LLe temps était passé vite. Beaucoup trop vite. Elle avait prié pour qu'il s'arrête, que l'horloge stoppe sa course. Sauf que bien évidemment ça n'arriva pas. Probablement que même le soi-disant gourou planqué dans leur cavé n'aurait pas réussi à faire ça. Parfois elle se demandait si elle n'aurait pas préféré qu'il existe vraiment, à vrai dire. Sur ces pensées, la demoiselle poussa un soupir, avant de frotter ses deux mains. Dehors par ce temps si froid, elle attendait sa mère qui voulait visiter le dortoir. Et "passer un moment privilégié avec sa fille chérie". Bien sûr Malee n'y croyait pas. Elle ne pourrait plus jamais y croire. Le pire dans tout ça était qu'elle-même ne savait plus ce qu'elle ressentait vraiment. Elle haïssait sa mère. Et pourtant au fond de son coeur, elle continuait à l'aimer, ne serait-ce qu'un peu. Parce qu'elle restait l'enfant terrifiée qui se réfugiait sous les jupes de sa génitrice. Les souvenirs d'enfance sont durs à effacer. Comme l’harmonie et l'amour qui régnait dans sa famille avant que toute cette histoire survienne.
Plongée dans ses pensées, Malee n'entendit pas sa mère arriver, elle ne la remarqua que quand cette dernière se manifesta de manière plutôt bruyante. Oh maman, bonjour, réagit-elle peut-être un petit peu trop tard, en penchant la tête. Son ventre se noua immédiatement. La pression, encore et toujours. Elle se demandait si l'époque bien heureuse où elle pouvait voir sa mère sans éprouver ce sentiment, allait revenir. Elle savait bien que c'était impossible. Rien ne redeviendra jamais comme avant. Pourtant elle avait toujours un mince espoir. Après les politesses d'usage, Malee entraîna sa génitrice à l'intérieur du dortoir, lui présentant tout d'abord les couloirs - évidemment - avant de passer au salon, où se trouvaient déjà quelques wonsungis. Mais la thaïlandaise ne s'attarda pas sur eux, ne désirant pas que la mère Kathaleeya la presse de questions sur tous ceux qu'elle rencontrerait. Et ta chambre ? s'enquit alors cette dernière. Malee n'avait absolument pas envie de lui montrer. Déjà que c'était à contre-coeur qu'elle lui faisait visiter son dortoir, sa maison, son havre de paix. Elle avait l'impression qu'elle ne pourrait plus jamais le regarder de la même manière. Comme s'il était sali maintenant. 
Et pourtant. Et pourtant malgré tout ce qu'elle ressentait, c'est avec un sourire forcé qu'elle prit la direction de sa chambre.

Elle n’était pas prête à affronter sa mère, c’était un fait. Néanmoins elle était prête à prendre sur elle pour tenter d’arranger les choses. Au fond, même si elle se le cachait à elle-même en s’occupant autant que possible, ne se laissant même pas le temps de réfléchir, ses parents lui manquaient. Elle repensait souvent à l’époque bénie de Thaïlande, où elle était heureuse. La vie n’était pas facile là-bas, et pourtant elle avait toujours réussi à trouver son bonheur dans les moindre petites choses. Mais tout avait changé quand elle était arrivée en Corée. Oh il ne lui était pas arrivé que des malheurs ici. Mais l’époque d’insouciance était définitivement finie. Et elle le regretter souvent. Alors elle se disait que, peut-être, si elle arrivait à renouer avec ses géniteurs, peut-être allait-elle pouvoir recommencer à être heureuse comme avant ? C’est avec cette pensée qu’elle avança jusqu’à sa chambre mais n’eut même pas le temps d’y arriver que Yiming débarquait comme une furie, toujours aussi bruyante et joyeuse. Malee lui adressa un sourire. Elle tendit la main pour récupérer un cookie. S’arrêta. Jeta un coup d’œil à sa mère. Et finit par attraper l’aliment. S’il y avait une chose que sa mère détestait plus que de manger des sucreries, c’était les gens impolis. Alors évidemment l’adulte se força également à récupérer une pâtisserie, ajoutant des remerciements. Malee regarda son amie en hochant la tête. « Merci ! » Elle croqua un peu dans son cookie, mâchant lentement avant d’avaler le tout, alors que son amie se présentait. La thaïlandaise finit d’avaler le contenu de sa bouche puis sourit une nouvelle fois et injecta dans ses paroles tout l’enthousiasme dont elle pouvait faire preuve en cet instant précis. Elle n’avait pas envie que Yiming se pose des questions et encore moins qu’elle s’inquiète pour elle. « Je te présente ma mère ! Elle est de passage à Digital City, elle va y rester une semaine. » Elle regarda sa fameuse génitrice, qui était toujours en train de montrer son cookie, mais qui releva brusquement la tête et observa l’autre wonsungi d’un regard plutôt scrutateur. C’était très mauvais signes. Par pitié, faîtes qu’elle ne dise rien, pria