiancé mais ce nom… Alors à ta question, je secouais la tête négativement. « Comment je pourrais m’endormir quand tu parles ? » demandais-je avec légèreté, incapable de l’imaginer. « Mais… Iwan ? C’est un ami ou une amie d’enfance ? » Si tu étais curieuse des gens qui m’entouraient il en était tout autant pour moi, principalement lorsque, de ton côté, tu n’avais la possibilité de me le présenter en direct. « Et vous avez adopté le petit singe ? » Iwan et ce singe, voilà les deux questions qui me venaient de ce récit que tu venais de me narrer.

Sourcils froncés, nez légèrement retroussé, je reposais mes yeux sur l’écran dans l’attente d’un signe de vie de ta part que tu me donnas. « Mouais… tu as plutôt intérêt, » rétorquais-je peu convaincue par ton argument. Puis, je m’étonnais que tu aies relevé ce prénom parmi mes dires mais surtout de ta question. « Iwan ? C’est un prénom de garçon ! » Je ne pus qu’en rire quelques instants avant de reprendre une once de sérieux. « Le cadeau de dieu si tu veux savoir la signification. Et oui, c’est un ami d’enfance. Nous avons grandi ensemble. » Cette évocation produisit en moi un sentiment si doux. « Enfin, à cette époque, il était un peu plus que ça… » Je souris avec tendresse à la mémoire de cette romance de jeunesse. « D’ailleurs, ce petit singe m’avait frustrée ! Il nous avait interrompu alors que j’avais rassemblé tout mon courage pour l’embrasser comme les grands ! » Je râlais avec humour. Mon coeur appréciait cette liberté désormais de pouvoir aborder ces souvenirs tendres avec légèreté. Sans souffrir. « Alors, non, nous ne risquions pas de l’adopter ! Nous l’avons abandonné sur le bord de la route ! » Je fis semblant d’être sérieuse quelques instants avant de lâcher un éclat de rire. « Non, je plaisante. Nous avons prévenu un professeur qui nous a emmené le remettre aux services vétérinaires afin qu’il retourne dans son milieu dans de bonnes conditions. »

Mes curiosités tu éclairais, dans un premier temps avec ce prénom qui m’était inconnu. Hochant la tête en comprenant que j’avais bien interprété votre relation, ou presque… Il était un peu plus que ça… Était-ce ton premier petit copain ? Peu de gens oubliaient leurs premiers amours et à voir ce sourire sur tes lèvres, cette tendresse que tu dégageais… Il y avait fort à parier que je n’étais loin de la vérité. A moins que tu ne l’aimais toujours ? Malgré l’alcool que j’avais ingérer, mon esprit tournait à plein régime pour comprendre qu’elle relation vous aviez actuellement. Tu avais parlé au passé, avec un sourire tel que le tien, cela signifiait que ce n’était plus le cas maintenant n’est-ce pas ? Et si tu souriais, alors cela ne te manquait… Ou totalement l’inverse ? Je ne savais, je ne comprenais et ‘était presque frustré que j’étais. « L’embrasser comme les grands ? T’avais quel âge ? » Ton expression me laissait supposé que tu n’étais âgée au moment des faits, aurais-tu eu ton premier baiser avant moi ? S’en serait étonnant, très étonnant même…. « Et comment j’aurais pu croire que tu l’avais abandonné au bord de la route ? Alors que tu sauves un petit chaton, que t’as des serpents, un chien et toute une ferme à gérer avec la fraternité ? » Je secouais la tête doucement, le nez retroussé, incapable d’y croire une seule seconde. « Tu m’auras pas comme ça. »

À l’évocation d’embrasser comme des grands que tu répétais, je rougissais légèrement. C’était ainsi que j’avais pensé à l’époque, curieuse et envieuse de faire notamment comme mes ainées. L’une avait une relation douce et stable tandis que l’autre séduisait tous les garçons sans les garder bien longtemps. Je me targuais d’avoir fait le meilleur choix quand bien même auparavant j’avais pesté après Iwan durant plusieurs années. Je réfléchis vaguement à me rappeler cette anecdote. « Nous avions onze-douze ans… » J’en souris néanmoins avec une certaine gêne. J’étais encore bien innocente à l’époque mais le pire certainement s’avérait que je l’étais quasiment toujours autant dans ce domaine. Car sinon, l’innocence n’était pas le terme le plus approprié pour me qualifier. « J’ai beaucoup changé, tu sais. » Si jamais je n’aurais abandonné un animal, j’étais dénuée de toute compassion envers les êtres humains. « Vraiment beaucoup… » Ou plutôt, j’ignorais qui j’étais vraiment. Je pensais savoir de quel bois j’étais faite. Il n’y avait que mon père pour soupçonner ce pan de ma personnalité révélé à la Yonsei.

