Mon regard à moitié endormi s’éveillait à te voir apparaitre. Tu avais accepté. Un sourire aux lèvres, accentué par ta question, je faisais néanmoins le triste constat que je ne m’étais trompé. Le froid… Je ferais mine d’y croire pour toi. « La plupart du temps je suis pas viril quand je bois. J’ai tendance à vouloir faire des câlins, me blottir dans le cou des gens, faire des bisous aussi… Je peux pas être viril bourré. » C’était un fait à quelques exceptions près quand je me trouvais en extérieur ou avec des gens que je ne connaissais pas. Après m’être installé sur le ventre pour lancer l’appel, je roulais pour être sur le dos, le portable levé haut devant moi. Ma main gauche se levait pour frotter le coin de mon œil, étrangement irrité après avoir mis le nez dans les draps de mon ami, pour ensuite passé dans mes cheveux. « Hmm… De quoi devrions-nous parler… Ah. Aujourd’hui, j’ai passé l’après-midi dehors. On passait dans une rue et on a senti une odeur bizarre. On s’est approché pour voir ce que c’était, on a trouvé un petit stand de nourriture qui vendait des… comment ça s’appelle. Tu sais, le sucre que tu fais fondre ? Tu mélange, mélange, tchouk tchouk au-dessus du feu puis tu mets dans un autre truc et plam t’aplatis avec une forme dedans ? » J’attendais un moment pour que tu puisses visualiser de quoi je parlais avant de continuer. « Le vendeur nous a dit que c’était gratuit si on le faisait nous-même, alors on a essayé. C’était ma première fois, je savais pas comment ça se mangeait ni rien.  J’ai suivi les autres, mais arrivé à la fin… Je voulais gouter, vraiment, j’avais faim. Alors j’ai attrapé ce que j’avais fait mais c’était pas durcit ! Et je suis gaucher. Alors ça s’est collé à mon bandage, à mon sweat en partie, je me suis brûlé les doigts… C’était un carnage... » Je ne savais pas trop pourquoi je te racontais ça, pour te changer les idées peut-être ? Que tu rigoles de moi et arrête d’être triste ?  

Sérieusement, que faisait-on là ? Ou plutôt que faisais-je ? Tu venais de le dire toi même, c’était l’alcool qui te rendait tendre. Tu ne te montrais si attentionné et mignon qu’à cause de son effet, tandis qu’à l’image de ta personne câlinant et couvrant de bisous les filles autour de toi dès que tu étais ivre, mon coeur se pinçait. Sur mon visage, j’usais de mes qualités d’égérie pour ne rien laisser paraître. Franchement, n’était-ce pas encore aberrant de reprendre la discussion comme si de rien n’était ? Comme si nous étions des… quoi ? La question demeurait et toi, tu reprenais ton attitude. Tu me racontais les anecdotes de ta journée comme si nous étions proches. Comme si j’avais une raison de m’y intéresser. « C’est d’une véritable infirmière plutôt qu’une fantasmer dont tu aurais besoin… » soupirais-je en roulant légèrement des yeux à entendre que met de street-food avait emporté une victoire sur tes vêtements et le bout de tes doigts. « Et tu as changé de bandage au moins ? » Ou portais tu encore ce truc sale et collant ? Bien que tu n’encourrais aucun risque d’infection. « J’arrive pas à croire qu’on parle d’un pareil bandage pour une si petite griffure… » soupirais-je à nouveau en secouant légèrement la tête. Et si seulement c’était le plus incroyable. Le plus insensé s’avérait pourtant être indéniablement cette situation, notre conversation. Notre relation.

Une nouvelle fois, tu faisais naître un léger rire de tes mots. Une véritable infirmière, voulais tu l'être? Je manquais de te poser la question, mais ce fut la tienne qui m'en détournait... puis c'était ton commentaire. « Yaaa-aah » je me saisissais du coin du bandage avec les dents pour le défaire et te montrer l'état, certes en cours de cicatrisation, de cette fameuse et sois disant petite griffure. « Ça fait vraiment maaal.. enfin pas là, mais j'ai eu mal toute la journée... » je devais ressembler à un enfant.. faisant même une moue boudeuse en fixant la plaie tristement. « Sinon oui j'ai changé le bandage, évidemment. Tu crois que je suis un sauvage? » Je l'aurais été dans un sens.... si Li n'avait pas insister pour que je le change. « Je pensais que l'anecdote allait t'amuser mais tu finis par t'inquiéter.. » soufflais-je en fixant l'écran cette fois, les lèvres pincées car ennuyé d'avoir échoué.

