Sept heures trente du matin, j'étais parti faire un peu de skate pour me changer les idées. Depuis mon altercation avec Moeko la dernière fois au Kurss, j'ai beaucoup de mal à dormir. Mais j'ai pris ma décision de ne plus la voir, j'ai décidé de la sortir de ma vie, je pense également quitter le groupe mais ça, j'y réfléchis encore. De toute manière, j'ai reçu un nouvel appel de l'agence d'entertainment qui m'avait contacté quelques mois plus tôt. Je vais finir par dire oui à force. Enfin bon, mon échappatoire ce matin là c'était le skate. J'étais partie rouler dans un endroit un peu désert de la zone Ouest de la ville. Je ne voulais pas croiser de gens, même si bon, à sept heures trente du matin généralement... c'est assez désert, si ce n'est quelques halmeoni et halabeoji...
Puis un peu plus tard, tout est allé très vite. Une secousse, le sol s'est mis à trembler comme je n'avais jamais vu ça. Ça a duré environ huit minutes, je crois que c'étaient les plus longues de ma vie. J'ai vu un peu ma vie défiler et je me suis mis à penser à ma famille puis à tous mes potes. Samy, Sujin... Moeko... Je suis descendu de mon skate, je l'ai pris sous le bras et j'ai couru vers le pont que j'apercevais et je me suis mis en position foetale. Je ne connais absolument les procédures en cas de séisme, mais c'était mon premier réflexe.

Et puis plus rien.

Lorsque tout s'arrête, après tous ces bruits semblables à des explosions, je me redresse, je relève ma tête afin d'observer l'ampleur des dégâts. On peut dire que je suis assez chanceux. Le pont sous lequel je me suis abrité s'est effondré jusqu'à environ un mètre de moi, un peu plus et j'y passais je pense. Première chose que je fais, je tente de sortir de ma prison de pierres sans provoquer d'éboulement. Je suis tellement sous le choc encore que je ne sais même pas si je suis blessé, mes sens sont complètement brouillés. Après avoir escaladé les pierres, j'ai fini par me sortir de là, je cours m'allonger sur le bitume là où je suis certain que rien ne va me tomber dessus dans les dix secondes suivantes.
Je respire, je me redresse pour checker si je n'ai rien de cassé ou d'entailler, visiblement je vais bien. Je vais surement avoir grave des bleus vu que quelques pierres m'ont frôlées mais rien de bien grave. Je peux marcher, mes mains sont opé également. Je vais pouvoir danser encore.
Je me demande où sont les autres, je devrais peut-être essayer de les retrouver. Je sors mon téléphone mais bien entendu il n'y a pas de réseau. En plus il a pris un sacré coup, comme si j'avais les moyens de me racheter un autre téléphone en ce moment. Putain. Et puis là, une sirène retentit ainsi qu'un message à travers les hauts parleurs. Un point de ralliement à Yonsei. C'est donc là qu'il faudrait que je me rende dans un premier temps pour m'assurer que les gens sont là bas. Mais qui me dit qu'ils ne sont pas ailleurs ?
J'aperçois une silhouette au loin, la tête me semble assez familière mais en même temps je n'arrive pas à distinguer. Je lui fais signe. « HEY ! Là-bas ? Tout va bien ? » Autant s'assurer qu'il y a le moins de blessés et... de morts, possibles.

