J'avais merdé, complètement merdé. Ces derniers temps, ça devenait monnaie courante. À croire que d'une certaine façon, j'essayais de finir entre quatre planches, ou entre quatre murs. Cette seconde solution avait au moins le mérite de proposer une protection. En voulais-je seulement ? « Vous avez eu de la chance, mademoiselle Kim, vous vous en tirez bien. » Ouais, si on voulait. Je ne réponds pas à l'infirmière qui me regarde d'un air supérieur. Je ne la connais pas, mais elle m'insupporte, avec sa gueule de sainte. De toute façon, je hais les hôpitaux, je ne m'en suis jamais cachée. Je pousse un long soupir, regardant mon bras plâtré. Une simple foulure, mais j'en avais pour deux semaines de cette merde. Et un retrait de permis en prime. Fallait dire que se planter devant un commissariat sous influence, c'était pas fondamentalement un bon plan. J'attrape mon portable dans ma poche. Qui appeler ? Ouais, c'est l'ennui quand on a pas d'amis. Enfin, j'en ai bien quelques un ... Dewei notamment. De toute façon, à qui d'autre accepterais-je de raconter mes mésaventures ? Personne. Trois sms plus tard, je me retrouve comme une conne à l'attendre dans la salle d'attente, entre vieux asthmatiques qui me regardent intrigués, et mioches qui courent dans tous les sens. Seigneur, ayez pitié de moi ...

Je coupe mon téléphone et l'enfourne dans ma veste, un sourire moqueur accroché à mes lèvres. Les deux trois mecs avec qui je suis me regardent étrangement et je leur balance simplement que j'ai mieux à faire et que du coup je m'en vais. Je quitte le pub le pas pressé et rejoins ma moto garée dans une rue parallèle. Le moteur ronronne comme je l'aime lors du démarrage et me voilà partie. Je n'ose même pas imaginer quelle genre de boulette Hansa a bien pu faire pour se retrouver à l'hôpital, cette fille m'en ferait décidément voir de toute les couleurs. Par chance pour elle, je ne suis pas très loin. Me garant à l'arrache devant l'entrée principale de l'hosto, je nargue un mamie qui m'embrouille sous prétexte que ce n'est pas une place. Tant pis j'en ai décidé autrement. Les porte coulissante s'ouvrent devant moi et l'odeur du désinfectant typique des hôpitaux s'infiltre dans mon nez. Je déteste ces endroits aseptisés. Regardant un peu partout, je cherche la salle d'attente des yeux et la voit indiquée un peu plus loin. J'ai à peine fait un pas dedans que je remarque la jolie blonde, le bras dans le plâtre, installée l'air un peu agacé. «  Me dit pas que tu t'es battues ? C'est pas du tout féminin tu sais ce genre de choses! » Je lance tout en m'approchant d'elle, mon rictus moqueur ne m'aillant pas quitté.

Je savais que je pouvais compter sur Dewei. Je n'avais jamais vraiment eu d'amis, pas au sens où on l'entend généralement. Pourtant, si j'avais un jour besoin d'aide pour enterrer un cadavre, à tous les coups, j'aurais demandé à Dewei. Je lui faisais confiance, je l'estimais, et sans doute que je l'appréciais également. Il était l'une de ces rares personnes à réussir à me faire sourire, sans me faire boire avant. Oui, je suppose qu'il était ce qui se rapproche le plus d'un ami à mes yeux. « Me battre ? Voyons, tu sais bien que ce n'est pas mon genre ... » Je grimace, en repensant à notre première rencontre. Je m'étais battue, et j'avais été blessée. Si je n'étais pas tombée sur Dewei, je serais probablement en train de bouffer les pissenlits par la racine. Je finis par hausser les épaule, nonchalante « Je me suis plantée en voiture ... devant le commissariat. » Je grimaçai en pensant au ridicule de la situation. J'appréhendais déjà la réaction du jeune-homme. Bon, je l'avais encore mauvaise, mais dans quelques semaines, je suis sûre que je parviendrai à en rire tant c'est surréaliste.

Je la regarde, rieur, et souris encore plus lorsqu'elle me répond. Debout devant elle, les bras croisés, droit comme un I, je me demande ce que je vais bien pouvoir faire de cette blonde. Pas son genre ? Oui bien entendu ! Hansa avait beau être un belle femme, au fond d'elle se cachait un mec j'en étais plus que certain. Il n'y a qu'à se souvenir de notre première rencontre, elle c'était battu et bien amoché d'ailleurs, alors rien ne m'étonnerait vraiment avec elle. Mais alors j'avoue que son récit du soir est vraiment et de loin, le meilleur et surtout le plus poissard que je n'ai jamais entendu. Ma bouche se plisse, mes lèvres se pincent, tandis que je me contrôle pour ne pas exploser de rire. Pas vis à vis d'elle, si j'ai envie de me moquer de Hansa, rien ne m'en empêche, mais malgré tout nous sommes à l'hôpital. «  Un vrai chat noir sérieusement. » Je bouge ma tête de gauche à droite tout en roulant des yeux. «  Bon tu comptes rester assise là longtemps ou on bouge ? » Je lance en la toisant, cet air moqueur encré sur mon visage. C'est pas que je m'ennuie mais l'hosto et moi on est vraiment pas copain. «  J'suis venu en moto, je t’emmène faire une petite virée, tous les deux, en amoureux ! » Cette fois je rigole franchement, tout en attrapant son bras saint pour la redresser.

