La mise en garde de Bowon n’était pas forcément nécessaire, le jeune homme ne comptait pas refaire ça, tant il avait du mal à reprendre correctement son souffle. C’était même si dérangeant qu’il s’était abstenu de parler pendant un moment, laissant le calme prendre possession des lieux. Et quand il eut retrouvé ses moyens, il décida de se repositionné sur le dos, le regard fixé sur le plafond, sans plus vraiment se soucier de la pyobeom. Ce qui était peut-être une erreur, compte tenu de ce qui s’était passé la dernière fois qu’il avait fait ça. Néanmoins elle décida de rester sage, du coup Soo l’imita, restant dans sa position, sans bouger, calme et détendu. Ce n’est que quand elle reprit la parole qu’il tourna la tête vers elle, légèrement pensif au début, avant de froncer les sourcils. Et puis il sourit victorieux. « Tu veux vraiment me dénoncer au doyen ? C’est dommage parce que… je te rappelle que tu as deux dettes envers moi… Ce serait peut-être le moyen pour toi t’en enlevé une… non ? Enfin après ce n’est qu’un conseil. Parce que je peux aussi te demander des trucs beaucoup plus dérangeant. » Et le voilà qui se met à siffloter avec une fausse innocence tout en recommençant à regarder le plafond. Il était bien là. Il aurait pu rester ainsi toute la nuit. Toute la journée. Toute la semaine. Le sommeil qu’il avait désespérément cherché quelques heures plus tôt commençait doucement à lui tomber dessus. Il risquait vraiment de ne pas pouvoir rentrer au dortoir s’il ne se levait pas maintenant. Il tentait de réquisitionner tout son courage pour se redresser, quand la voix de Bowon parvint à nouveau à lui. Il se figea en l’entendant. Puis se tourna lentement vers elle. Ses yeux passèrent jusqu’à son sac oublié au sol. Avant de remonter jusqu’aux cheveux de la demoiselle. Puis de nouveau ses affaires. « … Dîtes-moi que je rêve. » Petite pause d’une poignée de seconde. « Non mais c’est pas possible ! » Et le voilà qui se précipite vers le bord, tendant ses bras mouillés pour attraper son sac et regarder à l’intérieur. Trempé. Heureusement que son appareil photo avait une housse, peut-être qu’elle était suffisante pour protéger l’objet. Il l’espérait sincèrement. Levant les yeux vers Bowon, il fronça les sourcils. « Le reste j’m’en fiche, mais y a intérêt à ce que l’appareil photo n’ait rien. » Surtout qu’il avait dû économiser pour se le payer et qu’il n’allait certainement pas pouvoir s’en racheter un autre avant un moment, du coup. Poussant un soupir, il posa ses mains sur le rebord et poussa sur ses pieds pour pouvoir s’asseoir sur le sol. Fini le moment de détente. Maintenant il était juste inquiet pour son appareil. Lui qui habituellement prenait quasiment tout à la rigolade était pourtant sérieux au niveau de certain sujets. Et l’objet en question en faisait partie. Même si c’était forcément choquant de le voir dans cet état-là, la première fois.

Soo, toujours ronchonnant, laissa Bowon vérifier si son appareil allait bien. Au moins elle semblait s’inquiéter un peu. Ce qui n’enlevait tout de même rien à son crime. Cherchant autour de lui, il retrouva son pull, qui était resté au sac, et s’essuya les mains avec. Il allait peut-être falloir fouiller un peu pour dénicher des serviettes. Parce que rentrer au dortoir en étant trempé comme ça allait le tuer à coup sûr. Surtout qu’il faisait nuit et froid. Il soupira une nouvelle fois… et aperçut son appareil photo qui capturait son image à lui. Il cligna des yeux un instant, puis les leva vers la pyobeom qui se moquait de lui. « T’as de la chance qu’il aille bien oui ! Ne pense pas que j’aurais honte de faire payer une femme dans le cas contraire. » Surtout une femme aussi riche qu’elle. Elle devait être habituée à mettre la main au portefeuille, de toute manière, étant donné son statut social et les vêtements qu’elle portait. Elle ne manquait de rien. Alors elle aurait bien pu lui acheter ça. « C’est dommage d’ailleurs… s’il avait été abîmé, j’aurais pu te faire acheter un autre modèle… Tu veux pas t’essorer à nouveau les cheveux dessus ? » Ouais on peut toujours tenter. Même si bien évidemment il plaisantait, reprenant son ton habituel. Parce que bien évidemment, si changer d’appareil ne le dérangeait pas tant que ça, bousiller celui-ci et donc perdre toutes ses photos était bien plus problématique. Il prenait l’habitude de transvaser régulièrement la carte mémoire sur son ordinateur, pour ne rien perdre, mais il ne l’avait pas fait depuis plusieurs jours. Alors qu’il avait tout le temps de le faire, étonnement. « Mais dites-moi, miss bae, que faîtes-vous dehors à cette heure-ci ? » commença-t-il, d’un ton particulièrement exagéré. Oui, son comportement moqueur était revenu. Il avait à nouveau perdu tout sérieux. « T’as pas vu le temps passer et ton carrosse s’est transformé en citrouille, c’est ça ? » Il continuerait probablement toute sa vie de se moquer de ses petits airs de princesse. Surtout pas depuis l’autre soirée en fait.

