Un sursaut et le silence tombait dans la pièce. Seule ta voix emplissait la pièce alors que mon sourire ne faisait que s’agrandir à mesure que les secondes passaient. Mère renarde que tu étais, tu parvenais, évidemment, à rapidement dompté le groupe d’amis que j’avais rejoint au lycée. Zwei venait au creux de mon oreille, curieux d’une chose à laquelle je secouais la tête en grimaçant, ne voulant pas répondre. « Répooond ! » « C’est arrivé, rapidement. » Un échange tout bas alors que le petit dernier se réveillait à t’entendre parler aussi longtemps et aussi fort. Enfin, à moins que ce soit le fait d’entendre une voix étrangère qui le troublait ? « Il se passe quoi ? » Une voix endormie et je lui faisais signe de venir nous rejoindre devant le portable. Le petit dernier arrivait avec un peu de bave au coin de la lèvre que Shen lui enlevait comme une maman. « On fait par ordre de taille ! Shen commence. » « Pourquoi on fait par ordre de taille ?! »  « Parce que ça te laisse le temps de te rhabiller ! » Shen se penchait alors devant la caméra, tout sourire ce qui lui offrait un air encore plus juvénile. « Je m’appelle Shen, né en 96 comme tous les autres. J’apprends à m’occuper des enfants » Il se mettait alors à faire des aegyo puis à chanter une berceuse jusqu’à se faire attaquer par Kang Wei habillé pour qu’il se taise avec sa voix qui lui tuait les oreilles.

J’avais été fiancée et j’avais rompu, c’était un fait, encore un peu éprouvant mais pas un tabou non plus. Je n’allais nier ou effacer ce passé. Je te jetais un regard suspicieux avec ton ami tandis que vous échangiez des messes basses. Mais l’apparition d’un nouveau visage tourna mon attention et puis en être encore un peu plus l’objet, je l’accueillis avec un petit signe mignon de ma main libre. J’écoutais ensuite la présentation du premier, bien qu’en vérité, les seuls prénoms de tes amis m’auraient suffit. Né en 96 : « Tous ? Vous êtes tous mes ainés ? » Incrédule, je battis des paupières. Certes tu faisais déjà assez juvénile et peu viril, mais parmi tes amis, il y avait bien pire à l’instar de Shen et du dernier à être apparu.

Pendant ce temps, je m’étais arrêtée dans l’attente que le feu rouge du passage piéton passe vert. Là, j’entendis à nouveau une voix malgré mes écouteurs. « Wouah ! On ne vous a jamais dit que vous ressemblez à une mannequin pour la publicité ? » Je tournais mon regard en direction de cet individu qui effectivement s’adressait à moi. « Oh, je crois qu’on a un premier candidat les gars… » murmurais-je à votre intention, sans reporter mes yeux sur l’écran pour le moment. « Une jolie fille comme vous ne devrait pas marcher seule la nuit ! Ce n’est pas prudent ! Je peux vous accompagner si vous voulez ? Si ça peut vous rassurer… » Je me plaçais à côté de cet homme et amenait mon téléphone de façon à ce qu’il puisse apparaitre dans le champ vidéo « Verdict ? » Plus beau ou moins beau que Haneul ? J’avais ma réponse mais vous faire participer était plus amusant.

Le groupe à l’unisson hochait la tête à ta question, nous avions tous été dans la même classe au lycée après tout. Pas un seul de nous n’était plus jeune ou plus vieux, bien que dans le lot, mon anniversaire était le dernier. Shen revenait avec Kang Wei en entendant un homme parler et, très probablement s’adresser à toi. Alors je perdais mon sourire et me concentrais sur la vidéo, curieux et inquiet. Encore et toujours… Tous se concentraient sur ta question, détaillant le garçon comme si leur vie en dépendait. « Je pense qu’il est plus mignon. » « Hey, il est pas plus beau. Haneul est plus beau. » « Il a des gros sourcils je trouve » « c’est l’ombre qui fait ça non ? » « Je suis plus beauuu ! Beaucoup plus beau que lui ! » « T’es pas objectif ta gueule. » « Je suis objectif ! Je suis plus beau ! » Je me lançais alors dans un combat contre Kang Wei alors que les autres n’arrivaient pas à départager et finissait par appeler Li devant la caméra pour qu’il décide. Après un petit moment de réflexion : « Je suis pas doué pour les hommes mais Hera est belle. » « Yah ! » Je le frappais et lui faisais comprendre de partir malgré mon débat acharné avec Kang Wei.