Ta réponse j’attendais avant de m’étonner de celle-ci, d’ailleurs sur mon visage le voyais-tu surement ? Mes yeux légèrement arrondis, les sourcils redressés avec surprise et une bouche qui formait un « oh » silencieux. « Onze-douze ans… Woa… T’es mon sunbae alors… » Je n’avais commencé à m’intéresser à la chose qu’arrivé en fin de collège, lorsqu’enfin, j’avais décidé de prendre un envol timide et léger vers la liberté à laquelle je rêvais. Un début d’exploration, d’aventure pour trouver quel genre d’homme je désirais être, quel genre de femme je pourrais aimer et, probablement, bâtir quelque chose avec… Ou tout simplement les hormones qui commençaient à se réveiller, je ne savais. « Vraiment ? J’ai du mal à t’imaginer autrement que comme je te connais pourtant… Mais on change tous en vieillissant sans doute. » Du garçon studieux et docile à celui qui se rebellait contre sa mère pour faire ce qu’il désirait, de l’amoureux dévoué à celui qui le fuyait de tout son être ; ce n’était là que deux exemples, mais assez opposés pour prouver que tout être changeait au fil du temps. Sans doute, finirais-je par évoluer une nouvelle fois dans les temps à venir ? « L’ancienne toi te manque ? »

Je piquais un fard. Ton sunbae ? Je doutais fort. Même, j’étais certaine que cette expérience, tu l’avais très largement rattrapée, dépassée, pratiquée et poursuivit aussi bien plus loin que je ne l’avais encore fait. Et désormais, j’en étais bien loin. Un soupir, mes yeux se baissèrent. Un frisson de mal être me parcourut. Je n’aimais vraiment pas ce sujet et chaque fois que la réalité se rappelait à moi quant à… notre différence, je me sentais d’autant plus accablée. Comme un fossé infranchissable entre nous deux. À l’instar de la distance qui nous séparait actuellement. Nos étions liés, à distance. Sans qu’aucune proximité ne soit possible. Sans doute mon air pensif put passer inaperçu avec la suite, car j’y réfléchissais tout aussi sincèrement. Si l’ancienne moi me manquait ? « Je ne crois pas… Enfin… » Un petit sourire m’échappa. « Je ne pouvais pas rester éternellement une enfant ! » tranchais-je finalement. « Mais je ne veux pas avoir honte ou à me cacher de ce que j’ai pu être. » Une hantise que j’avais beaucoup éprouvé auprès de mon fiancé : ne pas être celle qu’il croyait. Qu’il ne comprenne celle que j’avais été. « Dis toi que je me suis grandement adoucie ! Presque un ange ! » L’air malicieuse, je t’adressais un clin d’oeil.

Dans mon regard, une étincelle s’affichait à te voir rougir. A quoi pensais-tu pour que tes joues prennent ainsi une teinte rosée des plus adorables ?  La curiosité pointait encore une fois le bout de son nez, à croire que tu incarnais un véritable aventure à toi toute seule, captivante, divertissante et enivrante. J’étais bien incapable de me défaire de cette envie d’en apprendre plus sur toi quand, de ton côté, tu semblais disposé à nourrir ce besoin d’information. A ton air pensif malgré la teinte de tes joues, je comprenais que tu réfléchissais réellement à ma question pour fournir la réponse la plus correcte possible. Si le début semblait sincère, la suite m’arrachait un rire léger. « Toi ? Un ange ? Hm… Je ne sais pas trop si c’est le terme à employer… » Même si à mes yeux, tu pouvais incarner cet être surnaturel de par ta beauté ou tes attentions, jamais je ne l’admettrais. Surtout si ceci pourrait t’embêter d’une façon ou d’une autre, car tu devais l’avoir sentie à ma voix : je te taquinais une fois de plus. « Je pense que j’y croirais le jour où je prendrais connaissance de toi enfant, si tu étais si terrible ou pas. » Mais avec l’adorable faciès que tu avais déjà avant, comment cela pouvait-il être possible ? C’était totalement improbable…

