Devais-je comprendre que tu aimais me parler ainsi ? Au point de ne pas vouloir rentrer, même inconsciemment ? Mes lèvres se fendaient en un sourire des plus heureux, mes yeux n’arrivaient à fixés l’écran plus longtemps et se détournaient sous la gêne. Pourquoi étais-je si heureux de l’apprendre ? Etait-ce après t’avoir entendu dire que nous n’étions proches ? Une sorte de réconfort après m’être fait frapper par la réalité ? Alors je réfléchissais à la possibilité que tu puisses aller dans ta chambre pour me parler. Y avait-il tes colocataires ? La mienne devait être libre sinon, probablement ? Dans le pire des cas… Il restait les parties communes ou le bureau que tu occupais pour ton poste. Ainsi, tu ne dérangerais personne pour sûr… Mais alors que je réfléchissais à une solution pour te voir vite rentrer et ne pas tomber malade, tu revenais sur notre discussion précédente : tes yeux aventuriers. Qu’essayais-tu de me dire ? Je ne comprenais le but de la manœuvre que tu venais d’effectuer, je ne savais quel résultat tu attendais mais probablement pas celui qui s’effectuais à cet instant. A tes explications naissait une possibilité, une tentation. Et si… pour une fois… Pour une fois j’essayais à nouveau ? Si c’était comme tu le disais, si vraiment tu ne regardais un autre homme que celui que tu aimais, au point que tu m’avoue être probablement trop coincée, pouvais-je me laisser tenter ? Cette nuit, après avoir tant bu, je voulais y croire. Ma raison voulait y croire sans y parvenir, mon cœur s’alourdissaient douloureusement, ralentissait avec peine. Même si je le voulais, je ne le pouvais… « Je trouve que c’est une bonne chose. » avouais-je doucement, le regard rivés sur les draps à défaut de l’écran un instant avant de se lever vers celui-ci à nouveau, avec plus de tendresse, davantage de douceur. « Avoir une femme dévouée à ses côtés… Je pense que tous les hommes finissent un jour ou l’autre par le rechercher. Mais pas tous ne la mérite alors choisis bien. »

À tes moqueries je m’étais plus préparée qu’à tes paroles sérieuses et sages. Au rejet que tu y sous-entendais non plus. Bien choisir… Si tu me le conseillais ainsi alors, tu ne t’envisageais comme candidat. Pourquoi ce constat me peinait-il ? Etais-je déçue, expliquant l’alourdissement de mon coeur ? Ou bien fut-ce tout ce qui découlait autour de mes choix, de mes hommes passés et à venir, ravivant de trop fraîches ou profondes blessures qui me pesait ? Me peinait. « Je crois que c’est… À mon tour, un sujet dont je n’ai pas envie de parler… » Et la gorge nouée, voix étranglée, je détournais mon regard. Je levais mes yeux vers le ciel afin d’y garder confiné les larmes réclamant à couler. J’avais beau essayé d’être forte, je ne pouvais pas constamment faire comme si de rien n’était. J’avais beau ne pas regretter ma décision, comment ne pas déplorer un rêve brisé ? J’y croyais tellement. Pendant tout ce temps, je n’ai pas envisagé un autre homme. Je n’ai pas imaginé ma vie autrement qu’avec lui. C’était un rêve de petite fille dont je venais de me réveiller. Et j’avais parfois l’impression d’avoir ruiné les espoirs de la petite Hera d’antan qui déjà avait voulu l’épouser. Je ne faisais qu’échouer. De grand amour en néant. « Je dois être maudite, » lâchais-je inconsciemment. « L’amour est la richesse des pauvres, alors je ne dois pas y avoir le droit… » Même si je voulais garder espoir, ne faisais-je pas que courir dans le noir, en vain ? « Yah, ne m’écoute pas, je dis n’importe quoi. C’est la fatigue… » prétextais-je avant que tu ne me prennes en pitié.