Et je ris, doucement. De nouveau grâce à toi et ton attitude si enfantine, je pus sourire et rire légèrement. Idiot que tu étais à te défendre pour une blessure que tu m’avais déjà montré. Et ce fameux bandage exagéré que tu défaisais. « M’inquiéter ? » répétais-je amusée. Mon rire résonna ensuite un peu plus franchement bien que raisonnablement. Je n’oubliais pas que je marchais encore dans la rue, mes pas me rapprochant inexorablement des bâtiments de notre fraternité. « Non ! Rassure toi, je ne m’inquiète pas trop pour la gravité d’une griffure de chat domestique ! » Pour t’avoir vu soigner ta main blessée le jour de notre rencontre et d’avoir entendu dire à plusieurs reprises que tu n’étais pas fragile, tout ce cinéma à propos d’une griffure de félin miniature n’était pas ridicule ? Adorablement ridicule. Je n’osais imaginer ta tête si tu voyais un jour la taille des crocs de certains serpents ou des mâchoires des crocodiles de mon père. « Es-tu vraiment l’homme qui garde mon chien ? » te demandais-je, prétendument étonnée et perplexe, tandis que spontanément, je te qualifiais d’homme et non d’enfant pour une fois. « Là oui, maintenant, je m’inquiète, il risque de te casser en deux un jour… »  feignis-je de me préoccuper de cette éventualité plus que possible. « Heureusement que je ne t’ai jamais confié Swag, imagine si elle t’avait mordu ? Aurais-je dû rembourser tes frais d’hôpital ? » continuais-je à me moquer pour le plaisir de t’embêter. De te parler.

Alors que tu niais t’inquiéter, mes doigts se perdaient dans ma tignasse, cherchant une position confortable pour m’installer. « J’aurais dû faire pire alors, tu te serais inquiétée… » Ce n’était pas comme si j’avais l’opportunité de me blesser comme je le voulais, puisque j’évitais bien de le faire en règle générale, mais, bizarrement, cette idée semblait si tentante ce soir… Comme si je voulais te savoir aux petits soins avec moi. Un rire, bien que léger, passait mes lèvres une nouvelle fois en te voyant t’inquiéter pour mon travail. « Ah ! Ah non ! Je veux pas finir à la morgue à cause d’une tortue carnivore ! » Je roulais dans le lit pour cacher mon visage dans la couette bien que tu pouvais voir ma tignasse s’agiter de façon négative. « Veux paaaas ! Me tue paaas ! Je suis un gentil Oppa ! » Ma voix était étouffée par le tissu mais tu devrais être capable de m’entendre malgré tout. Je sortais les yeux du tissu, t’offrant le haut de mon visage devant la caméra. « Je suis curieux de comment on s’occupe d’une tortue, on la pose par terre avec une feuille de salade et le temps qu’elle marche jusqu’à un endroit dangereux, la journée est déjà passé ? J’ai jamais eu de tortue à garder encore… »

Comment ne pas rire face à une telle comédie ? Si au début, je m’arrêtais presque, décontenancée, perplexe à la vue et l’entente de ta réaction, je me remis en marche d’un pas aussi léger que le rire s’échappa d’entre mes lèvres. Exagérais-tu délibérément ou était-ce l’alcool qui accentuais-tu ta bêtise feinte ? Car, je n’osais considéré que tu puisses être sérieux. Pour ma part en revanche, je prétendis me vexer. « Yah ! Tu te moques de moi ? » Après un éclat de voix, je me plaignis d’une petite voix morne. Sur mon visage, une mine boudeuse se dessinait. Le malaise précédent oublié, nous nous remettions à jouer. Tendrement. « Ne sous-estime jamais une tortue, » t’informais-je néanmoins que tu pourrais bien être étonné et embarrassé si un jour je venais à te confier Swag. « Tu serais surpris de découvrir comme elles peuvent être les reines de la fugue. » J’essayais d’être sérieuse, mais comment ne pas sourire alors que déjà, je t’imaginais courir partout dans le dortoir à la recherche de la tortue ayant profiter de ton manque de vigilance. « Je pourrais t’apprendre à entretenir l’aquarium d’une tortue si tu veux, Swag a besoin d’un homme de ménage. » Proposition sur un ton angélique, je battis des cils face à l’écran. Oserais-tu me résister lorsque je me montrais si innocente ?

Ma curiosité quant à ce type de garde était belle et bien présente, devrais-je te demander de me confier Swag un jour ? Pas sûr que ce soit une bonne idée, mais si tu étais à mes côtés, alors tu pourrais certainement me conseiller pas vrai ? Alors je réfléchissais à cette opportunité, une moue pensive sur mes traits bien que tu ne pouvais le voir véritablement avec les draps. « T’as déjà couru dans toute la fraternité en cherchant Swag ? » Je ne pouvais que t’imaginer appeler ce petit animal alors que la panique t’habitait. Un rire passait mes lèvres à cette image, me poussant à enfouir un peu plus le visage dans les draps le temps qu’il passe. « Les tortues vivent dans des aquarium ? On ne les pose pas dans un lit ou sur le sol et elles font leur vie ? » Première nouvelle étonnante. Ma main gauche se glissait sous mon menton, relevant mon visage des draps tout en offrant un instant de repos à mes cervicales. « Attends une minute. » Je retrouvais mon sérieux soudainement, les sourcils froncés. « Yah… Tu voudrais pas juste m’enlever dans ta chambre pendant des heures en prétextant l’apprentissage du nettoyage d’aquarium ? » J’attrapais le drap pour cacher des joues faussement rouge à cette idée bien que mon sourire était sincère. « Omona ! Heraaa t’es si entreprenante soudainemeeent ! » Ma main se posait sur ma joue alors que je détournais le regard vers  le côté. « Arrêête, je deviens timiiide »