En y repensant, appeler Dewei n'était probablement pas la meilleure des idées. Je sentais que j'allais m'en souvenir pendant longtemps de cet accident, et qu'il ne se priverait certainement pas de me le rappeler juste au cas où. Mais bon, j'avais pas les thunes pour un taxi, et je haïssais les transports en commun en étant clean. Parce que malgré tout ce que pouvaient en dire les poulets, j'étais loin d'être déf. Malgré tout, un sourire en coin étire mes lèvres  « Fallait bien que je me trouve une excuse un peu originale pour te voir ~ » Après tout, c'était plus amusant que se retrouver au café non ? Bon, mon bras engourdi n'en menait pas large, mais soit. Je levai les yeux au ciel en l'entendant râlé. Se souvenait-il que j'avais été accidentée ? Un peu de patience pour les handicapés bon sang. Finalement, je laissai s'échapper un léger rire à sa réflexion, suivante, tout en lui suivant à l'extérieur « J'ai hâte de voir ta bécane. » Plaisantai-je sur ce ton qu'il connaissait si bien. Une fois à l'extérieur je retirai l'atèle qui me retenait le bras afin de m'octroyer un peu de confort tant que j'étais loin des médecins. « J'espère que t'es pas garé loin, j'ai dû me tordre la cheville en freinant. » Et non, je n'avais pas jugé utile de prévenir le docteur, pourquoi ?

Je la regarde en biais retirer son atèle fraîchement posée et soupire en roulant des yeux, mon rictus toujours animé. Inconscience serait le mot parfait pour souligner ce qu'Hansa vient de faire, seulement dans le fond, j'aurais de toute évidence fait la même chose. Refoulant mon reproche, je hausse les épaules tout en m'arrêtant devant la sortie principale. «  J'hésite encore entre te laisser courir derrière la moto ou t'autoriser à poser tes grosses fesses derrière moi. » Faisant mine de réfléchir je fini par rigoler brièvement et me rapproche d'elle. Laissant mes yeux courir de ses pieds à sa tête, je me demande qu'elle est son soucis. A l’hôpital on soigne les gens, mademoiselle a mal à la cheville mais n'en parle pas forcément. « Qu'est ce qui t'empêchait d'en parler au doc ? » Un sourcil se redresse. «  Ralala les filles sérieusement, qu'est ce qu'on va faire de vous ! » Ma tête, inconsciemment, gigote de gauche à droite, puis sa prévenir personne, je m'abaisse légèrement, attrapant la blonde pour terminer par la porter comme une princesse. Mon visage proche de sien je m'empêche d'exploser de rire, et me contente de bouger les lignes de poils au dessus de mes orbites se façon malicieuse, comme dans les films à l'américaine. « Non j'suis juste là. » Du menton, le pointe ma bécane un peu plus loin et avance vers cette dernière. «  C'est que t'es presque lourde dit donc. » Une plume ne serait pas aussi légère qu'elle, mais j'aime tellement embêter la jeune femme, qu'un pique sur son poids ne peut pas lui faire de mal. Je la pose sur le siège lorsqu'on arrive à la moto, étirant mes bras tout de même avant d'enfourcher la bête à mon tour. Tirant les clés d'une de mes poches, le moteur ronronne à son tour. J'aime vraiment trop ce bruit. «  Accroches toi, je sais que t'as toujours rêvé de pouvoir me toucher, alors fais toi plaisir. » Encore et toujours cette moquerie, pour ne pas changer. Le pied sur la pédale, j'accélère et nous voilà partie, dans un vrombissement à faire crier plus d'une mémé.

La douleur ne me gênait pas outre mesure. Le plâtre en revanche, m'aurait gêné. C'était la raison pour laquelle je n'avais rien dit, je savais me soigner seule. Enfin, je me gardai de le dire devant Dewei, il avait de quoi me contredire si l'on repensait à la fois où il m'avait empêchée de mourir. Mon orgueil, ma fierté, ou que sais-je d'autre m'avait poussé à d'abord refusé son aide. Il savait comment j'étais, mais faisait avec. « Ces incapables m'auraient foutu un plâtre alors que c'est sûrement une bête foulure. » La suite me prit de cours. Je n'aimais pas le contact humain. Du moins, je n'aimais pas les câlins et autre connerie du genre en dehors du coït. Néanmoins, pour une fois, je serrai les dents, tentant même un petit sourire en me tenant à son cou « Fais moi tomber, et je te le ferai regretter toute ta vie. » Autant cacher la gêne derrière le sarcasme. Sa réflexion sur mon poids ne m'interpella pas : avec toute la drogue que j'ingérais, j'étais même en sous-poids. Il devait bien s'en rendre compte, aussi laissai-je couler. Une fois assise sur la moto, je laisse mes muscles se détendre, redevenant la femme que j'étais, que Dewei connaissait « Ce n'est pas le contexte dans lequel j'aurais aimé te toucher ceci dit ... » Pas que j'ai besoin d'un contexte particulier, mais fallait bien que je l'ennuie un peu moi aussi. Et de toute façon, c'était pas vraiment un mensonge.

