Seong Hee ne ressentait pas la moindre douleur. Si elle percevait une activité environnante, elle se sentait comme flottant d'espace. Sa densité avait tout à coup disparu, lui laissant l'impression d'être un ballon de baudruche, gonflé à bloc et qui, d'une seconde à l'autre, pourrait éclater. N'ayant pas la force nécessaire pour se concentrer sur ce qui se disait autour d'elle, elle accorda chaque parcelle de sa volonté à sa survie. Telle une lionne, elle se battait contre le destin qui lui avait proposé la mort. Cependant elle ne mourra pas ce jour-là. Ni ce mois-ci. Ni cette année. Ni même cette décennie. Pour rien au monde elle n'irait rejoindre son père aux cieux si tôt. Elle vivrait, elle s'en était fait le serment. Tel un écho lointain, elle percevait des voix brouillées. L'une d'elle devait appartenir à un médecin. Peut-être l'un des employés de l'hôpital la verrait-il. Peut-être viendrait-il à sa rencontre, bien que son état ne lui permette ni d'entendre correctement, ni de répondre. Après tout, elle travaillait à ce même hôpital qui, cette fois-ci, l'accueillerait comme cliente au lieu de personnel. Cependant, elle ne se faisait pas trop d'illusions. Ils étaient sans doute tous bien trop occupés pour ne serait-ce que remarquer sa présence. En se sentant entraîner, le peu d'esprit qui restait à Seong Hee se mit à paniquer. Elle irait au bloc, sans aucun doute. En cet instant encore, elle se sentait se vider de son sang, et devinait tous les dégâts intérieurs que les débris avaient pu causer. Si elle avait été consciente, sans doute aurait-elle hurlé, pleuré, sans doute aurait-elle souffert comme jamais elle n'avait souffert. Aussi aurait-elle besoin d'une ou plusieurs opérations. Ce qui signifiait qu'elle serait seule. Seule face à la mort. Et cela la terrifiait. Bien quetlle sache pertinemment ne pas pouvoir y échapper. Une fois stabilisée, elle eut la désagréable sensation qu'on la fouillait. Que ce soit des outils ou des doigts, des corps inconnus entraient dans le sien, en ressortaient, puis y entraient de nouveau. Son corps ne lui appartenait plus, il n'était plus que devenu un outil inerte, ouvert de toutes parts. Elle pouvait sentir comme le personnel s'activait autour d'elle, pour elle, pour lui donner une chance de vivre. De son côté, elle savait qu'elle ne pouvait aider qu'en menant son propre combat. Aussi le bloc opératoire devint un champ de bataille, dont on avait bien l'intention de gagner sur tous les fronts.

© cassie at atf.