Comme toujours ou presque, Tasyr avait su détendre l'atmosphère et clôturer le débat. Cette façon de procéder était la même à chaque fois, et pourtant Sun Joo se faisait avoir indéniablement, comme si elle n'apprenait rien de ses manipulations enfantines. Malgré tout, son sourire se fana vite à sa remarque, et il croisa -encore- son bras sur sa poitrine en gonflant les joues. Boudeur était son deuxième prénom, ça n'était nullement une surprise.  « Parce que je suis pas viril au naturel ? J'ai dix neuf ans noona ! » Cette affaire d'âge, depuis son anniversaire, était un sujet récurrent, et le syrien semblait particulièrement doué pour rabâcher ceci à qui voulait ( ou non ) l'entendre. Il se tut en entrouvrant les lèvres, regardant vers l'endroit indiqué, concentré à ne pas cligner de l’œil malgré la difficulté et l'effort qu'il n'imaginait pas que cela demandait. « la.. la quoi ? Mais y'avait pas juste le maquillage ? Mais tu crois sérieusement que je rentre dans tes tenues ?! » Non seulement, et fort heureusement, sa condition d'homme faisait que son torse était plat, mais en plus il était même plus fin que la plupart des femmes, affreusement maigre. Mais Taz se moquait bien de tout ça, sa crainte étant de devoir se déshabiller devant elle.. et exposer l'oeuvre qu'était devenu son corps.

Une fois encore il était acculé face à un mur, mais cette fois-ci, le jeu n'en valait clairement pas la chandelle à ses yeux. Elle n'en démordait pas et lui trouvait sans cesse des raisons pour le voir habillé de cette petite robe candy. Et étonnamment, l'idée de se retrouver en robe n'était pas le plus déplaisant pour Tasyr. Avant de s'habiller, il y avait le moment où il exposerait son corps à son aînée, et c'est cela qu'il redoutait plus que tout. « Non.. Noona je t'assure j'ai vraiment vraiment pas envie..hm. » Plus les secondes avançaient, et plus le syrien tentait de masquer la panique qui pointait au fond de son regard. Il massa son poignet détaché en gardant la tête basse, se mordant anxieusement le coin de ses lèvres. Il connaissait Sun Joo, et jamais elle ne le laisserait se défiler avant de n'avoir eu ce qu'elle désirait : en l'occurrence, le voir habillé. Résigné finalement, les larmes aux coins des yeux à l'idée de la décevoir, il retira d'un geste extrêmement rapide son haut, masqua sa peau à l'aide de la couverture qu'il avait furieusement rabattu sur son torse. « Dépêche toi il fait froid. S'il te plait. » Ou plutôt, les cicatrices dues aux couteaux, aux embrouilles, aux poings, aux verres, aux chutes et aux scalpels refusaient de prendre froid sous le regard glacé par la surprise de son aînée.

Comme il s'y était attendu, tout n'avait pas pu miraculeusement disparaître au moment où il avait retiré son haut. Des traces qui seront gravées à vie sur sa peau laiteuse, qu'il lui fallait commencer à accepter, mais qu'il reniait toujours catégoriquement et cachait à quiconque. Tasyr serra le drap entre ses doigts, la mâchoire contractée, le regard fuyant. Il se clamait adulte mais refusait de voir les choses en face et se bornait dans son mutisme désagréable. La voir se rapprocher parfait d'une bonne intention, mais lorsque les souvenirs resurgissaient, le garçon perdait toute forme de chaleur et de sympathie. Puérilement, il ne pouvait se résoudre à porter le chapeau et accusait la sango : c'était sa faute s'il était désagréable, elle n'avait qu'à ne pas avoir insisté. « Tu sais même pas un dixième de ce qui m'arrive chaque jour, comment tu peux dire ça ? » Il dégagea sa tête d'entre ses bras et lui tourna le dos en fixant le mur, les bras croisés sur son torse. S'il avait mal, alors les autres devaient sombrer avec lui ; c'était ainsi. Et puis, il aimait tant Sun Joo, il s'était tant accroché à elle, qu'au fond il la maudissait toujours un peu de ne pas être rentrée plus tôt dans sa vie et de ne pas l'avoir préservé de tout ça.

Il y avait bien le fait qu'à son arrivé, il s'était retrouvé seul très vite par un père maladroit un peu trop absorbé par son boulot. Il n'avait compris que plus tard qu'il tentait à sa façon de l'accepter et de se montrer présent, lorsqu'il était trop tard pour faire marche arrière. Il y avait aussi toutes ces entorses au code civil, plus nombreuses les unes que les autres, bénignes ou non, dont il s'estimait chanceux d'avoir réchappé. Chacune des piques qu'il lançait envers le monde et des remarques désobligeantes dont il usait étaient un moyen de renforcer sa carapace, bien que celle-ci s'était fragilisée à travers le temps, à travers les relations qu'il entretenait avec quelques personnes particulières, ici, cette année. Pourtant en un mot, une phrase ou une idée, les images revenaient ; tout était encore trop frais pour être traité de manière détachée et objective. « Hum. Bon, tu finis ou tu comptes attendre ? Maintenant que t'as vu tout ça, c'est pas comme si t'étais dérangée de voir mes jambes hein ? » Froid, blessé. Autoritaire, soumis à ses émotions. Distant, lâche. ll se releva rapidement pour retirer son pantalon et, peut-être que pour la première fois, il se permettait d'agir devant elle d'une manière plus spontanée et moins feinte.

Aussitôt l'autorisation donnée, et puisqu'il n'attendait que ça, Taz se jeta presque sur ses vêtements pour sauter dedans rapidement, enfilant son pantalon et son t-shirt. Il prit même le temps, une fois que la sango s'était éloignée dans la salle de bain, d'emprunter l'un des sweats à Hak Cha pour couvrir son dos et ses bras. Vêtu plus que convenablement, il s'assit sur le lit et souffla longuement pour calmer et extérioriser sa colère, sachant qu'à partir du moment où il basculerait dans une énième crise, il ne saurait ni s'arrêter, ni dissocier ses proches de ses ennemis. Lorsqu'il croisa le regard de Sun Joo, la culpabilité l'inonda et il se mordit violemment la lèvre inférieure. Le garçon attrapa son poignet et la tira vers lui, la forçant à s'asseoir sur ses genoux. Il n'avait aucune fierté la concernant et reconnaissait ses fautes aussitôt. Pour une fois, et bien qu'il soit en tord, il essayait de se faire pardonner en lui remontant le moral autant qu'il ne le pouvait. Bipolaire, c'était certain. Il passa ses bras autour de sa taille et nicha son visage dans son cou, s'appliquant à prendre un ton doux et calme. « Je suis désolé. Vraiment. Tu peux me démaquiller ? ça m'amuse plus.. » Il soupira et colla un baiser sur sa tempe, remontant son menton sur le crâne de son aînée. « Tu sais que je t'aime au moins autant que toi, je le pensais pas. » Pour une fois, les rôles étaient inversés, et il lui tendit le paquet de lingettes qu'elle avait fourré dans sa main.