Un sourire triste se dessinait sur mes lèvres à tes mots. Les jours étaient passés, les semaines, pourtant tu n’arrivais à oublier. Sans doute, ne le pourrais-tu jamais… Alors pourquoi évoquais-je un sujet aussi difficile pour toi ? Ce ne fut qu’à tes mots et ta réaction que je me rendais compte de la bêtise que j’avais commise, une boulette plus grosse que moi. J’avais sauté les deux pieds dans le plat, une fois encore. « Hm… Je suis pas riche pourtant. » Pas assez pour me passer de l’amour en tout cas, mais je le fuyais comme la peste alors mon cas était sans doute différent. Sur l’écran je tapais à nouveau, le cœur battant quant à ce que je m’apprêtais à dire. C’était une bêtise, totalement stupide mais… « Si à 35-40 ans t’as toujours personne, marions-nous. » Malgré mes mots qui semblaient si légers j’étais semi-sérieux. A moins que la boisson l’était plus que moi ? « Je m’explique. A partir de 30 ans, ça devient plus dur pour rencontrer quelqu’un et se marier car c’est moins bien vu, nos parents risquent d’être inquiets aussi de nous savoir seuls à partir d’un certain âge. Alors au lieu de rester seuls et de les inquiéter, autant nous mettre ensemble. Je te traitais bien, comme dans un rêve ? Le prince charmant ? » Un léger rire m’échappait, presque nerveux. « Un prince un peu idiot… et un peu téméraire ? Je suis même pas sûr de vivre aussi longtemps… Considère que je peux être une option Z, puisque j’ai pas l’intention de trouver quelqu’un et encore moins de me marier. Tant que tu fais une fois par jour des bruits d’animaux, je ne demanderais rien de plus ! Ah. La nourriture aussi. Je suis nul pour faire des repas. Mais c’est tout, j’serais pas un mec chiant. » Je marquais un blanc avant de froncer les sourcils. « Mais ta famille te trouverait un homme mieux sans doute… » J’enfonçais alors mon visage dans les draps, contre mon bras tenant le portable, abandonnant toute envie de formuler des idées. « Ah je sais paaaas. Oublie… Je raconte n’importe quoi parce que t’es triste soudainement et que je peux pas t’embêter ou te trainer quelque part pour te faire rire… Je déteste la distaaaaaance... »

Mes larmes tu évinças lorsque ta solution tu m’expliquas. Abracadabrante, et indéniablement vexante, après m’être sentie brièvement offusquée, ce fut un sanglot de rire qui m’échappa finalement. « Tu es mignon, » soufflais-je, sincèrement attendrie. « Idiot mais mignon ! » Malgré le chagrin qui demeurait, je parvins à sourire, encore une fois grâce à toi. « L’alcool t’avantagerait presque, je t’envie. » boudais-je à ce constat. Tu semblais bien t’en tirer dans l’ivresse. De combien de filles t’étais-tu souciées de panser les maux du coeur avec quelques verres dans le nez ? Les faisais-tu rire aussi ? Simplement avec tes mots et bêtises, ou était-ce dans tes draps que tu les emmenais glousser ? Mon coeur se pinçait. « Des hommes qui veulent épouser ma fortune, il n’en manque en effet, mais… » Je m’interrompis tandis que soudainement l’une de tes phrases s’imposa dans ma mémoire instantanée. « A-Attends ! Pourquoi tu ne vivrais pas aussi longtemps ? » m’alarmais-je brusquement alors que j’analysais seulement tes propos précédents. Il y aurait-il quelque chose à ton sujet que j’ignorais ? Quelque chose de cette importance qui expliquerait notamment ta volonté de vivre pleinement et insouciant ? Mon coeur s’emballait. Je paniquais à la découverte d’une vérité aussi terrible. Dis-moi que ce n’était pas ça ?

Le visage dans les draps, je t’entendais prononcer ces mots qui me faisaient immanquablement rougir un peu plus. Fort heureusement, tu ne le voyais car je me cachais mais pour le sentir, j’étais encore plus gêné. Je savais être mignon quand j’avais bu, mais mes mots étaient incontrôlables par ta faute et tu ne semblais t’en rendre compte. Heureusement pour moi. Ce genre d’inepties n’était habituelle, ce genre de demande ou même, cet appel tout simplement, tout était étrange et si nouveau pour moi. J’en garderais certainement un bon souvenir, mais, pour le moment je sombrais dans la timidité… jusqu’à ta question. Pourquoi ? Ma tête se relevait malgré mes joues encore rougies et une moue s’inscrivait sur mes traits. Ne l’avais-tu toujours pas compris ? « Parce que je fais n’importe quoi ? » Une question rhétorique dans un premier temps qui t’expliquait bien que ce n’était ni voulu ni inévitable, une simple éventualité dans ma vie. Je t’offrais un sourire aussi léger que si tu me demandais quel était mon plat préféré ou même ma couleur préférée aussi simplement, léger, insouciant… heureux. « J’aime défier la gravité, avoir la sensation de voler, se sentir tomber et sentir son cœur s’affoler et s’alléger dans la chute... Saut en parachute, saut à l’élastique, chute libre… même marché sur un fil suspendu à plusieurs centaines de mètre du sol. Tu peux dire que c’est mon pêché mignon sans doute ? » Rien qu’à y penser, j’avais envie de sortir et d’organiser une telle activité, tout en sachant que, dans mon état, dans l’état de mes amis… C’était un coup à voir figuré 1996-2018 sur au moins une de nos pierres tombales.

