« La groupie qui lance son soutif sur scène... Effectivement, ça me donne très envie de t'inviter à mon prochain concert. » lui lançai-je tout sourire. Bon, ça n'arrivait pas tous les jours tout de même, les coréennes savaient se tenir, ou pas. Les soutifs tenaient généralement en place mais alors tout ce qui était culotte, string, boxer et tout le bordel, ça en pleuvait pas, mais oui j'en avais reçu. Y'a même un string rose qui s'était coincé dans les cordes du guitariste une fois, c'était à mourir de rire de le voir se débattre avec pour l'enlever ! Ah j'vous jure, c'était rock'n'roll ou ça ne l'était pas, et ce cliché du sous-vêtement féminin sur scène, je pouvais l'affirmer, n'était pas une légende, mais bel et  bien une réalité. Ouais, à croire que le rock rendait les femmes dingues et sauvages ! Et ça n'était pas pour me déplaire.

Incasables hein ? Peut-être que c'était ça, pourtant je ne pense pas que mon père soit déjà si désespéré pour mon cas, il avait encore de la marge. Et puis il avait de la veine, je n'étais pas odieux avec celles que je rencontrais. J'avais des amis qui faisaient bel et bien comprendre qu'ils n'en avaient foutrement rien à faire d'être ici et se tiraient, avant même d'avoir commandé. Mais j'étais en réalité bien trop poli, gentil et respectueux -oh pitié brûlez-moi, brûlez ma nature- pour faire ça ! Et je trouvais qu'elle ne se montrait elle non plus pas du tout désagréable, elle n'était donc pas incasable, j'en étais convaincu.

Je me demandais si je connaissais son frère, de vue peut-être, allez savoir le monde était petit. Je ne voyais pas trop pourquoi il m'aurait mis en avant pour sa soeur, je n'étais pas sûr d'avoir une certaine réputation dans mon milieu pour me faire ainsi remarquer. Avais-je fait un truc pour lui ? Comment me connaissait-il ? Non, tout ça me paraissait vague et suspect. J'écoutai attentivement la présentation de son aîné, buvant en même temps quelques gorgées de mon verre, dont le breuvage descendait à vue d'oeil. Tiens, il allait bientôt falloir commander. Il avait l'air d'être une pointure, diriger une multinationale il fallait le faire. Rien que les centres commerciaux de mon père me suffisaient. Je n'ai jamais été quelqu'un de gourmand du pouvoir, ni envieux de grimper les échelons. C'était mon frère ça, et il le faisait si simplement, comme si c'était dans sa nature. Son frère à elle avait l'air d'être intéressant, mais il ne me rappelait personne que je pouvais connaître. « Woaw il vit en Afrique et tu y as aussi vécu ? Dis-donc, je me demande à quoi ressemble leur culture dans ce pays... » demandai-je simplement, intrigué par ce pays si lointain de la Corée. « Et ton père est en Corée alors. Oh t'inquiètes, les familles simples, c'est rare ! » rajoutai-je, en partageant son rire.

L'Afrique, voilà un pays dont je ne connaissais pas grand chose, que des photos, de simples images me venaient en tête. Ce n'est pas vraiment le premier pays que j'aurais envie de visiter... Je me souvenais que j'avais déjà dit ça, il y a de cela plusieurs années, quand j’atteignais à peine l'adolescence et encore ! Un fin sourire se nicha sur mes lèvres, remontant dans mes souvenirs. « Hmm... Quand j'étais enfant, une petite fille de mon âge était aussi partie vivre là-bas. Elle me disait que les enfants, leurs parents, tout le monde avait une peau couleur chocolat noir, ce qui m'intriguait aussi. Elle me disait qu'ils avaient du mal avec le chocolat blanc, comme elle, mais qu'elle s'était battue pour prouver sa valeur. » Cette petite fille avait déjà du caractère, j'aimais l'écouter me raconter ses aventures quand elle revenait quelques mois en Corée. Je lui posais toujours 3000 questions, mais on finissait par oublier l'Afrique pour s'amuser à faire tourner en bourrique nos parents, pendant le peu de temps qu'elle restait. « Au bout du compte, ils avaient fini par respecter sa couleur, et je l'avais surnommé la lionne blanche pour sa victoire, ce qui lui avait plu ! » Je me mis à rire légèrement, me rappelant le visage de l'enfant qui répétait à tue-tête le surnom que je lui avais donné.

A peine avais-je fini de parler, que le serveur arriva pour déposer les menus sur notre table, disparaissant aussi vite qu'il était venu. « Et bien ! Ils sont pressés de nous voir manger ici ! » fis-je remarquer à la jeune femme. « Je boirais au ralenti pour la peine, pour bien les embêter. » Je porta le verre à ma bouche avec une extrême lenteur surjoué, faisant couler doucement l'alcool, avant de tout d'un coup, avaler tout cul sec et de reposer mon verre tout aussi vite, me mettant à rire à nouveau. Je rattrapa une goutte qui s'échappait de ma lèvre du revers du pouce, avant de m’intéresser aussi discrètement que possible aux assiettes des tables d'à côté. Bein quoi ? ça pouvait aider dans nos choix ! Et pendant que je continuais mes observations, je n'avais même pas conscience de l'impact du souvenir que je venais d'évoquer et du hasard étonnant de le remémorer ici, maintenant... Avec elle.