Comme attendu, tu ne manquas pas de relever le terme d’ange, employé à cet effet. J’étais consciente ô combien mon visage pouvait être trompeur sur ma personnalité, mais le temps d’en jouer était révolu. Sauf exception lorsqu’il s’agissait parfois de t’embêter, je le reconnaissais. En revanche, je m’étonnais avec plus de perplexité de la suite. « Le jour où tu prendras connaissance ? Comment comptes-tu la rencontrer cette Hera enfant ? » Tu avais beau connaitre mes grands-parents, ce n’était pas comme s’ils étaient de nature à s’épandre en anecdote sur leur famille et mon enfance. « Estime-toi plutôt heureux de ne l’avoir jamais connu, au vu de tes performances, tu n’aurais plus été là pour en témoigner aujourd’hui. » T’aurais-je vraiment détesté ? Je ne savais, mais j’aurais probablement pris un malsain plaisir et faire de toi un jouet à torturer. « Mais si tu veux un aperçu, je pourrais te présenter mes crocodiles un jour. » Et je battis des cils, gage d’un esprit machiavélique derrière un minois angélique. Un parfait aperçu de cette petit poupée que tu n’avais assurément pas à regretter de n’avoir connue.

Comment comptais-je rencontrer cette Hera enfant ? … C’était une excellente question. Moi-même n’avais  la réponse à vrai dire, peut-être espérais-je simplement que tu me raconte quelques événements passés ? A l’instar de ce baiser interrompu par un singe lorsque tu n’étais encore qu’une enfant ? Car ce soir, plus que les autres, j’avais l’impression de me rapprocher de toi, d’apprendre ton univers au fil de tes paroles. Un univers inconnu, étranger et lointain à mes sens, mais pourtant si intéressant car il n’était autre que le tien. « Tes crocodiles ?! » m’exclamais-je vivement avant de m’enthousiasmer. « Ils sont dressés ? On peut grimper dessus ? J’ai toujours voulu faire du surf sur la tête d’un crocodile. » Dur surf n’était probablement pas l’expression appropriée, mais grimper sur un crocodile et le laisser avancer, donnant l’impression de flotter sur l’eau  et ça … ça c’était classe ! Je n’avais peur de ce genre d’animaux, probablement au plus grand damne de ceux qui m’entouraient, au contraire, je voulais m’en approcher, les connaître, les dompter pour devenir amis avec eux ! « J’ai envie de les rencontrer maintenaaant » Condamné à avoir envie de les rencontrer sans jamais savoir ni quand ni comment cela sera possible. Car à moins d’aller chez toi, très certainement à Singapour, je n’avais d’opportunités pour les voir en chair et en os.

Tu me fis sursauter à réagir aussi vivement au terme de crocodiles. N’en avais-je jamais parlé auparavant ? A moins que tu ne les pris au sérieux. Les deux étaient possibles. Ou encore était-ce tout simplement conséquence de ton ivresse. Etat dont je tardais pas à me rappeler pour essayer d’excuser tes inepties. « Yah ! Tu… Arf, tu es ivre surtout, » soupirais-je, désabusée. « Ne t’avise pas de vouloir faire n’importe quoi si tu rencontres un crocodile un jour ! Outre des prédateurs, ce sont avant tout des créatures vivantes et non des jouets ! » Malgré le sursis que je t’accordais du fait de ton ébriété, je ne pouvais m’empêcher de te réprimander. Tant pour ta sécurité que pour le respect de ces animaux. « Ceux de mon père ne sont pas dressés de la sorte, non. Même s’ils sont en captivité, ce ne sont pas des bêtes de foires. » Certes, nous les présentions parfois à des visiteurs, mais qu’une fois de temps en temps, rien de comparable avec un parc animalier. « Et tu ne devrais t’enthousiasmer, je ne te le disais pas de manière positive. L’un de leur soigneur a déjà perdu une jambe après avoir malencontreusement glissé dans le bassin. » Je me raclais légèrement la gorge et détournais le regard. « Ce n’était qu’un accident, ma présence n’était qu’un pur hasard, » prétendis-je comme si je n’étais pas fière de cette anecdote – en partie vrai – et pourtant, je ne manquais de la compter, c’était signe que je ne la regrettais pas vraiment non plus.