mentalement la thaïlandaise. Peine perdue. Elle ne pouvait pas compter sur sa mère pour parler quand elle en avait envie. La couche de courtoisie qu’elle se forçait à mettre pour donner une bonne image devant les autres ne pouvait pas effacer ça. La mère Kathaleeya se tourna donc vers sa fille, l’air légèrement sceptique. « Ne serait-ce pas la Yiming dont parlait ton camarade la dernière fois ? » Malee grinça les dents mentalement, puis hocha la tête. Il ne manquerait plus que sa mère se fasse des idées. Et si elle apprenait que les deux jeunes femmes avaient déjà échangé un baiser, elle deviendrait probablement folle. « Si, si, c’est elle ! » Se tournant vers son amie, elle lui sourit. « C’est Haejin, tu sais, quand il voulait que tu le rappelles. » Hochement de tête de la part de la thaïlandaise, avant qu’elle ne reprenne tout de suite. « J’allais lui montrer ma chambre. Tu veux rester avec nous ? »

Malee tourna la tête vers sa génitrice, alors que cette dernière prenait la parole. Non, pas vraiment, je réside chez une amie, dans le centre-ville, répondit donc la mère Kathaleeya à la petite wonsungi curieuse. Comme à son habitude, l'adulte souriait mais dégageait tout de même une impression de froideur. Élégance de glace. C'était sa manière de fonctionner. Elle était pauvre mais agissait comme une riche, légèrement méprisante, le dos droit, maniérée. Telle était la mère de Malee. Tel était l'univers dans lequel la thaïlandaise avait évolué. Et parfois elle regrettait de ne pas avoir eu une famille plus normale. Elle regrettait de ne pas avoir pu se goinfrer de sucreries quand elle était enfant, au lieu de passer directement aux carottes, elle regrettait d'avoir commencé à se maquiller et à porter des talons à 13 ans, elle regrettait de ne jamais avoir pu jouer dans la boue les jours de pluie, ou dans la neige, car elle ne devait pas se salir et encore moins avoir un comportement inapproprié. Oui, parfois elle aurait aimé avoir d'autres parents. Et pourtant elle était là, dans le dortoir, avec sa génitrice et elle s'apprêtait à lui faire visiter sa chambre, ce lieu intime et personnel. Même si elle le partageait avec trois autres personnes. Alors que la petite troupe se dirigeait vers la pièce, Malee regarda Yiming avec curiosité. Tu dois dire un truc important à Hara ? C'était étrange qu'elle lui laisse un mot au lieu de simplement lui envoyer un sms. Étrange. Mais au fond typiquement yimingiesque. C'est pour cette raison que la thaïlandaise ne s'attarda pas trop sur le sujet et se dépêcha d'entrer dans sa chambre pour la présenter à sa génitrice. Plus tôt elle le faisait, mieux c'était. Plus vite elle en serait débarrassée. C'était sa manière de penser, sa manière de s'aider à vivre mieux ce moment-là. Pendant que la plus jeune allait écrire son mot, Malee montra la pièce à sa mère. Ici c'est mon lit. Et les autres sont ceux de Moeko, Hara et Takuya. C'est au moment où elle finissait de parler qu'elle se dit que ce n'était vraiment pas une bonne idée. Absolument pas. Tout l'inverse même. Et quand la maman Kathaleeya fronça les sourcils, la thaïlandaise n'en fut que plus confortée dans sa pensée. Evidemment. Elle avait fait une bourde. L'époque où elle avait l'habitude de surveiller attentivement ses mots pour plaire à l'adulte qui lui faisait face était finie. Attends tu ne vis pas seule ? Et Takuya... n'est-ce pas un nom de garçon ? Tu dors dans la même chambre qu'un garçon ? Et le froncement de sourcils qui n'en finissait pas. La wonsungi secoua la tête, sans trop savoir quoi faire. Oui mais c'est quelqu'un de bien ! C'est notre président, en plus. Et puis il est en couple alors il n'y a pas de souci à se faire. Oh le beau mensonge. Mais visiblement elle était devenue douée étant donné que sa génitrice finit par lâcher l'affaire avec un soupir excédé. Malee put donc finir de lui dévoiler les lieux, avant que Yiming ne revienne parmi elles. Et le frigo dans ta chambre, ça te manque aussi Yiming ? fit-elle remarquer avec un léger sourire taquin. C'était évident que ce ventre sur pattes aurait adoré avoir sa source d'alimentation à portée de main, au lieu de devoir se déplacer à chaque fois. Puis Malee se tourna vers sa mère. Le dortoir n'est pas très grand, il n'y a pas énormément d'endroits à visiter, mais si tu veux je peux te montrer la cuisine ? Son interlocutrices approuva et la thaïlandaise se tourna vers son amie, pour voir si cette dernière voulait toujours les accompagner. Tandis que la maman sortait de la pièce, l'aîné se pencha vers la plus jeune. Tu n'es pas obligée de rester avec nous si tu ne veux pas, hein.