Je souriais, aussi purement et simplement à t’entendre débattre avec tes amis. Malgré cet homme dont je me moquais pour avoir osé m’aborder, je n’avais d’yeux que pour toi. Ton visage rougit par l’alcool, ton attitude te rendant terriblement mignon et même le son de ta voix… Je ne parvenais à te résister. Ce fut le mouvement de piéton qui brisa le charme en me faisant remarquer que le moment était venu de traverser. « Oh ! Le feu est vert ! Navré mais vous n’avez pas été retenu pour le casting ! » Sans plus tarder, je m’empressais de prendre congé d’un pas léger. Le temps de franchir le boulevard, je détachais mon regard de l’écran, question de sécurité, puis j’y reportais mon attention une fois le trottoir atteint. Bien décidée à continuer de m’amuser avec vous, je reprenais la parole : « Hum, mais pensez-vous cela qu’il existe un homme à la hauteur d’une telle beauté ? » fis-je semblant de réfléchir sérieusement. Je précisais néanmoins ensuite  : « Je parle de la mienne évidemment, pas celle de Haneul ! » Un petit clin d’oeil espiègle à ton intention, je tirais discrètement le bout de ma langue entre mes lèvres. Puis je relevais ensuite prestement mon attention. « Oh ! » m’exclamais-je comme si j’avais trouvé ma réponse. J’accélérais sur quelques pas : « Lui peut-être ? » Je vous présentais alors un panneau publicitaire sur lequel figurait un beau mannequin, le portable face à lui. Je postais ensuite à côté pour que nous puissions juger puis tranchais finalement : « Non. » Je repris ma marche et en proposa un second. « Lui ? » Même manoeuvre, même verdique. « Non plus. » Dans mon entrain, je continuais à feindre de chercher si je pourrais trouver l’homme idéal, que me soit parfaitement assorti.


En plein débat acharné avec Kang Wei, ce fut ta voix annonçant à ce pauvre homme qu’il était recalé qui le stoppait. « Je t’ai dit que j’étais mieux que lui ! » J’avais foi en mes charmes, même sous les effets de l’alcool ! « Fais attention en traversant. » « Lèves la main comme les écoliers » « Hera devait être mignonne enfaaant » Pendant que Shen délirait à t’imaginer enfant, je me saisissais du verre sur la table basse pour m’enivrer un peu plus encore, les yeux rivés sur l’écran du portable. « Je pense pas qu’il existe un homme qui puisse paraitre digne de toi à son bras… » « Yah. Ça peut être méchant ! » « Regarde comme elle est belle ! » Je pointais l’écran de la main pour appuyer mes dires avant de me rendre compte de ceux-ci et de me laisser tomber, mon épaule heurtant les cuisses de Zwei. L’homme rigolait en réaction. « C’est injuste, elle est sobre et moi je suis totalement en train de me mettre à l’envers… » « On t’a jamais dit de toucher à ce verre à nouveau. » Une grimace passait mon visage en réponse, peu enclin à débattre une nouvelle fois. « T’as dit que tu faisais médecine c’est ça ? Tu veux être chirurgienne ou un truc comme ça plus tard ? » « Imagine la en infirmière… » Zwei et moi nous regardions avant de rigoler en chœur alors que Shen, plus innocent nous regardait sans comprendre. « Pourquoi c’est drôle ? » Il me donnait même quelques tapes dans le dos pour avoir mon attention vainement.