Mais qu’est-ce qu’elle foutait ? Tels étaient les mots que le jeune homme se passaient en boucle dans la tête alors qu’elle était en train de raconter son histoire de princesse. Evidemment qu’elle la connaissait par cœur, d’ailleurs, ça ne l’étonnait même pas. Néanmoins, quand il avait mentionné le fait qu’il lui plaisait, juste avant, il plaisantait bien évidemment. Et pourtant… il restait figé sur place alors qu’elle s’approchait de lui, la regardant tout simplement. Quand elle s’arrêta, ils étaient si proches, qu’il sentit son cœur loupé un battement… et puis un deuxième quand elle le poussa dans l’eau. Glapissant de manière très virile, il se dépêcha de remonter à la surface pour lui adresser un regard assassin. « Vas-y, agresse mon appareil photo, j’irai voir ton père pour lui expliquer que sa fille ramène des hommes chez lui pendant qu’il dort ! » répondit-il, menaçant à son tour. « Enfin je lui expliquerai avant qu’il me tabasse, mais c’est pas… » Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, étant interrompu net par le bruit de la porte qui commençait à s’ouvrir, les poignées tournant bruyamment. Tournant la tête dans cette direction, il fut instantanément pris de panique. Comment justifier sa présence ? A coups sûrs il se prendrait des heures de colle. Ou pire, il serait renvoyé. A vrai dire, ça ne le dérangeait pas vraiment, mais il imaginait déjà le regard déçu de sa mère quand il lui annoncerait la nouvelle. Et le mouvement de tête de son père qui se contenterait de dire que c’était prévisible. La honte de la famille. « Merde, merde, » commença-t-il, alors qu’il apercevait Bowon du coin de l’œil. « Mais qu’est-ce que tu fais encore là toi ? » Ouais, à sa place, il serait parti en courant. Sauf que bien évidemment, lui en était incapable. Le temps qu’il sorte de l’eau, il savait très bien que ce serait trop tard. Et ce fut effectivement le cas, il eut tout juste le temps d’appuyer ses mains sur le sol, pour commencer à se hisser sur celui-ci, quand il vit la tête du concierge apparaître entre les deux portes maintenant ouvertes. Et il ne tarda évidemment pas à leur passer un savon, leur demandant ce qu’ils faisaient ici et comment ils étaient entrés ? Soo maudit ses insomnies pour la centième fois en une nuit.

