Il avait eu l’impression que le ciel lui tombait sur la tête. Alors qu’il était juste, comme chaque matin, parti faire son footing, voilà que le tremblement de terre s’était déclaré. Se projetant en avant pour s’éloigner au maximum des bâtiments, il s’était directement placé en position fœtale, les bras plaqué au-dessus de sa tête pour la protéger. Ces gestes relevaient plus de l’instinctif que d’autre chose, le jeune homme ne prenant conscience de la situation qu’après quelques secondes, alors que le monde tremblait autour de lui. Il se recroquevilla un peu plus sur lui-même, essayant de garder le contrôle de sa situation pour ne pas paniquer. Les yeux fermés, il inspirait et expirait doucement, faisant semblant d’ignorer les bruits autour de lui, tout comme il tenta de faire abstraction de la douleur quand le ciel commença réellement à lui tomber dessus. Il sentit sans pour autant regarder un pan de mur s’écrouler sur lui. Une douleur aigue apparut au niveau de son bras droit, il serra les dents mais ne bougea pas. Il ne manquerait plus qu’en se relevant, il se prenne un coup sur la tête. Un seul coup sur la tête et ça pouvait en être fini de lui. Il serra les dents, attendant impatiemment que tout soit terminé. Et même après, il attendit encore un peu, respirant difficilement à cause de la poussière qui s’incrustait dans ses poumons. Il attendit le temps de se remettre du choc. Il attendit le temps de se rappeler où il était. Et surtout pourquoi il y était. Et d’un coup il poussa un cri. Il tenta de sortir des décombres, poussant, se démenant pour se débarrasser de tout ce qui l’entourait, appelant à l’aide. Il entendit plus qu’il ne vit une personne lui répondre. Puis des mains attraper les morceaux de plâtres et de briques qui le recouvraient. Et il put relever la tête, apercevant le soleil ainsi que le visage de son sauveur, qui tendit les bras vers lui pour le relever. Mais Soo qui ne tenait pas debout s’écroula aussi tôt, se rattrapant avec son bras droit qui lâcha sous lui. Il le regarda, il regarda le sang qui coulait de sa blessure. Et alors que l’inconnu le récupérait, disant qu’il allait l’emmener à l’hôpital, il se dégagea soudainement. « Minki, Minki, » eut-il le temps de dire. Il sortit son téléphone. Bien évidemment cassé. Il ne pouvait pas rester ici. Il ne pouvait pas rester dans l’incertitude sur l’état de son meilleur ami qui était probablement encore dans son appartement quand le tremblement s’était déclaré. Peut-être était-il enseveli sous des décombres lui aussi. Avec un immeuble entier sur la tête. Peut-être était-il en compagnie de Takeru, avec qui il devait se retrouvé là-bas. Peut-être étaient-ils tous les deux blessés. Alors Soo partit, après avoir accepté l’aide passagère d’une dame qui lui étala du désinfectant puis lui plaça un bandage. C’était loin d’être suffisant. Mais le wonsungi avait l’intention de s’en contenter. Bravant la foule désespérée des blessés et les décombres qui parsemaient le sol, le jeune homme clopina en direction de l’appartement de son meilleur ami. La seule chose qui le maintenait debout était sa détermination. Il n’avait jamais vraiment rien fait de bon dans sa vie. Et pour une fois il voulait se bouger. Bien agir. Peut-être sauver quelqu’un. Ou en tout cas s’assurer de l’état de Minki. Voilà pourquoi il s’accrochait, avançant tant bien que mal, mais avant même d’atteindre son but il dut faire une pause, les poumons en feu, les membres douloureux. Il s’arrêta, s’accroupissant pour respirer lentement et calmement. Pour reprendre contenance.