Suite à la réponse de Yiming, Malee sentit bien le regard désapprobateur de sa mère, qui ne fit néanmoins aucun commentaire et sortie de la pièce. Elle ne se permettait des remarques que vis-à-vis du comportement de sa fille. Les étrangers, elle les jugeait, mais ne disait rien. C'était toujours comme ça avec elle. La thaïlandaise soupira, puis sourit en direction de son amie. Bon, eh bien allons te chercher de bonnes choses à manger ! Des carottes, on est d'accord ? Haha. Très drôle. Yiming, manger des carottes, c'était presque aussi improbable que de voir le père noël descendre réellement par la cheminée, malgré son gros ventre. Sortant de la chambre à leur tour, la Kathaleeya secoua la tête pour rassurer sa camarade, avant de se tourner vers elle et de chuchoter à son tour. Mais non, t'inquiète pas. Reste toi-même. Un petit mensonge, mais qui ne faisait pas de mal n'est-ce pas ? La mère était un sujet sensible, toujours à juger, toujours à critiquer. Il était rare de réussir à se faire bien voir par elle. Et il y avait des attitudes qu'elle rejetait totalement, ne les supportant absolument pas. La gourmandise en faisait partie. Ce n'était pas pour rien qu'elle était fine comme un cure-dent, après tout, elle ne mangeait rien de trop, que des légumes et de la viande en quantité raisonnable. Un régime de mannequin, tout à fait. Elle considérait que le physique était une notion très importante dans la société de ce jour-là. Et le pire c'est qu'elle avait transmis cette pensée à sa fille unique, la contaminant et la rendant aussi soucieuse de l'image qu'elle pouvait dégager, qu'elle. La petite bande fit donc route vers la cuisine, que la thaïlandaise commença à présenter à sa génitrice, tandis que cette dernière fouillait le frigo, puis les placards, analysant la nourriture qui s'y trouvait. Visiblement, elle était satisfaite de voir la présence d'autant de bonne nourriture. Heureusement que Malee se chargeait d'en mettre, sinon elle était cuite. Je ne m'en occupe pas tout le temps, mais je cuisine assez souvent, donc on mange toujours de bonnes choses ! Voilà qui était pour rassurer sa mère, qui savait très bien comme la thaïlandaise était attachée aux légumes et aux aliments les moins gras et sucrés possibles. Les salles communes, oui, mais pas encore le jardin ! répondit-elle en hochant la tête. Elle tourna les yeux vers sa mère, ne pouvant retenir un petit sourire. La maman Kathaleeya ne s'était jamais inquiétée, après le départ de sa fille. Elle ne l'avait jamais appelée. Surtout que la thaïlandaise avait fait exprès de ne pas changer de numéro. Parce qu'au fond, elle attendait que ses parents l'appellent ou lui envoient un message. Elle voulait qu'ils prennent des nouvelles d'elle. Elle avait coupé les ponts, et pourtant, elle avait attendu qu'ils viennent vers elle. Et sa génitrice avait fini par le faire. Mais pas pour les raisons que la miss voulait. Je fais confiance à Malee pour s'adapter à tout type d'environnement, répondit la mère. Et puis, elle a l'air tellement heureuse et épanouie, ici, que je ne peux être que contente pour elle. Tant d'hypocrisie. La concernée ferma les lèvres, s'empêchant de réagir, se contentant de sourire. Peut-être que ce n'étaient pas que des mensonges, peut-être qu'au fond sa mère s'inquiétait un peu pour elle. Peut-être. Elle ne savait plus où elle en était. Au lieu de continuer à se préoccuper de ça, la thaïlandaise prit la direction du jardin, entraînant les autres avec elle. Il est vraiment très beau notre jardin, hein Yiming ? Il faudrait vraiment qu'on pense à installer un potager, pour faire pousser nos propres légumes ! Elle y avait pensé plusieurs fois, mais n'avait pas le temps de s'y consacrer. Elle aurait bien aimé une poule, aussi, pour avoir ses propres oeufs. Une vraie fermière. 