Mon sourire et mon amusement ne désemplir pas à t’entendre te morfondre d’être en situation de vulnérabilité injuste. Quant à ton ami dont l’apparente pleine possession de ses moyens – surtout comparé à toi – me surprenait, je m’apprêtais à lui répondre sérieusement avant que ta remarque ne fuse et que vous vous mîmes à ricaner. « C’est drôle parce que ce sont des crétins doublés de pervers, » expliquais-je à Shen dont l’esprit d’une innocence déconcertant à côté de toi. « Je constate que décidément, tu t’assortis bien à tes amis, Haneul, » raillais-je plus froidement soudainement à propos de ton acolyte sur lequel tu te reposais actuellement. « Oh ! Et le gars derrière toi ! » La voix de Shen s’exclamant soudainement me fit sursauter légèrement. Je me retournais ensuite pour découvrir l’affiche en question. Celle pour un concert de musique récital où figurait le visage d’un homme que je ne connaissais que trop bien. « Ah ouais, carrément que vous seriez assortis ! » entendis-je ajouter un de tes amis bien qu’à son ton, je compris qu’il cherchait davantage à te taquiner. Parce que lorsqu’un garçon parle à une fille, ses amis ne peuvent s’empêcher de te titiller, même si tout n’est que moquerie. Même si tout ça n’a de sens. « Lui, j’ai rêvé de me marier avec, mais finalement, personnellement, je ne nous trouve pas si bien assortis, » répondis-je sur un ton léger et plaisantin. Comme une petite fille qui aurait longtemps rêvé d’épouser celui qu’elle considérait comme le prince charmant avant de prendre conscience qu’il n’existait pas. La réalité ressemblait à cela mais je ne vous dirais les choses explicitement à ce sujet.


Je me redressais rapidement à ton commentaire, l’air sérieux et désolé. Mais quand même, t’imaginer en infirmière… A cette idée de nouveau, un sourire naissait sur mes lèvres et mes pupilles se mettaient à briller. Comment je pouvais garder mon calme au juste ?! Il fallut de cette phrase pour que Shen ouvre sa bouche sur un type, puis Kang Wei. Alors je le détaillais, faisant une moue pensive avant de retrousser les narines. « On dirait le genre de type que les petites filles veulent épouser parce qu’il semble parfait et… » Et je me taisais. Et je me décomposais. Lui ? LUI ?! Sans trop savoir pourquoi, ma main atterrissait contre le crâne de Shen dans une tape bruyante. « Haneul est bien violent ce soir » Enfin je pensais l’avoir frappé mais c’était Kyung Joo, le pauvre, qui dormait qui reçut le coup à l’aveuglette. « Oh désolé Kyung Joo ! Shen vient là ! » Le garçon partait en criant rapidement avant que je ne soupire doucement. Cet idiot… « Il te faut quand même un homme avec un minimum de classe. Tu sais… » Nos regards se croisaient, le silence régnait lourdement avant qu’il ne me tende la bouteille d’alcool. « Bois. » « Tais-toi. » « Si tu bois. » Je le pointais du doigt, il me pointait du doigt, je buvais à la bouteille en grimaçant, il hochait la tête en se taisant. Pendant ce temps, Kang Wei avait décidé de poursuivre la conversation avec toi. « Je sais pas si t’es une meuf cool ou très chiante. Au début t’avais l’air cool, puis tu m’as gueulé dessus et maintenant t’es cool. » « Elle t’a pas gueulé dessus. Si elle t’avait gueulé dessus, t’aurais eu envie de devenir une souris vagabonde jusqu’à plonger dans le fin fond de l’antarctique avec des pingouins violet. Parce que l’ère glaciaire est plus tempérée qu’Hera énervée. » « Il parle d’expérience je pense. » Je posais une main sur mon cœur en faisant mine de pleurer dans les bras de Zwei. « Mon cœur a été brisé ce jour-là »