© charney

J'étais parvenu à me sortir de ce bordel. J'aurais dû prévoir quand même que le pont allait s'effondre, j'étais vachement chanceux de n'avoir rien eu. Une fois parvenu à m'extirper du tas de de pierres, je savais que je n'étais pas à l'abris d'une nouvelle réplique, mais j'étais quand même parti m'allonger par terre pour m'étirer et me reposer un moment. Au pire, si ça tremblait à nouveau je n'aurais qu'à me lever et courir me réfugier quelque part ailleurs.
Après avoir entendu une sirène donnant quelques consignes concernant les blessés suite à la catastrophe, j'aperçois quelqu'un un peu plus loin. Ma vue n'est pas totalement brouillée, mais j'avoue avoir du mal à discerner le visage, je suis légèrement encore sonné et sous le choc. Je lui fais donc signe de venir me voir tout en demandant si tout va bien tout en m'avançant vers lui. Qui sait, il était peut-être blessé ?
Plus je m'approche de lui, plus son visage se précise et je réalise que je le connais. « Hey mais j'te connais toi, t'es à Yonsei aussi, non ? T'es blessé ? Tu sais s'il y a des gens dans les alentours et s'ils vont bien ? » Il faut absolument qu'on aide un maximum de gens, on est plutôt loin du gymnase et des autres points de ralliements, il va falloir dans un premier temps se serrer les coudes.

© charney

Je crois que ma plus grosse connerie de la journée c'est d'avoir pris la peine de venir m'inquiéter pour ce gars. Je ne le connais pas plus que ça, pourtant sa tête me dit quelque chose, il me semble m'être embrouillé avec lui une fois ou deux. Mais l'heure n'était pas aux querelles, j'étais allé le voir parce que dans ma tête j'étais super inquiet pour tout le monde. Principale pour ma famille, Samy et Moeko... Mais du coup j'étais en train de me dire que parce que j'avais la chance d'être indemne, je devais faire en sorte d'aider ceux que je pourrais aider.
J'avais donc demandé au gars de me dire s'il allait bien et s'il avait pas vu d'autres personnes survivantes. Pour toute réponse, le mec s'accroche à mes épaules et me demande mon téléphone. J'arque un sourcil, ça veut dire qu'il y a un blessé ? « Hein ? Mais y a pas de réseau... » Mais il continue, il m'agrippe encore plus, me secoue et me demande à nouveau mon téléphone. Il commence à me les briser, je le repousse violemment. « Putain mais t'es con ou tu le fais exprès là ? T'as vu d'autres gens ou quoi ? Putain. Et arrête avec ce téléphone, y a aucun réseau. Du con. » Et voilà, il m'avait énervé.

© charney

Un craquement. Une explosion. Et dans un sursaut, je me retrouve au sol, sonné. J’ouvre les yeux mais, dans le noir complet, impossible de distinguer quelque chose. Je tente de comprendre ce qu’il se passe mais la douleur à ma tête m’empêche de penser comme il faut. Je n’aurai pas dû boire autant la veille, j’allais encore me sentir mal toute la journée. Un soupir m’échappe alors que je me dirige à tâtons vers la fenêtre pour jeter un coup d’œil dehors. Elle semble être bloquée, bizarrement, mais avec un peu de force je réussis à l’ouvrir. Et c’est seulement à cet instant que je les entends, tous ces cris, ces hurlements. On ne distingue pas grand-chose dehors, de la fumée, des débris, des gens qui courent, voilà tout ce qui me frappe.  Je ne cherche pas à savoir ce qu’il s’est passé, j’enfile des vêtements à la va-vite et cours hors de mon appartement, esquivant… des bouts de plafond ? Non, ça n’a pas de sens. J’ai sûrement mal vu dans la précipitation. A peine suis-je sorti que je comprends enfin. Un tremblement de terre. Ou une attaque des extraterrestres. Mais la première hypothèse est la plus plausible, pour le coup. J’essaye d’appréhender des personnes qui courent dans tous les sens, pour savoir s’ils ont vu quelques choses mais ils m’ignorent, ils ne s’occupent pas de moi. Dans un sens, c’est compréhensible, mieux vaut s’occuper de ceux qui sont coincés, non ? J’avance de quelques pas mais quelque chose ne semble pas normal. Je n’ai couru que sur quelques étages pour sortir et pourtant, ma respiration me gêne, me fait mal. Je porte une main à mon torse et une couleur inhabituelle me frappe. Est-ce que c’est… rouge ? Je ne sais pas, je ne vois pas très bien. Ma vue est trouble, comme si l’on m’avait jeté un voile devant les yeux. Les cris semblent s’intensifier  autour de moi, la douleur me martèle la tête. Il faut que je m’éloigne… De tout ce bruit… Que j’aille dans un endroit calme, où je pourrais tenter de comprendre ce qu’il se passe, ce qu’il m’arrive.

