Impossible de compter le nombre d'associations pour lesquelles Isaac était bénévole. Cela pourrait figurer dans le livre des records. Il arrivait pourtant à tout gérer et participait à des tas d'actions différentes pour chacune. Entre autres, il organisait en ce jour une collecte de livres dans sa propre librairie pour un orphelinat dont il était le parrain. Elle devait commencer à 10h et il avait même demandé de l'aide à Noah qui, comme lui, s'investissait beaucoup pour des causes de ce genre. Mais il ne fit son apparition que dix petites minutes avant. Ses employés et Noah avaient déjà fait presque tout le boulot. Ce n'était pas sa faute. Il avait vraiment eu du mal à se réveiller. Comme chaque soir depuis quelques semaines, il s'était retrouvé à boire jusqu'à en vomir ensuite ses tripes. D'épuisement, il avait fini par trouver le sommeil vers six heures du matin. Alors autant dire qu'il n'était pas très frais. Aussi pâle qu'un cadavre, des cernes bleutés et la voix cassé. Il payait pas de mine. Désolé. Bredouilla-t-il quand il passa à côté de Noah avec son carton de livres qu'il était prêt à donner de sa collection personnelle. Il les déposa sur les grandes tables sorties pour l'occasion et remonta un peu sa grosse écharpe pour se cacher derrière. Il connaissait bien Noah et savait malheureusement qu'il n'allait pas pouvoir s'en tirer aussi facilement. Il frappa dans ses mains pour attirer l'attention de tous ses employés et tenta de parler, mais avec sa voix enroué on l'entendait à peine. Je veux que dès que possible vous encouragiez les clients à offrir un livre pour l'assoc'. Et cette après-midi nous procéderons à la distribution pour les gosses. Ils débarquent vers seize heures si je me trompe pas. Allez au boulot ! Il les envoya chacun à leurs postes puis s'approcha de Noah qui allait l'aider à organiser les livres que les employés avaient déjà apporté d'eux-mêmes. Je t'en supplie ne dis rien, je sais que j'ai une sale gueule. Il croisa les bras et baissa les yeux pour éviter le regard de Noah. Il grelottait en plus. Il ne faisait pas spécialement froid mais il était tellement fatigué qu'il avait bien du mal à se réchauffer.

Incapable de mettre de l'ordre dans ses idées et totalement perdu face à la décision qu'il devait prendre. Il était épuisé. Au bout du rouleau. Jamais Noah ne l'avait vu comme ça. Bien sur, Isaac s'était déjà pointé chez lui plusieurs fois dans des états pas possibles mais là, il avait l'air au bord du gouffre presque prêt à y sauter. Il s'enfonçait chaque jour un peu plus dans sa dépression ce que ses parents semblaient continuer à vouloir ignorer pour ne surtout pas briser l'image de la petite famille parfaite. Isaac secoua la tête pour répondre à Noah tout en soupirant. Comment veux-tu que j'aille mieux ? Il n'arrivait pas à regarder celui qu'il considérait comme un frère. Il le côtoyait depuis quatre ans maintenant et il avait parfois l'étrange sensation d'abuser de sa bonté ainsi que de celle de sa mère d'ailleurs. Il voudrait changer de disque, ne plus les embêter et aller mieux aussi, accessoirement. Il se força à esquisser un sourire pour Noah pour le remercier silencieusement. Il renifla, signe que les larmes menaçaient une nouvelle fois de couler. Il avait déjà craquer devant le petit ami de l'étudiant. Il ne voulait pas recommencer. En avaient-ils parlé ensemble ? Il passa une main sur son visage comme pour remettre ses idées en place. Je ne sais pas combien de temps encore je peux continuer comme ça. Il se replongea dans le travail pour ne pas affronter le regard de son ami. Depuis quelques jours, il hésitait. Il connaissait la solution depuis longtemps mais c'était bien la première fois qu'il se sentait prêt à l'appliquer. Et je crois que je vais couper les ponts avec ma famille. Un murmure. Pour que seul Noah entende mais aussi parce que ça lui faisait mal de le dire. Il allait souffrir sûrement mais n'était-ce pas ce qu'il y avait de mieux à faire ?