A sa remarque je ose les épaules,  tout en affichant un sourire carnassier. J'aimais chercher Hansa, la titiller et le plus drôle était qu'elle entrait parfaitement dans mon jeu. Je ne sais pas quand ni comment ce jeu de pseudo séduction c'était infiltré entre nous, pourtant j'y prenais plaisir et je m'en amusais fortement. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, je ne lui ai jamais sauté dessus, pourtant au fond de moi je sais que j'en aurais eu l'occasion à de nombreuses reprises. Et puis, elle était loin d'être repoussante. Le moteur gronde tandis que la moto slalome entre les voitures sur la route, pour l'adrénaline et la folie du moment, je m'autorise à fermer les yeux l'espace de deux secondes et les rouvre au bon moment. La voiture devant freine et je pile pour ne pas la percuter. Une fois arrêté, je tourne mon visage vers la blonde derrière moi et lui montre à nouveau mes dents, comme si de rien était. «  Je ne l'avais pas vu ! » Sans la quitter des yeux, je réfléchis à ce que l'on pourrait bien faire à cette heure, mais ne trouve pas d'idée palpitante. «  Tu veux faire quoi ? » Tout en mordillant ma lèvre inférieur en signe de réflexion. «  Doit bien y avoir des hôtels dans le coin, if you know what i mean. » Mon anglais de croulant des bacs à sable à le dont de me faire rire faiblement, quand on klaxon vient me déranger. J'offre un joli doigt d'honneur et reporte mon attention sur la route avant de faire crisser les pneus et de démarrer à vive allure, les gens sont vraiment trop pressés.

Je n'avais jamais considéré Dewei comme une cible potentielle. Généralement, les hommes n'étaient à mes yeux riens d'autre que des proies destinés à satisfaire mes besoins primaires. Avec Dewei, c'était différent. Je l'estimais, je l'appréciais sincèrement. Pourtant, ce jeu de séduction, m'amusait. Peut-être parce qu'au fond, j'ignorais où tout cela allait nous mener. Voilà pourquoi c'était tant amusant, pour quelqu'un qui d'ordinaire planifie tout avec le plus grand soin. Mon coeur stoppe un instant lorsque le garçon pile pour ne pas rentrer dans une voiture, mais je ne peux m'empêcher de sourire malgré tout « Tu es pire conducteur que moi ... Et c'est pas un compliment ! » C'était par ailleurs inutile de le préciser vu les raisons pour lesquelles il était venu me chercher. «Hum, je ne sais pas ... Je suis pas très hôtels, tu t'y connais prbablement mieux que moi ! » C'était surtout sorti comme si de rien était, alors que je reportais mon attention sur la route, regardant les voitures nous frôler comme si de rien était, avant que mes doigts ne se resserrent sur son haut tandis qu'il redémarrait. Un hôtel, ok. Un hôtel en vie, ce serait quand même vachement mieux.

Pour être honnête, je m'étais attendu à tout sauf à ce qu'elle n'acquiesce ma proposition indécente qui était d'ailleurs, une blague à l'origine. Je n'avais jamais considéré Hansa comme une fille à sauter, l'une des nombreuses que j'aurais pu mettre dans mon lit en dépit de notre petit jeu à tous les deux. Certes on se cherchait, on se titillait, mais au final ça s'arrêtait là. L'idée même de franchir le cap ne m'avait jamais vraiment effleurer l'esprit bien qu'en y réfléchissant mieux, cela ne me dérangeais clairement pas. En même temps Hansa était très belle et puis elle avait cette graine de folie qui la caractérisait si bien, la raison pour laquelle je l'appréciait à ce point probablement. «  Non, t'es sérieuse ? » Un rire m'échappait, probablement un peu incrédule face à ses mots que je n'avais pas attendu. «  Parce que je ne te le demanderais pas deux fois tu le sais ~ » Mon visage c'était brièvement tourné vers elle, reprenant très vite sa place initiale, le regard rivé sur la route peu éclairée. J'avais exprès ralentis l'allure de la moto pour pouvoir lui parler sans hurler. Si elle me donnait le feu vert, je suppose que ouais.. Je ne dirais pas non. Plus rien ne me retient à présent et pour tout avouer, j'avais envie de voir si ouais, elle était plus du genre à parler qu'à agir. Au final ce serait simplement la continuité de notre manège non ?