Quand Yiming s'accrocha à son bras, Malee lui ébouriffa les cheveux avec un doux sourire, avant de jeter un coup d'oeil à sa mère à a dérobée. Mais visiblement cette dernière ne semblait pas être le moins du monde suspicieuse. Probablement qu'elle avait elle aussi capté le caractère enfantin de la wonsungi et en avait déduit qu'elles avaient un peu une relation amicale, mais également de mère à enfant, étant donné leur comportement. Tant mieux parce que la thaïlandaise ne voulait pas d'ennuis et encore moins y appliquer Yiming, qui n'avait strictement rien à voir avec ses histoires. Elle était trop innocente pour y être mêlée. Quoiqu'il en soit, la petite troupe se dirigea donc vers le jardin et Malee ne put s'empêcher de faire un petit commentaire sur la possibilité d'un potager, une idée qui lui plaisait énormément. Elle en avait toujours rêvé, à vrai dire. Comme ça on pourrait se faire des tartes toutes les semaines... ajouta Malee, hochant la tête pour approuver les paroles de sa camarade. Oui elle adorait les légumes, mais elle aimait également beaucoup les fruits, même si ses préférés restaient les pommes, elle pouvait en manger encore et encore sans s'en lasser, sans faire d'overdose. C'était tout un amour, la relation Malee / pomme. Souriant à l'adresse de sa camarade, la thaïlandaise ne put qu'hocher la tête pour approuver ses paroles. J'approuve pour les moutons. Et les vaches. Et les poules. mais tu veux vraiment un cochon ? Tu sais que dans une ferme, ils ne servent qu'à être mangés ? demanda-t-elle en secouant la tête. Manger de la viande une fois toute préparée, c'était bien simple, mais devoir élever l'animal, s'y attacher, puis ensuite le tuer, c'était tout autre chose. C'était beaucoup plus dur. Probablement que Yiming ne le supporterait pas, d'ailleurs. Quoiqu'il existe des cochons de compagnie, ajusta la demoiselle, son sourire revenu. Elle voudrait bien tester, un jour, de s'occuper d'un cochon comme ça. Contre toutes attentes, elle trouvait l'animal particulièrement adorable, même s'il répugnait de nombreuses personnes. Néanmoins la coréenne eut tôt fait de changer de sujet de conversation, pour poser une question à la mère Kathaleeya. L'enfant tourna la tête vers sa génitrice, attendant qu'elle réponde, même si elle savait très bien ce qu'elle allait dire, l'ayant déjà entendu. En un sens elle avait hâte que l'adulte reparte, pour la laisser un peu seule et qu'elle puisse réfléchir à tout ça. La situation la perturbait toujours, elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à sa mère. A sa propre mère. Je repars dimanche, répondit donc l'interpellée. J'ai pris un congé d'une semaine, pour pouvoir rester quelques jours ici avec ma fille. Et elle passa un bras autour des épaules de Malee, restant comme ça une poignées de secondes avant de s'éloigner à nouveau. De quoi perturber encore plus la thaïlandaise qui ne savait décidément pas quoi faire. Même si elle mourait d'envie de se jeter dans les bras de sa mère et de tout reprendre à zéro. De recommencer une nouvelle vie avec ses parents. Une deuxième chance qu'elle ne gâcherait pas cette fois-là. Il faudrait que tu visites un peu la ville, avant de partir, reprit Malee, sans vraiment réfléchir, ne sachant pas quoi dire d'autre. T'aurais des coins sympas à proposer Yiming ? demanda-t-elle en se tournant vers son amie ? Oh elle en connaissait des endroits cool à visiter. Mais sur le coup, elle n'avait aucune idée, son cerveau était vide de toute proposition concrète. N'est-ce pas dommage ?