La profondeur de la palie ne l’étonna pas, elle expliquait l’intensité de sa douleur. Malgré tout il finissait presque par s’y faire. Dans le silence il s’exécuta, serrant les dents pour appréhender un potentiel hurlement. Il savait gérer ce genre de choses, s’il arrivait à ne pas exprimer sa douleur suite à un coup de pied dans les couilles il s’en sortirait avec un simple désinfectant. Sa blessure sembla s’enflammer, chaque pression de Sora sur sa chaire à vif relançait sa souffrance mais il s’y fit et se concentra sur autre chose. Il fallait que ce soit fait s’il voulait récupérer au plus vite. Malgré l’impossibilité actuelle d’utiliser sa jambe il évoqua l’idée d’aller chercher le mec qu’il souhaiterait voir mort plus que tout : Sôji. S’il n’y avait pas Sora il l’aurait volontiers laissé crever dans un coin, en priant d’ailleurs pour que ce soit le cas. Son regard croisa le sien tandis qu’elle évoqua de nouveau l’idée de lui servir de béquille. C’était de la résistance inutile, il avait besoin d’elle au risque qu’elle le laisse comme un pauvre con là, à la sortie du gymnase, et totalement inutile à la situation. « Bien, bien, faisons comme ça. » A moitié résigné et masquant son agacement, il comptait de toute façon trouver un système D sur le chemin.
Les traits de son visage se crispèrent lorsque la japonaise serra le bandage autour de sa cuisse. Ce fut rapide, avec tout ça il en avait presque oublié sa tête qui elle aussi en avait pris un coup. Son sourire s’ouvrit à la réponse de Sora, ses paupières se refermant sous les soins de cette dernière s’étant affairée à nettoyer son visage. Recouvrant la vue il put se délecter de son visage qui était dorénavant si proche du sien, baiser à l’appui. C’était une bonne façon de clôturer les soins. Il n’y avait qu’eux d’assez fou pour vivre la situation aussi bien et ne pas succomber à la panique totale. « Parce que tu penses que ça m’amuse ? » Ouvrant un peu plus les yeux, un sourire amusé naissant sur ses lèvres. Il finit par hausser les sourcils, déclarant dans son soupire « Qu’est-ce que me fera pas faire cette couverture de merde… » Ce n’était un secret pour aucun de ses proches, le rôle de surveillant d’université emmerdait royalement Kazuya pourtant c’était ce qui se révélait être le plus utile. « Viens t’asseoir avec moi. » Il tendit son bras pour réclamer qu’elle le rejoigne, juste le temps qu’il récupère. Il voulait savoir comment elle avait vécu l’évènement, il voulait passer un moment hors temps avec elle. Un instant tranquille.

Un sourire teintant l’ironie passa sur ses lèvres dans un soupire tant la situation méritait d’être moquée. Ce n’était pas simplement pour le geste mais sutout car inconsciemment Sora n’avait pas envie qu’il se divertisse. Si elle savait ce que représentait la notion de divertissement à l’heure actuelle pour lui, elle n’aurait sans doute pas prononcé ces mots. En ce moment la seule façon dont Kazuya entendait s’amuser était d’aller flanquer ses poings dans la gueule de quelqu’un. Depuis son accrochage avec Sôji il n’avait qu’une envie, celle de remettre en fonction des instincts de combattant restés endormis trop longtemps. C’était un besoin. Kazuya ne s’était jamais plaint des entrainements intensifs que lui avaient imposé le clan, il y avait même trouvé un certain plaisir avec le temps. Se perfectionner sans cesse avait provoqué chez lui une envie de faire toujours mieux et de ne jamais rester sur ses acquis. Ici il stagnait et c’était une indéniable frustration lorsqu’il devait y faire face. D’autant plus qu’il restait persuadé qu’à l’heure actuelle s’il avait continué ses entrainements aussi rigoureusement que trois ans auparavant il aurait battu le revenant Kato sans aucune difficulté. « J’y réfléchirai mais tu sais je préfère encore ça à devoir promener les chiens des voisins pour m’assurer d’avoir une bonne partie du quartier à l’œil. » Quitte à choisir il préférait se pencher vers les étudiants qui représentaient les trois quart de la ville. « Et je servirais à quoi si je n’étais pas à côté de toi ? » Par définition un garde du corps devait surveiller un corps, autant dire que cette notion impliquait la proximité avec la personne concernée.
