j’ai chaud. ce n’est pas la même température que celle que j’ai ressenti en égypte, ni celle qui nous est tombée dessus à madagascar. c’est une autre chaleur, qui m’entoure de toutes parts, et je ne peux décrire la situation mieux que par ce qui suit. un costume sandwich. on m’avait déjà fait passer le mot comme quoi le bizutage était sympa, et peut-être que je m’attendais à devoir rédiger de vieux articles à la noix pour le journal de la fac. un truc où je n’aurais pas eu trop de mal à poser ma patte, étant donné mon vocabulaire littéraire acquis depuis toutes ces années. au lieu de ça, les silla m’ont gentiment proposé de faire la promotion d’une des deux causes qu’ils défendent, dans cette tenue très… originale. je souffle et tire maladroitement sur ma manche droite à la couleur du ketchup. lors de mon choix de fraternité, j’avais hésité avec les koryo. je me demande à quoi ressemble leur bizutage. comme un appel à mes pensées, je vois un grand brun débouler en courant dans le hall, sac de sport prêt à tomber de son épaule de nageur. il zigzague à la vitesse de l’éclair entre les étudiants, passe proche de mon stand, et fait voler au passage quelques flyers de ma table. seo elias. le président. j’aimerais pas qu’il me choisisse un bizutage.. il n’a pas l’air très intelligent. je lève les yeux au ciel. il ne s’arrête même pas pour ramasser, mais je ne sais même pas s’il a remarqué ses dégâts. avec maladresse et difficulté, je me déplace avec mon costume encombrant, tel un pingouin sur sa banquise, vers les flyers éparpillés au sol. je ramasse le tout, qui concerne notamment les droits de la communauté lgbtqia+.

les heures passent.

je donne quelques flyers, commençant mon job de promotion avec le plus grand sérieux du monde. concentré dans ma tâche mais parfois ailleurs, certaines étudiantes gloussent lorsqu’elles me voient plisser les yeux devant les paragraphes écrits en tout petit. « hm, décidément je suis loin d’arriver à lire correctement. » j’attrape ma paire de lunettes et continue mon job du jour, avec mon accoutrement ridicule. je ne sais pas si les étudiants viennent me voir parce que j’ai une bonne aura amicale ou bien parce que le cheddar tomberait presque de mon costume mais le début de la journée se passe plutôt bien. je replace ma casquette bleue qui a failli tomber de mes cheveux bruns plusieurs fois et adresse un grand sourire à la personne qui s’approche de mon stand. même la casquette est pas folle… on dirait un salarié de mcdonald’s travaillant au drive… quand se termine cette journée déjà ?

eh bien lorsque j’ai exprimé intérieurement le fait que je ressemblais tout bonnement à un salarié de mcdonald’s travaillant au drive.. ça vient d’arriver. quelqu’un vient de me prendre pour un employé. j’ai relevé doucement la tête de mes notes, et mes lunettes rondes glissèrent inévitablement au sol. il faudra que je pense à en racheter une nouvelle paire. le bruit qu’elles ont fait, n’est pas signe qu'elles sont en bonne santé. j’ai cligné plusieurs fois des paupières devant l’étudiante aux cheveux bruns. comme je n’ai besoin de lunettes que pour lire, sa silhouette féminine apparaissait très clairement dans mon champ de vision. j’ai lâché un profond soupir, tirant d’un coup sec sur le truc bleu marine qui me servait de casquette. il n’y a pas de soleil, je suis à l’intérieur alors pourquoi, ça aussi, ça fait partie du costume ? pour autant, je vois bien qu’elle me taquine et c’est tout. quand bien même, elle semble avoir un sacré culot pour oser taquiner quelqu’un qu’elle ne connait pas le moins du monde. « je te mets un mcflurry avec ou ça ira ? » je lui rends un sourire taquin. puis, je la vois prendre un des flyers tandis que j’hausse les épaules. « si seulement ce n’était que ça… » je pose la casquette sur la table du stand, parmi les flyers qui recommençaient (pour la énième fois) à se faufiler partout. « je suis certain que même perdre un pari est moins ridicule que ce bizutage chez les silla. » je lève les yeux au ciel et me baisse pour atteindre mes lunettes toujours au sol. les verres sont cassés, mais ce n’est pas comme si c’était la première fois que ça m’arrivait. « j’ai trouvé un avantage dans cette tenue cependant. j’attire l’attention très facilement et mes flyers partent à une vitesse redoutable. » je pointe du doigt certains paquets qui continuaient à diminuer, devant d’autres étudiants et étudiantes qui gloussaient en me regardant. j’affiche une grimace et repose mon attention sur la brune. « enfin… je me sens quand même bien ridicule. si ça t’intéresse, prends-en deux ou trois pour les distribuer à tes potes, ça m’en fera toujours moins sur mon stand. » qui ne tente rien n’a rien, comme on dit.