À vous entendre mais aussi vous voir batailler ainsi, vos gestes plus altérés par l’alcool que vous ne le ressentiez probablement, je ne savais trancher entre le rire et la lassitude. Je roulais néanmoins des yeux avant de renouer avec l’exhibitionniste rhabiller à l’écran, sauf que tu ne me laissas pas le temps d’y répondre. « Arrête de te lamenter, tu le cherches bien à m’énerver à chaque fois ! » Tu le faisais exprès alors il fallait s’y attendre. Je ne savais présentement si je tirais fierté ou si j’étais froissée d’un tel portrait que tu dressais de ma personne à tes amis. « Mais oui, écoute-le, je ne suis certainement pas quelqu'un de cool. Je suis un tyran impitoyable au coeur de pierre, Haneul le dit très bien. » À nouveau, derrière une prétendue neutralité détachée, mon ton et les expressions de mon visage sans doute, témoignaient d’une once de sarcasme. Finalement, pourquoi avais-je voulu voir tes amis ? Pour qu’ils m’apprécient ? C’était peu probant. Pour que toi au moins, tu me laisses mettre un pied dans la petite bulle de ton univers ? Oui, mais pourquoi toi ? Après t’avoir sans doute observer quelques brefs instants, je soupirais. « Bon, dites-moi vos prénoms, sinon je vais devoir vous attribuez à chacun un surnom. » Puisque pour l’instant, je n’étais parvenue à connaitre que le prénom d’un seul d’entre eux.

« T’as pas un cœur de pierre… » Soufflais-je en me redressant, je me tournais alors vers Kang Wei avec un air sérieux. Je ne pouvais pas les laisser croire que tu étais ainsi, jamais ! « En vrai, quand elle fait mine d’être énervée, elle est trop mignonne… » « Comme toutes les filles quand tu les embêtes. » Je marquais un blanc en réfléchissant. C’était… C’était pas faux. Pourtant, je faisais une moue et secouait la tête pour continuer à parler encore plus bas avec lui. Du moins, jusqu’à cette phrase de ta part. Là, tout le groupe – ou presque – se réveillait. Ta phrase fut suivi d’un court silence puis…. « UN SURNOM ! UN SURNOM ! » Des cris auxquels je me joignais bien volontiers, finissant par lever la main à un moment. « Moi aussi je veux un surnom ! » Shen posait une main sur mes cheveux pour me faire glisser dans le canapé. « T’en as déjà un ! Hantaro ! » « J’en veux un nouveau ! » Je me redressais, m’appuyant sur l’épaule de Kang Wei tout en fixant l’écran. Savais-tu combien tu étais belle ? « Ma Bijou, choisis un surnom pour tout le monde. Sauf Kyung Joo, il dort… »

Ma bonne humeur semblait faire les montagnes russes. Comme chaque fois que tu étais dans mon sillage. Mais cette fois-ci, à mon oreille étaient parvenues des mots plus que propices à me provoquer un véritable coup de sang. Vous parliez entre vous. Vous vous fichiez que j’écoute ton ami et toi, mais j’entendais bien ! Je ne pus réprimer un discret rictus d’amertume. Alors, c’était bien comme je le pensais. Je n’étais qu’une parmi le lot. Comme les autres. Je ne supportais d’ordinaire jamais ces mots mais qu’ils me révèlent présentement que je n’étais pour toi qu’une fille parmi les autres. Que tu te comportais ainsi avec toutes, à les trouver si mignonnes… J’étais révulsée ! Dans votre enthousiasme pour obtenir chacun un surnom de ma part, vous ne sembliez remarquer l’animosité de mon regard ou mes traits contrariés. Ceux-ci je détendis alors pour sourire. Subtilement, les lèvres imprégnées de venin de serpent. De mon index, je désignais tout d’abord Shen, puis les uns après l’autre, à l’exception de l’endormi, en prononçant les syllabes suivantes comme si chacune était un surnom : « Allez… Tous… Vous… Faire voir ! »  tranchais-je finalement  sur ton cinglant en concluant par ta personne. Ou plutôt, non, la conclusion véritable fut l’écran noir face auquel vous et moi nous nous trouvions. J’avais mis fin à la communication.