Le bras ouvert, il y accueilli la blondinette en ne disant mot, la laissant parler et agir. « Je serai prêt d’ici quelques minutes. » Qu’elle lui laisse simplement le temps de souffler un peu pour mieux mobiliser ses forces ensuite. Sa tête bascula contre le mur, ses paupières se fermèrent accompagnées d’un soupir de soulagement. Au fond de lui régnait une paisible satisfaction, celle d’avoir retrouvé Sora. Cette fille qui venait de le secourir et de lui accorder un baiser n’était pas Perséphone. C’était bel et bien Sora qui pointait son nez de plus en plus régulièrement maintenant et qui, sûrement dans une éphémère illusion berçant leur chaos, lui offrait un moment de répit agréable. Cette période semblait trop belle pour être vraie. Les drogues se faisaient moins présentes et même la revenue de Sôji ne paraissait pas être aussi difficile. Pourtant il ne savait que trop bien qu’ils étaient condamnés à ne pas vivre dans l’harmonie la plus totale pour toujours. Le ciel se couvrait déjà, pourtant là Kazuya se sentait bien. Il récupérait doucement, la personne désirée sous son bras. S'il n'y avait pas eu ce crétin à secourir il serait resté là des heures.

Il ria à l’image que lui décrit Sora même si lui ne se voyait pas du tout avec des chiens à charge. A tort puisqu’il se révèlerait très probablement plus doué pour les relations avec des animaux domestiques plutôt qu’avec les humains. Un sourire peint sur les lèvres il tourna ses prunelles vers la petite blonde. « Je sais aussi gérer des situations sans tuer personne. » Il en riait aisément alors que la réalité était beaucoup moins drôle. Avoir tué des hommes à mains nues, trois pour être exact, ne l’avait pas traumatisé plus que ça. Kazuya était de toute façon né dans un milieu où la banalisation du meurtre est un principe de base, il était évident qu’avec son rôle de garde du corps il serait mené à tuer quelques personnes sur son passage pour la sécurité de sa princesse yakuza. Leur vie était ainsi et il s’en contentait. Venir vivre à Séoul l’avait fait réaliser à quel point son train de vie n’était pas aussi normal qu’il le pensait auparavant pourtant ça ne le dérangeait pas, il se suffisait de cette différence. Sora venait de réussir à son objectif principal, celui de lui changer les idées. Il passa un bras autour d’elle tandis qu’elle lui confiait une fois de plus vouloir le protéger. Il ne dirait rien cette fois puisqu’il en pensait pas moins. Il savait cette envie réciproque de se protéger l’un et l’autre sauf que lui était fait pour ça et elle non. Il était signé sur un papier et gravé dans sa vie qu’il la protègerait, elle n’avait d’autre choix que de se contenter de ça mais pour une fois il la laisserait croire ce qu’elle voudrait à ce propos, sa situation actuelle n’étant de toute façon pas en sa faveur pour protester le contraire.
Surpris par la proposition de la jeune nippone, Kazuya haussa légèrement les épaules. « Oui. » Voyager pourquoi pas, les seuls voyages qu’ils avaient pu faire ces dernières années furent très restreints et s’étaient limités à des allers retours entre le bercail et leur ville d’accueil. Prendre l’air n’était pas une idée futile compte tenu de tous les évènements apparus ces derniers temps. Sora expliqua le fond de sa pensée, abusant une fois de plus de sa position pour obtenir de lui ce qu’elle voulait. Il était dans l’incapacité de refuser puisque de toute évidence il devrait la suivre. C’était donc conclu, sachant pertinemment qu’il y avait très peu de chances pour qu’il s’agisse d’une lubie de la jeune femme, Kazuya n’émit aucune objection. Il était de toute façon intimement persuadé que c’était une bonne idée de s’éloigner un peu de tout ce bordel. « Quelque part en Europe… un endroit avec la mer. » Il donna son avis sans même le relever, faute à la situation. Encore légèrement sonné il se contenta de suivre Sora lorsqu’elle décida de partir. Son corps était trop faible pour qu’il se bouge tout seul, il se laissa donc faire en tentant de prendre le maximum de choses en main… c'est-à-dire par grand-chose finalement.