tenue +
Je ne suis pas stressée, je suis bien plus que ça. Cette ambiance, ce jeu, tout ce qu'il se passe depuis que nous sommes là et qui est censé m'aider n'a réussi qu'une seule chose : me faire perdre le peu d'assurance que j'avais. Alors forcément, je suis tiraillée entre l'envie de tout t'avouer et celle d'attendre encore. Après tout, tu mérites de savoir, car j'ai l'impression d'alimenter un énorme mensonge jour après jour en faisant comme si tu n'étais qu'un ami à mes yeux, or je déteste mentir, d'autant plus à mes proches. C'est vrai, j'ai toutes les raisons du monde derrière moi qui me poussent à faire le grand pas, mais j'ai aussi quelques petits détails qui me donnent envie d'abandonner; comme par exemple la peur du rejet, principalement. Si tu ne ressens pas la même chose que moi, que va-t-il se passer ? Ce ne sera plus jamais pareil entre nous, j'en suis sûre; et je ne veux pas te perdre. Et si jamais tu me trouvais ridicule ? Et si tu te moquais de moi parce que je ne représenterais rien d'important à tes yeux ? Toutes ces questions, tous ces doutes et ces craintes ont fait que pendant tout ce temps, j'ai toujours refoulé mes sentiments, espérant secrètement qu'ils finissent par s'estomper, mais ce n'est jamais arrivé. Au contraire, ils n'ont cessé de grandir chaque jour un peu plus, j'ai l'impression d'être devenue accro à toi, à ta présence, ton sourire et tout le reste. Chaque jour mes sentiments me détruisent et me font revivre l'instant d'après, t'aimer c'est être sur une fine frontière entre enfer et paradis, où se mêlent un tas d'émotions contradictoires, c'est une douleur plaisante, une folie enivrante.

Mais finalement je l'ai fait, je t'ai avoué mon amour pour toi et je reste là, tête basse, mes doigts jouant nerveusement avec le tissus de ton haut. Je suis terrorisée, bien trop pour oser relever la tête et croiser ton regard, affronter ta réaction et ton possible rejet. C'est stupide, je ne devrais pas avoir honte de mes sentiments, après tout ce n'est pas quelque chose qui se commande ou se décide. Il n'y a aucun mal à aimer, n'est-ce pas ? Alors pourquoi ce moment où je devrais me sentir délivrée et apaisée n'est qu'une tornade de peurs et d'angoisses ? Certainement parce que le rejet est une option bien trop facilement envisageable. Après tout, pourquoi me choisirais-tu moi au lieu d'une autre ? Je n'ai rien d'exceptionnel, je ne suis qu'une fille banale amoureuse de quelqu'un d'incroyable, quelqu'un qui mérite une personne aussi bien que lui à ses côté et je suis loin de correspondre à ces critères alors mes craintes ne sont pas à blâmer. D'autant plus que plusieurs secondes s'écoulent, temps qui me parait une éternité et tu ne réagis pas. Je sens déjà quelques larmes venir troubler ma vue mais je refuse de les laisser couler. Je dois me dire que peu importe l'issue de cet aveu, j'aurais au moins pu te dire ce que j'avais sur le coeur, ce qui est déjà une victoire en soi.

Puis finalement, ta voix brise le lourd silence qui c'était installé et je relève mon visage vers le tien quand ta main glisse sur mon menton, évitant tout de même de croiser ton regard, effrayée par ce que je pourrais voir au travers de tes pupilles où j'ai l'habitude de me perdre sans jamais m'en lasser. Puis sans même que je ne m'en rende compte, nos lèvres se retrouvent scellées les unes aux autres et malgré mon incompréhension, je répond à ce baiser presque automatiquement, me mettant sur la pointe des pieds pour l'approfondir. À cet instant plus rien ne compte, plus rien n'existe. Mon esprit se vide de toutes ses idées noires, il n'y a plus que toi et ces fichus papillons qui me chatouillent le ventre. Je ne veux pas mettre fin à ce contact, mais je veux surtout être sûre de ce qu'il signifie. S'embrasser c'est facile, certains le font même avec des inconnus et ce geste ne signifie rien à leurs yeux mais j'espère de tout mon coeur que ce ne soit pas ton cas. C'est peut-être égoïste, mais je veux que ce baiser soit spécial, je veux être spéciale pour toi comme tu l'es pour moi, rien de plus. Finalement tes mots viennent confirmer que ce geste n'était pas vide de sens et je sens de nouveau les larmes brûler mes yeux, je suis vraiment trop sensible comme fille, sérieusement. Je ne peux m'empêcher de sourire comme le ferait une gamine à qui on offrirait une peluche géante. C'est bien trop beau pour y croire. Cela semble irréel, comme si j'étais en plein rêve; un rêve magnifique, le plus beau que l'on puisse imaginer faire. Pourtant tout ça est bien vrai mais il va certainement me falloir un certain temps d'adaptation avant de me faire à l'idée que mes sentiments sont partagés.

Ta curiosité finit par te pousser à me demander depuis quand je suis amoureuse de toi et cela ne me fait que sourire davantage. Je repense à tout ce temps où mon coeur devenait dingue dès que je te voyais et essuie rapidement une larme sur le point de couler le long de ma joue. « Je.. C'est pas important, plus maintenant. » C'est vrai après tout, plus rien ne compte maintenant, plus rien à part toi. Mes bras viennent se croiser derrière ta nuque et je me remet sur la pointe des pieds pour laisser mes lèvres gourmandes se poser sur les tiennes, ça y est c'est bon je suis accro. Mes doigts viennent doucement s’emmêler dans tes cheveux et je ne rompt le contact que lorsque l'air me manque, déposant alors un léger baiser sur ton cou avant d'enfouir mon visage dans le creux de ton épaule. « Depuis bien longtemps en fait, mais je n'ai jamais eu le courage de te l'avouer. » Oui, finalement j'ai fini par répondre à ta question, puisque je sais à quel point tu es curieux et à quel point mon silence t'aurais perturbé si je ne t'avais vraiment pas donné de réponse. Fatiguée de devoir rester sur la pointe des pieds, je te fais doucement reculer pour que tu t'appuies sur la table derrière toi et que tu sois à mon niveau. Puis je finis par croiser ton regard, et comme toujours je m'y perd, laissant mes mains revenir sur ton torse. « ..En fait, Hara était au courant et ce jeu devait m'aider à tout t'avouer. Peut-être qu'avant de la tuer je devrais la remercier, non ? » Ah ça oui je vais devoir la remercier.