À ma soudaine inquiétude, ta réponse s’abattit comme… un coup de massue. « Yah ! » ne puis-je m’empêcher de lâcher. Savais-tu la frayeur que je venais d’avoir ? Pourquoi d’ailleurs, avais-je pensé au pire ? Pourquoi un tel effroi face à cette éventuelle réalité, totalement inventée par mon esprit ? Mais la réponse à ton potentiel départ prématuré pour l’au-delà n’était autre que ton comportement imprudent. Pire qu’inconsciente. Je soupirais. « Tu ressembles à mon frère. » T’entendre énoncer tes goûts me rapporta inéluctablement à son souvenir. Son goût de l’adrénaline et son absence totale de notion de limite. Je ne te le formulerais, mais en cela lui et moi n’étions pas du même sang pour rien. C’était probablement notre seul point commun, et le vôtre aussi. « Mais il y a bien que ça que vous ayez en commun, » ressentis-je le besoin de préciser aussitôt. D’une part, car c’était bien la première fois qu’une telle pensée me venait de faire un pont entre vous. D’autre part car je ne te considérais absolument pas comme un frère. Pas du tout ! « Et l’insouciance aussi, et encore, c’est différent. Tu l’es parce que tu as décidé que tu voulais vivre ainsi, lui il est… dans sa bulle. » Il me manquait. Je l’adorais mais la distance nous séparait et je grandissais si éloignée de mes ainés depuis des années. Est-ce que ma voix me trahissait ? « Mais, il n’est pas demeuré ou limité intellectuellement ! » le défendis-je aussitôt que je pris conscience d’une potentielle mauvaise interprétation de mes propos à son sujet. « Il est juste… bizarre. » Pour autant que je l’avais, je ne trouvais d’autre mot dans mon vocabulaire pour le qualifier. Toi-même, il pourrait probablement te surprendre.

Pourquoi avais-je le sentiment qu’un instant, tu t’étais inquiété pour moi ? De cette exclamation qui t’avais échappé, je te regardais curieusement. Pourquoi étais-tu aussi vive brusquement ? Pensais-tu à une quelconque maladie ? Une envie d’en finir derrière ce masque de gaieté que j’affichais ? Cette idée, celle que tu puisses t’inquiéter, avoir peur pour moi, elle me ravissait tout autant qu’elle ne marquait qu’un rapprochement trop important entre nous. Je me savais capable de maladresse, alors si une fois, celle-ci arrivait… Je ne voulais t’attristé de la sorte, que tu m’apprécie ou non, tu ne pourrais certainement ignorer un de tes renards porté disparu. En bonne reine gumiho que tu étais.
Néanmoins, tu ne semblas vouloir t’attarder sur cette peur qui t’avais traversé. A la place, voilà que tu m’informais d’une ressemble avec ton frère. Alors tu avais un frère ? Aussi idiot que moi ? Plus ? Il semblait l’être davantage à t’entendre parler puis t’expliquer, comme si tu craignais un jugement de ma part ou qu’une maladresse t’avais échappé. « Alors t’as un frère… Plus âgé ? » Etais-tu, toi aussi, la dernière de ta famille ? « Parles-moi de ta famille, je suis curieux. T’as des sœurs aussi ? Comment c’est entre vous ? » Pour moi qui n’avait pu grandir avec mon frère ou ma sœur, concevoir une relation fraternelle « normale » n’était chose aisée. Je ne pouvais qu’écouter les histoires des autres, essayer de comprendre et d’imaginer comment cela aurait pu être avec eux à mes côtés au quotidien.

