Un cadavre. On aurait pu le confondre à un cadavre, s'il ne respirait pas, s'il ne bougeait pas. Il avait l'air en décomposition sur son grand canapé en cuir dans le salon de son appartement luxueux. Emmitouflé dans sa robe de chambre en polaire, enroulé dans un énorme plaid. Il était couché dos à la télévision qui diffusait dans l'appartement les voix d'acteurs coréens d'un de ces dramas mielleux qu'il détestait. Sur la table basse, une grande tasse de thé à laquelle il n'avait même pas touché et dont le contenu devait être froid à présent. Isaac avait beaucoup bu hier soir. Il s'était engueulé avec sa sœur qui lui reprochait son comportement. Son comportement ou sa véritable nature ? Il ne savait plus très bien. Alors il était sorti pour se changer les idées. Sauf qu'il n'avait fait que penser à ce sale type qu'il détestait mais qui l’obsédait aussi. Il n'avait pas la conscience tranquille en ce moment. Il était de nouveau perdu. Tiraillé entre son envie d'être libre, d'être lui-même et de pouvoir agir comme bon lui semble, et la pression du cadre familial. Il ne savait même pas comment il avait fait pour réussir à rentrer chez lui. Il se souvenait qu'une fois là, il avait continué à boire puis le trou noir. Ce matin, il se réveillait avec la nausée, un mal de crâne atroce et il avait vomi presque toute la matinée jusqu'à ce que son estomac soit vide. Il avait des cernes bleutés, le teint livide et en plus il lui semblait qu'il avait attrapé froid. Peut être avait-il un peu de fièvre. Si bien qu'entendre la sonnette de son appartement le fit grogner. Aaah ma tête, pensa-t-il. Puis on cogna à la porte. On sonna encore. On cogna à nouveau. Il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait insister comme ça, Mikan. Tu es prévenue, je suis tout sauf présentable ! Hurla-t-il suffisamment fort pour qu'elle l'entende. Il se leva en emmenant la couverture avec lui et alla lui ouvrir la porte. Si cela avait été quelqu'un d'autre, il l'aurait laissé dehors mais il ne pouvait pas faire cela à la jeune femme qu'il appréciait bien trop et qu'il considérait presque comme une deuxième sœur. Je ne t'embrasse pas, je crois que je couve un truc. Il n'avait sans doute pas besoin de lui faire un dessin pour qu'elle comprenne comment il avait passé sa nuit. Il puait encore l'alcool. Il la laissa entrer et retourna s’asseoir sur son canapé.

J’avais décidé de venir voir Isaac. Il ne répondait à aucun des appels et nombreux messages que je lui avais laissé hier soir, ainsi que ce matin. Inquiète, j’avais quitté le dortoir des Gumihos pour aller faire les courses. Je n’avais pas beaucoup dormi la veille. Ce n’était pas rare que je fasse des insomnies quand je réfléchissais de trop. Alors autant mettre ce temps à profit. Je m’étais préparé en quatrième vitesse, et me voilà à vagabonder dans les rayons du supermarché à la recherche de ce que je pourrais bien préparer à manger pour mon ami. Quelque chose me disait qu’il n’allait pas bien au vue de son manque de réponse, alors quoi de mieux qu’un bon repas pour remettre d’aplomb ? J’achetais de quoi faire une omelette japonaise. Malgré que j’aie vécu la plus grande partie de ma vie en Corée, mes origines japonaises se faisaient fortement sentir, surtout à travers la nourriture. J’avais beau faire, je ne savais pas me détacher des saveurs japonaises. J’arrivais devant l’appartement d’Isaac, commençant par appuyer sur la sonnette. J’attendis un peu, mais aucune réponse. On aurait dit qu’il n’y avait aucune vie à l’intérieur. J’essayais de toquer à la porte, pensant qu’il ne m’avait peut-être pas entendu. Devenant impatiente, je toquais et sonnais en même temps. J’entendis enfin une réponse qui hurlait qu’il n’était pas présentable. Je souris. Au moins, il était toujours vivant. Bonne nouvelle. A peine avait-il ouvert la porte que je m’engouffrais à l’intérieur, lui sautant au cou, ignorant ses paroles. « Isaac, je me suis fait du soucis ! » Je retroussais le nez, une odeur d’alcool me prenant à la gorge. « Bon sang, tu empestes l’alcool ! » Je me reculais pour l’observer dans l’ensemble. « T’as une sale mine ! Qu’est ce qui s’est passé ? » Demandais-je inquiète. Isaac avait dû aller se saouler la veille, ca n’annonçait rien de bon. Je le regardais aller s’assoir sur le canapé, dépité. Je fis une moue boudeuse, croisant les bras. « Ca ne va pas ca ! Pas du tout ! » Je déposais mon sac de courses dans la cuisine avant de le sortir de son fauteuil, le tirant pas les bras. « Bouges, Isaac ! On dirait un vieux papy avec ton peignoir ! » Il n’avait pas l’air de vouloir bouger et ce n’était pas avec ma corpulence que j’allais pouvoir le porter par ma seule force. Je croisais les bras, haussant les bras. « C’est dommage ! Moi qui avais pris de quoi faire une omelette japonaise … tant pis, je la mangerais seule ! » Je jetais un coup d’œil vers mon ami pour voir si mes paroles avaient attisé sa curiosité.

Cette fille rayonnait. Sa simple présence pouvait illuminer sa journée. Si bien que l'avoir dans ses bras lui colla un minuscule sourire puis lui arracha un soupir d'aise. Il caressa ses longs cheveux. Elle s'inquiétait toujours pour lui. N'était-il pas un grand garçon parfaitement capable de prendre soin de sa petite personne ? Bien, pas vraiment en fait. Il passa sa main dans ses cheveux tout en baissant les yeux, un peu gêné qu'elle le découvre dans cet état. Je crois que je suis malade. Il n'avait pas envie de s’étaler sur l'autre partie responsable de son apparence désastreuse. De toute façon, elle avait senti l'odeur donc pas besoin de lui préciser. Sans attendre, il pivota pour retourner jusqu'à son tombeau, ou plus exactement son canapé même si Mikan n'avait pas l'air d'approuver. Il prit un air outré en s'emmitouflant un peu plus dans son peignoir. Je te signale qu'il est hyper confortable. Bien qu'il ne soit pas épais, elle ne parvint pas à le lever et au contraire, Isaac s'allongea dans la même position qu'avant puis s'enroula dans sa couverture. Elle prononça alors des mots magiques. Isaac rouvrit un œil puis le deuxième. Il ne pouvait pas rater ça. Il mentirait s'il disait qu'il n'avait pas faim en plus. Il n'avait encore rien mangé de la journée. Il se releva et ouvrit les pans de son peignoir pour emprisonner Mikan en la serrant contre lui. Tu sais comment avoir un homme toi. Il l'embrassa sur la tempe. Bien, dépêche-toi parce que j'ai pas encore mangé aujourd'hui. Et à l'opposé j'ai même tout rendu. Charmant, n'est-ce pas ? Mais c'était la vérité. Il avait vomi toute la matinée. Il libéra donc Mikan histoire de ne pas la contaminer tout de même et se dirigea vers la cuisine avec elle. Il commença de lui-même à couper les légumes en petits morceaux. Y a un moment que tu n'étais pas venue, je te manquais ? Il leva son visage d'ange vers elle avec un petit sourire en coin.