Je ne sais pas où je suis, perdu. J’ai marché, me semble-t-il, mais je ne saurais dire pendant combien de temps. Impossible de me concentrer. La douleur s’est propagée dans tout mon corps et commence à être insoutenable. J’ai l’impression d’être en sang… mais n’est-ce vraiment qu’une impression ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Le bourdonnement dans mes oreilles est insupportable, mes jambes commencent à faiblir. Et d’un coup, elles me lâchent. Je tombe, dans la terre, dans la poussière. Je ne peux pas me relever, je n’en ai pas la force. Je suis fatigué alors… je ferais mieux de fermer les yeux. Oui, fermer les yeux…

© charney

J'avais commencé à m'énerver contre ce mec. En même temps sa réaction au vue de la situation était réellement exaspérante. Du réseau, c'était pourtant évident que ça allait être saturé. S'il n'arrivait pas à utiliser le sien, pourquoi aurait-il plus de chance avec le mien ? Il me verrait déjà au téléphone avec ma mère ou mon père à l'heure qu'il est.
Le mec finit par se ressaisir et fort heureusement. Je l'aurais planté sinon, il se serait débrouillé seul vu que de toute manière il n'avait pas l'air blessé. J'étais bien déterminé à aller aider ceux qui en avaient besoin. Je suis du genre à penser qu'à ma gueule généralement mais je me dis que si j'avais été blessé par le pont, j'aurais prié pour qu'on vienne me filer un coup de main. « Ouais mec, il faut déjà qu'on aille voir derrière le tas de pierres là-bas, on va voir s'il y a du monde, suis-moi. »
Je lui donne une tape à l'épaule pour qu'il suive le mouvement et je me mets en course vers l'endroit désigné. Il faut commencer par quelque part. Visiblement j'avais vu plutôt juste, un homme à terre. Je ne sais pas si je le connais mais il est jeune, enfin, il a peut-être environ mon âge. J'accours vers lui, il semble inconscient mais à en juger le mouvement de son corps, il est en vie. Je n'y connais rien en premier secours mais mon premier réflexe est de lui secouer l'épaule. « Hey mec, t'es avec nous ? Réveille-toi, est-ce que tu es blessé quelque part ? » Honnêtement, j'aurais préféré ne trouver personne sur mon chemin car je ne sais absolument pas quoi faire.

© charney

J’ouvre les yeux dans un sursaut, observant l’inconnu penché au-dessus de moi qui venait de me sortir de mon repos en me secouant l’épaule comme un barbare. J’avais déjà assez mal comme ça et lui venait en rajouter une couche ? Grommelant, je pousse sa main dans un effort et ne peux m’empêcher de pester. A ton avis du con, j’ai l’air bien là ?! Il lui fallait quoi pour voir que j’avais la moitié de la gueule en sang ? Peut-être qu’il pensait que c’était de la peinture ? Les sourcils froncés, je lui jette un regard assassin alors que je tente de me relever… sans succès. Mes membres tout engourdis m’empêchait de bouger ne serait-ce qu’un orteil, réveillant la douleur qui commençait vraiment à me prendre la tête. Un long soupir m’échappe alors que je ferme les yeux pour trouver une solution. Et bien sûr, la seule qui s’offre à moi c’est de me faire aider par ce type et… ouais, il y en avait un autre un peu plus loin aussi. Pourquoi je m’étais pas évanoui devant une école pour filles ou vers un club de striptease ? Non, fallait que je compte sur deux mecs, qui me disaient rien du tout, pour m’aider. Je regarde longuement le mec à côté de moi pour tenter de lui faire comprendre que je m’en sortirais pas tout seul et, abandonnant la télépathie, j’esquisse une grimace. J’ai besoin d’aide là. Rien que parler était douloureux mais bon, ça me forçait à rester éveillé au moins.

© charney