Seoji ne pouvait s'empêcher de pester contre Minsuk intérieurement, dans son esprit. C'était un tourbillon d'injures en tout genre, de noms d'oiseaux qui tournaient encore et encore dans sa tête. Parce qu'à chaque fois qu'il le retrouvait dans ce genre de situations, et ça arrivait plus souvent qu'on ne le pensait, il avait vraiment envie de le frapper lui aussi. Et sincèrement, il regrettait de ne pas avoir les couilles pour le faire. Parce qu'il savait qu'il était déjà assez amoché comme ça, qu'il n'avait pas besoin qu'en plus, le japonais vienne lui mettre une raclée. C'était certainement déjà assez humiliant comme ça.

Et puis, soudainement, sans prévenir, Minsuk commença à crier, à déverser sa rage sur ces types verbalement, puisqu'il n'avait plus l'occasion de le faire physiquement. Seoji se contenta de le fixer d'un air impassible tout au long de son discours, sans même flancher à ses injures contre le ciel même. Combien de fois il avait fait la même chose, à crier tout seul dans son appartement parce que tout foutait le camp, à casser le mobilier pour passer ses nerfs sur quelque chose, au lieu de quelqu'un. Le japonais pensait, dans sa jeunesse, qu'être yakuza l'aiderait à canaliser sa fureur contre le monde entier. Grossière erreur de sa part, il l'avait compris des années plus tard, en tuant de sang-froid les chinois qui l'avait kidnappé. Et quelques-fois, juste des fois, il se demandait si c'était bien par devoir et non par plaisir qu'il ôtait la vie à ces pourritures, qu'elles le méritent ou non.

« C'est bon, t'as fini ton speech ? » s'enquit-il en croisant ses bras sur sa poitrine, l'air sévère.

Seoji cherchait à comprendre, depuis qu'ils s'étaient rencontrés, les raisons exactes et précises des combats de Minsuk. Mais il n'arrivait jamais à rien, parce qu'entre-temps, le jeune homme réussissait à se foutre dans la merde, l'interrompant en plein milieu de ses réflexions. Il avait un peu l'impression de se heurter à un mur : à chaque fois qu'il lui faisait la morale et essayait de lui faire changer de direction avant qu'il ne soit trop tard, Minsuk faisait la même erreur, inlassablement. C'était un cercle vicieux dans lequel Seoji était tombé autrefois, mais il avait réussi à s'en sortir. Seul ou avec de l'aide, il ne s'en rappelait plus vraiment. Mais il était déterminé à aider Minsuk à se sortir de ce cercle.

« C'est un jeu, débile. Que l'arbitre soit un salaud ou pas, on s'en fout. Si tu joue bien, t'as toujours moyen de faire revenir la balle dans ton camp et de marquer suffisamment de points pour remporter le match. Et crois-moi, si tu t'énerve à chaque insulte qu'il te balance, t'es pas prêt d'en avoir fini avec ce fils de pute. On dirait un vieux couple marié, deux beaux homos qui se tapent sur la gueule parce qu'ils sont frustrés sexuellement. Tu peux pas apprendre à canaliser ta colère, rien que trois secondes ? » dit-il en frappant l'arrière du crâne de Minsuk avec sa main, comme pour le punir de ce qu'il venait de faire.