Un pas après l’autre. Soo prit une grande inspiration, avant de relever la tête, puis de se redresser. Il n’était plus très loin. Mais le trajet lui semblait interminable. Encore sous le choc, il se sentait bien compte que c’était la surprise qui le maintenait debout. Et l’adrénaline. Probablement allait-il s’effondrer, une fois qu’il sera au calme. S’effondrer et peut-être se laisser soigner, aussi. Il grimaça, refusant de jeter un coup d’œil à son bras blessé, puis se remit en marche. Du coin de l’œil, il voyait les dégâts engendrés par le tremblement de terre, apercevait les rescapé, certains devaient même se faire porter par leurs camarades. Et pourtant le jeune homme ne s’arrêta pas une seule fois pour porter secours à qui que ce soit. C’était peut-être égoïste et carrément ignoble étant donné la situation, néanmoins il avait d’autres choses à faire que d’aider des inconnus. Ouais c’était carrément mauvais, mais à cet instant précis, il s’en fichait. Il ne se préoccupait que de son objectif, tout le reste passait au second plan et ne constituait plus pour lui que d’inutiles distractions. Au fond, Soo n’avait pas beaucoup de proches. C’était un incompris, après tout, un incompris que pas mal de gens détestaient sans même le connaître, pour le simple fait qu’il… bon d’accord, ils avaient des raisons de le haïr étant donné tous les sales coups qu’il avait déjà joué – et qu’il continuerait probablement à jouer. Mais ça, Minki s’en était toujours fichu. C’était pour ça qu’ils s’entendaient aussi bien, d’ailleurs. Ils e taquinaient, se disputaient parfois comme des enfants, mais au fond ils étaient incapables de se juger l’un et l’autre, parce qu’ils s’appréciaient énormément, peu importe tout ce qui se passait. Un léger sourire apparut sur le visage du wonsungi. Il était bientôt arrivé. Il aperçut l’immeuble en question au bout de la rue. Il avait dégusté comme tous ceux que le jeune homme avait croisés précédemment. Peut-être un peu plus, lui semblait-il. Quoiqu’il en avait vu en bien mauvais état. A vrai dire il n’avait pas un regard purement subjectif et froid, même si le bâtiment avait été neuf et totalement propre, il aurait plissé les yeux et estimé les dégâts comme carrément inquiétant. Comme il le faisait à cet instant précis. Une once de paranoïa ne peut pas faire de mal après tout. Recommençant à clopiné, tandis que la fatigue commençait à pénétrer dans son cerveau, il ne lâcha pourtant pas l’immeuble des yeux. L’éternel hyperactif qui commençait à connaître l’épuisement. Une exclu.

Il ne s’y était pas attendu. Pas du tout même. Alors forcément quand Takeru débarqua derrière lui en criant, le cœur de Soo manqua un battement et il tourna la tête aussi rapidement que possible, rencontrant alors le regard du japonais, qui se proposa comme soutien pour le coréen. Ce dernier lui adressa un sourire reconnaissant et prit appui sur l’épaule de son camarade. « Sacré journée, oui… Quoique je m’en serais bien passé. » Petit sourire ironique, le seul qu’il avait le courage d’esquisser. Et puis ils se remirent en marche. Maintenant qu’il n’était plus seul, Soo se sentait légèrement mieux. Après tout, deux valent mieux qu’un, et son ami semblait en assez bon état, il serait donc largement plus utile que le jeune homme qui avait comme une impression d’inutilité. Oui il n’allait pas servir à grand-chose. Et il enrageait presque à cette pensée – tout du moins il aurait enragé s’il n’était pas aussi fatigué. Le jeune homme qui prenait habituellement tout à la rigolade, montrant toujours une image de bonne humeur, d’ironie, de plaisanterie, était totalement différent ce jour-là. Mais après tout, les drames ne changent-ils pas toujours les hommes ? « Ça va toi ? Il t’est rien arrivé ? » demanda-t-il à son camarade, en lui adressa un léger regard en coin, tentant d’estimer les dégâts. Les blessures pouvaient bien être internes ou tout simplement invisibles, cachés par les vêtements. On ne savait jamais. Néanmoins cela ne les empêcha pas de continuer à avancer, le regard fixé sur l’immeuble en face, ignorant les autres personnes présentent dans la rue, celles qui sortaient des bâtiments en état de choc, voire blessé ou même allongés en plein milieu du trottoir pour certains. Mais les deux wonsungis continuèrent leur avancée laborieuse, ne tardant pas à arriver à l’endroit désiré. Soo s’arrêta et regarda l’immeuble, une légère grimace sur le visage, les yeux plissés. Observant tout simplement. Il ne resta pourtant pas ainsi bien longtemps, se remettant en mouvement rapidement. La porte était sortie de ses gongs, par terre, le jeune homme n’eut pas de grande difficulté à pénétrer dans le bâtiment où l’attendait une scène pour le moins inhabituelle – et assez inquiétante évidemment. L’endroit était sombre, mais pas suffisamment pour cacher l’escalier qui semblait dans un bien mauvais état. Soo plissa à nouveau les yeux, pour habituer ses prunelles à l’obscurité ambiante. Et puis il tenta. « Minki ? » demanda-t-il d’une voix un peu trop basse à son goût, loin du cri qu’il avait espéré formuler. Mais peut-être était-ce inutile, peut-être était-il rester dans son appartement, bloqué à l’intérieur.