À ta première question j’allais répondre avant que tu n’enchaines sur la manifestation de ton étonnement… aberrant. « Tu es sérieux ? » Pensais-tu vraiment qu’une tortue nécessitait si peu d’attention ? À l’instar de tout autre, la tortue réclamait des soins particuliers. Et sans doute était-ce à cause d’individus aussi ignorants que toi à leur sujet car parfois leur domestication s’apparentait à un fléau. « Je me demande jusqu’à quel point l’alcool affecte tes neurones… » Sensible aux animaux que tu étais, je parvenais difficilement à te croire si inculte en matière de tortue, et probablement de reptile. Pendant que cette interrogation je murmurais, toi, tu t’agitais à nouveau à faire l’idiot. Étrangement ce soir, à entendre tes inepties, je m’amusais plus que je ne m’agaçais véritablement. « Désolée de briser ton illusion mais l’aquarium de Swag se trouve dans le bureau de la présidence généralement. » Bien sûr, à l’instar des messages que nous échangions, je ne t’avouais pas si facilement que tu me faisais rire et sourire. Sauf qu’aujourd’hui, tu pouvais me voir. Les expressions sur mon visage me trahissaient. Mais t’en souviendrais-tu ? « Et pour te répondre, oui, je l’ai déjà cherchée mais pas parce qu’elle avait fugué. Une fois parce qu’un gumiho l’avait apporté à l’un de nos anciens membres élève vétérinaire parce qu’elle avait perdu sa tête… » J’hochais légèrement la mienne pour te confirmer que ce fait était tristement vrai. « Une autre, je l’ai retrouvé dans le jardin de la fraternité déguisée en Tortank. Je doute qu’elle y soit parvenue seule. »

Toute la mise en scène volait en éclat en un seul instant puisque tu m’annonçais la triste réalité : l’emplacement de l’aquarium de Swag. Alors je n’aurais l’occasion de m’aventurer dans ta chambre… Un mal pour un bien puisque je ne voulais être traité de stalker une fois de plus. Alors je retrouvais mon sérieux, bien que boudeur en apparence face à cette nouvelle inattendue. Mais pas forcément plus que tes propos suivants. « Elle avait… perdu sa tête… » Soufflais-je avec incompréhension avant de froncer les sourcils. « Tortank… » Qu’était-il arrivé à cette pauvre tortue ? « J’aimerais tellement avoir une photo d’elle déguisée en Tortank pour la montrer à mes fans… ça peut en inspirer ! C’est tellement intelligent… On doit pouvoir déguiser Jethro en Pyroli aussi…Si t’étais un Pokémon, tu serais Poissirène et moi je serais Rondoudou... Mais quel idiot penserait qu’elle avait perdu sa tête ? Comment c’est arrivé ? Même moi j’suis pas aussi idiot… Sauf peut-être bourré…  »  C’était même certain malheureusement.

Tu répétais mes mots et à l’aide de la visio, je hochais de la tête pour confirmer la pensée que je te supposais. À moins de n’être stupide, mais en principe, tu avais effectivement cas bien pires que toi au sein des renards. Je ne te le dirais, mais malgré tes inepties et tes actes idiots, tu me paraissais être en vérité plutôt intelligent. Ton dossier scolaire le confirmait. Donc tu pouvais comprendre par là que ce jour-là, Swag avait simplement rentré sa tête dans sa carapace et que l’agitation qui en avait suivi ne lui avait pas donné envie de l’en sortir. Avec Tortank en revanche, il semblerait que nous ayons abordé des références qui te parlaient. « Poissirène ? » répétais-je un peu septique. Je n’étais pas sûre d’appréciée. Enfin, si, pour l’apparence et le goût de l’océan, mais, cette créature imaginaire avait-elle une quelconque utilité ? « En tant que présidente gumiho, je devrais au moins être un feunard. » De ma main libre, je mimais une patte de renard à hauteur de mon visage et la laissais retomber ensuite. « Tu n’as pas vraiment non plus les caractéristiques d’un rondoudou, je trouve… » Je pensais la tête légèrement sur le côté, à l’exception de ton côté momentanément mignon – mais la plupart l’était par définition – et de tes joues rosies. « Et j’ai la photo, » annonçais-je en redressant la tête. « Mais pour l’avoir, il faudra la mériter… » Je souriais, prête à profiter d’une nouvelle occasion pour te taquiner. Pour jouer. Alors que mes pas me rapprochaient que trop tôt du dortoir gumiho.