N’ayant pas spécialement envie de se faire sermonner dans l’eau, Soo s’en était extirpé et fixait maintenant le concierge. Ou disons plutôt que son regard passait de l’adulte à Bowon, alternant de l’un à l’autre pendant leur petite joute verbale. C’est qu’elle répondait, la petite rebelle. Pourtant, même si la scène faisait sourire le jeune homme, l’annonce de sa punition était loin de lui faire plaisir. Fronçant les sourcils, il entendit la pyobeom exprimer exactement ce qu’il ressentait. Et il e put s’empêcher d’éclater de rire quand elle vit sa peine doublée. Il se pencha vers elle, pour chuchoter à son oreille. C’est que ça devenait presque une habitude. Mais il n’avait certainement pas envie que l’homme l’entende. « Allons bon, ça ne te fait pas plaisir de faire des travaux d’intérêt général avec moi ? » Il s’écarta, lui adressa un clin d’œil, puis récupéra ses affaires et se releva. Une chance que leur concierge, quoique bien désagréable, n’en était pas moins généreux. Et pas qu’en punition, étant donné qu’il leur fournit des vêtements. Le wonsungi se dépêcha de se changer, troquant avec bonheur ses vêtements trempés pour des secs. Même s’ils étaient laids. Au moins ils n’étaient pas du tout mouillés. Etouffant un bâillement, tandis que Bowon se plaignait à côté, il ne put s’empêcher de profiter de cette amusante coïncidence. « Regarde comme tes geignements m'épuisent, » fit-il remarquer en levant exagérément les yeux au ciel. Avant de remettre sa main devant sa bouche, mimant un nouveau bâillement. A vrai dire, elle n’était pas la seule à s’en faire. Mais Soo avait toujours été comme ça, à tout prendre à la rigolade, même quand ça ne l’était pas. Il était comme un chat, il retombait toujours sur ses pattes. Sauf que sa manière de retomber sur ses pattes passait par l’humour. S’adossant aux casiers, le jeune homme reporta son attention sur la miss. « Si tu t’es retrouvée là-dedans, c’est entièrement de ta faute, hein, je t’ai jamais forcé à venir. » Il le disait. Et il le pensait en plus. Elle s’était embarquée dans cette galère toute seule. Pire, si elle ne l’avait pas suivi, il ne se serait peut-être pas fait remarquer. Parce qu’il aurait été beaucoup plus discret et, en entendant le concierge arriver, il n’aurait pas perdu de temps à déguerpir comme un lapin. C’est qu’il avait tout de même un certain esprit de survie. Il pensa un instant à la réaction de ses parents quand ils recevraient eux aussi la lettre, mais secoua la tête pour se changer les esprits. Il se redressa pour se positionner tout à côté de Bowon. Sourire taquin aux lèvres. « Et ça valait le coup non ? Après tout tu l’as dit… on s’amusait… » Petit clin d’œil. Il n’y avait pas vraiment de sous-entendu dans cette phrase. Si ce n’est qu’elle avait avoué, plus ou moins explicitement, qu’ils s’amusaient tous les deux. Ce qui impliquait donc qu’elle s’amusait quand elle était avec lui. CQFD.

Il al regardait. Les sourcils froncés. Quelle comédienne, elle aurait presque mérité un oscar ! Le jeune homme la laissa faire son show, sans intervenir, et quand il constata qu’elle avait cessé de débiter ses paroles, il vint lui tirer légèrement les joues. « Tu devrais pas parler comme ça, ça te rend presque mignonne. » Petit rire. Même s’il savait qu’elle, elle ne rirait probablement pas. S’éloignant de quelques pas, il récupéra son sac abandonné sur un banc, y enfoui ses vêtements en prenant garde d’enlever au préalable sa housse d’appareil photo, qu’il passa autour de son cou. Mesure de sécurité. Il ne voulait absolument pas l’abîmé. Puis il revint vers Bowon. « Ça craint ici, tu veux pas qu’on se tire ? » Ouais, malgré ce qu’il disait, malgré son attitude légèrement je m‘en foutiste,  il comptait lui obéir. Ce qui était étrange étant donné son caractère. Mais il agissant sous l’impulsion du moment. Et peut-être un peu pour lui faire plaisir, également. Il prit une mine faussement pensive. « Tu sais, on a l’université pour nous seuls… y a des lieux vachement cool à explorer là-bas… et le concierge est resté dans la piscine… » Il n’était pas très subtile. Mais d’un autre côté, il fallait absolument que le message passe. Abandonnant son air empli de réflexions, il arbora un sourire victorieux. « Une partie de cache-cache avec le concierge ça te dit pas ? » Petit rire, tandis qu’il s’éloignait à nouveau, allant jeter un coup d’œil du côté de la piscine, où le concierge ne semblait pas faire attention à eux. Il observait l’eau et Soo était bien incapable de deviner ce qu’il regardait. Peut-être rien d’ailleurs. Peut-être était-il tout simplement plongé dans ses pensées. Se tournant vers sa camarade d’infortune, Soo plaça un doigt contre ses lèvres et tendit l’autre main en direction de la jeune femme. Puis il chuchota. « Il est occupé, profitons-en. » Il aimait ça, les aventures palpitantes. La montée d’adrénaline quand il faisait quelque chose d’interdit. Et il savait que l’audacieuse Bowon aimait ça aussi. Le but était de ne pas se faire prendre. Mais n’était-ce pas un jeu d’enfant ?