Ta première question m’interpella quelque peu. Si ta vue n’était pas aussi dans le brouillard que l’état de tes yeux me laissait supposer, sans doute l’aurais-tu lu sur mes traits. Mais la poursuite de ton interrogatoire fut un soupçon plus surprenant encore. Pourquoi t’intéressais-tu à ma famille ? Ah tu étais ivre et en conséquence, tu agissais de manière tendre. Ainsi, ce constat répondit à ma première question en retour. « Ne t’avais pas déjà dit que je n’appelais initialement Oppa que mon frère ? » J’en avais la quasi certitude et puisque ton sang avait été substitué par l’alcool dans tes veines, la probabilité que tu aies oublié semblait plus grande que je ne me trompe. « Donc oui, j’ai un frère ainé et deux soeurs aussi, » te répondis-je néanmoins, car à l’instar de mon pays, j’aimais particulièrement ma famille. Eux aussi, il me manquait. Si en parler me rendait un peu nostalgique, ce sentiment avait quelque chose de doux aussi. « Tous trois de cinq ans mes ainés. » En plus d’être la petite dernière – ce qui certes m’octroyait des privilèges – j’avais cette malchance que l’âge les rendent d’autant plus proches et complices tous les trois. Renforçant de mon côté, une impression de distante récurrente. « Enfin, un demi frère et deux demies soeurs pour être exact. » Une précision utile pour éclairer le fait qu’ils puissent être tous les trois de la même année. Mais avant de m’engager plus loin dans mon récit, j’arquais légèrement un sourcil. « Hum… je veux bien te parler de ma famille, mais je suis pas certaine que tu sois en état cérébral de suivre actuellement. » Si tu souhaitais que je continue, je le ferais néanmoins, il valait mieux que tu sois prévenu, tu risquais fort de vite être perdu.

Me l’avais-tu déjà dit ? A cette supposition, mes sourcils se fronçaient, transformant mon visage en un amas d’incompréhension et de perdition. Je n’avais souvenir d’une telle information tout autant qu’elle me semblait familière… Néanmoins, si celle-ci fut vraie, pourquoi donc m’appelais-tu Oppa si régulièrement ? Plutôt que d’imaginer une hypothèse, je préférais garder la question dans un coin de ma tête, la passer sous silence dans l’espoir d’un jour avoir une explication. Tout en espérant qu’elle ne fut celle que mon esprit tendait à imaginer… « Alors t’es la plus jeune.. » soufflais-je pour moi-même plus que pour toi, comme si j’eus besoin d’un quelconque écho pour m’en souvenir une fois sobre. « Je pense pas non plus être en état mais je suis curieux. Ah. Attends, tu crois vraiment que je vais tout oublier d’ici demain ? » Ceci… Ceci était un affront à ma capacité d’écoute et de mémorisation ! J’étais apte à retenir des choses même avec de l’alcool ! Même si je ne savais jusqu’à quel point… « Ou alors je suis lent d’esprit sans le savoir.. » Une nouvelle fois quelques mots qui m’étaient proprement destiné mais que tu pouvais entendre. Etais-je lent à comprendre ? Cette hypothèse était des plus probables malheureusement à me souvenir de nos échanges de ce soir. « Mais si c’est tes demi-frères et sœurs… ça veut dire que tes parents se sont séparés ? »

Oui, j’étais la petite dernière. La précieuse, la pourrie gâtée, et chose pas des plus habituelles, la principale héritière selon la loi de mon pays puisque seule enfant du couple avéré, marié de mon père. Quand bien même je délierais ma langue, je ne pousserais certainement les explications jusque là. « Je voulais plutôt dire que je doutais de ta capacité à suivre, mais je ne miserais pas cher sur ta mémoire demain matin non plus en effet. » Et je me sentais ridicule à converser ainsi avec un homme ivre, qui ne pensait probablement pas plus qu’il ne se souviendrait de ses paroles après quelques heures de sommeil. Pourtant, je continuais. Je n’avais pas envie d’interrompre ce moment. « Puisque tu as l’air d’y tenir… » soupirais-je à ta question avant de prendre une inspiration comme si je m’apprêtais à faire un long discours, ou plutôt était-ce à la complexité du contenu que je me préparais. « Mes parents ne sont pas séparés, je suis la fille unique de leur couple. » Ce qui me rendait d’autant plus particulière. « En revanche, ils ont tous les deux déjà été mariés une première fois auparavant. » Tous deux avec des personnes de statut social inférieur au leur. « Les jumeaux Eun Sun et Jae Hwa, mon frère,  précisais-je pour que tu comprennes malgré le caractère mixte de ce prénom, sont les enfants de ma mère. Nous n’avons donc pas le même nom de famille. Quant à Liwei, la plus jeune des trois bien que née la même année, elle est la première fille de mon père. » Bien que peu commune dans une société aussi traditionnelle, l’histoire restait encore assez simple. Raison pour laquelle j’eus l’envie de l’agrémenter d’une information un peu plus incongrue. «  Comme ils n’ont aucun lien du sang, Jaehwa et Liwei sont en couple et vont même être parent, donc mon frère et à la fois mon beau-frère et ma soeur ma belle-soeur. » Assez incroyable mais vrai. Si aujourd’hui j’en riais, au début, je ne l’avais absolument pas digéré.