Mon Nah s'était amusée aujourd'hui, et sincèrement, c'était un mot qu'elle n'avait plus l'habitude de dire ou de prononcer intérieurement ces derniers temps. A force de côtoyer sa maladie tous les jours, et de savoir que son temps était compté, la petite blonde devenait plus affectée par ce qui se passait autour d'elle, et un rien la rendait sceptique et suspicieuse. Son médecin lui avait demandé de prendre garde aux moindres mouvements étrangers venant de son propre corps, des gestes qu'elle n'ordonnerait pas à ses muscles d’exécuter, et qu'ils feraient de leur propre volonté. On lui avait expliqué à l'hôpital que c'était un effet secondaire de la tumeur : elle affectait ses membres, et soit les paralysaient, soit les bougeaient d'elle-même. Ce genre de concept effrayait totalement la jeune femme, qui se demandait comment elle allait survivre en sachant qu'elle risquait un accident chaque minute de sa vie de tous les jours. Elle prenait de plus en plus de précautions, et même les médecins avaient décidés de raccourcir son temps libre à l'extérieur, ce qui faisait qu'elle n'avait que quelques heures seulement avant de retourner à l'hôpital pour la journée.
Malgré cela, Mon Nah était tout de même heureuse. Grâce à Nuri, qu'elle avait rencontrée il y a quelques jours, elle se sentait plus légère et plus aimée. Bien sûr, elle était déjà aimée de son jumeau, et de quelques-uns de ses proches. Mais des fois elle avait l'impression que ce ne serait pas assez, qu'une fois qu'elle serait parti, il n'y aurait personne pour se rappeler d'elle, de la femme qu'elle était censée devenir. Elle en avait parlée avec son frère, il n'y a pas si longtemps que ça. De son rêve de devenir encore plus célèbre que maintenant, de percer en France par exemple, pour avoir une renommée mondiale. Quelqu'un devait se rappeler de ce qu'elle comptait devenir plus tard, une personne qu'elle ne serait jamais. Pour ses quelques instants dehors, la petite blonde avait décidée d'aller se chercher, comme d'habitude, une brique de lait parfumée au kiwi à l'épicerie du coin, et ensuite de s'installer à l'intérieur du Starbucks du coin pour profiter de son lait tranquillement. Mais, alors qu'elle refermait la porte de la boutique derrière elle et commençait à marcher en direction d'une des tables libres près des fenêtres, sa brique ouverte glissa de ses doigts et tomba au sol, projetant des gouttes de lait sur les chaussures de la personne en face de Mon Nah. Cette dernière fixait sa main d'un air incrédule, essayant en vain de la faire bouger. Mais son bras était comme engourdi, empli de fourmis, comme si elle était restée appuyée dessus trop longtemps. Ce qui aurait pu paraître anodin ne l'était pas, bien au contraire. Mon Nah leva les yeux sur la jeune femme face à elle, désolée. « D-Désolé, j'ai juste, mon bras est, comment dire, je ne le sens plus ? » bafouilla-t-elle en fermant les yeux subitement de peur. Si l'inconnue provoquait un scandale ici et maintenant, elle était en délicate position pour retourner à l'hôpital.