je priais au fond de moi de n’avoir pas trop abîmé mes lunettes. j’en ai besoin simplement pour lire mais comme il s’agit de mon passe-temps favori, j’aimerais pouvoir encore m’en servir correctement. et comme cette nouvelle étudiante vient de me prendre pour l’employé du fast-food le plus connu au monde, je me disais que rien ne pouvait être pire sur le moment. même la plus mauvaise organisation d’un road trip aurait été meilleure à supporter. je la vois se baisser pour m’aider à récupérer les flyers tombés au sol. sa question était rhétorique, elle n’avait pas réellement attendu de réponse pour s’exécuter avec bon cœur. cet agissement me fit attarder plus longtemps mon attention sur elle. « merci d’aider un sandwich, c’est sympa. » ai-je répondu d’une voix amusée en l’observant remettre tout en tas organisés sur le stand. l’idée d’un mcflurry avait l’air de lui plaire. je n’ai rien ajouté de plus, me concentrant sur l’endroit où avaient bien pu tomber ces lunettes. avant de lui évoquer le pourquoi du comment de cette situation. honnêtement, je ne suis pas du genre à rechigner à la tâche, et lorsque l’on m’a annoncé mon bizutage, je me suis juste dit qu’il fallait le faire et que c’était tout. mais sincèrement, maintenant que j’y suis, j’ai hâte que ça se termine. même si défendre des causes sera l’objet de mon métier dans le futur, je ne crois pas que distribuer des flyers fasse partie de mes principales missions. je récupère mes lunettes et réapparaît à la vision de tous. une nouvelle fois, la jeune femme s’inquiète et me témoigne son soutien. « elles ont survécu à plusieurs chutes avant. anti-casse ! » ai-je lancé d’un air entendu, agitant la paire devant ses yeux. venant d’un homme comme moi, même les lunettes les plus résistantes de la planète pourrait se fendre en deux. c’est ce que mon meilleur pote aurait sûrement lancé. la brune se met à replacer proprement les différents tas. j’hausse un sourcil d’un air interrogateur mais apprécie le geste. elle confirme ce que je doute depuis que je suis arrivé ici. suite à ses idées, ma voix murmure, « un sandwich arc-en-ciel. » avant de se taire pour se transformer en un rire léger. « tu peux leur en faire la proposition si tu veux. si tu es chez les bleus aussi. » c’était une réelle supposition, puisqu’en si peu de temps au sein de la fraternité de naver corp, je ne connaissais pas grand monde. voir pratiquement personne. peut-être qu’il faudrait que je pense plus à participer à ces événements de groupe comme le bal et tout ce qu’il s’en suit. elles sont vraiment idiotes. mon côté judgemental ne pouvait qu’approuver. ça me faisait grimacer si fort que mon visage allait sûrement être déformé à la fin de la journée. « tu marques 100 points. » je lui lance un regard complice, signifiant que j’appréciais sa présence à mon stand. son clin d’œil me fit de nouveau sourire. « avec plaisir. le temps passera beaucoup plus vite à deux. » je tend un flyer à un étudiant qui contemplait le stand depuis quelques secondes mais mon regard en coin était dirigé vers la nouvelle venue. « j’espère que tu connais tes meilleures techniques de judo, mes attaquants sont féroces.. » mon air taquin reprit place sur mon visage alors que l’étudiant me remerciait et que je m’inclinais légèrement à son départ. la voilà déjà partie à distribuer les flyers de manière beaucoup plus efficace que moi. « rappelles-moi de t’engager dans ma société plus tard. » un nouveau rire puis un intérêt plus poussé. « comment tu t’appelles ? »

les koryo… c'est pas les dorés, ça ? il me semble les avoir déjà vu, mais surtout entendu, dans les couloirs de la fac. lorsque j’étais un simple student, je ne faisais pas attention aux autres. pas trop. maintenant que je suis avec les silla, j’essaie de faire des efforts, et de m’acclimater à l’ambiance fraternité…et ce bizutage commence bien. outre le fait de proposer un sandwich arc-en-ciel, ou de supporter la cause des jambon-fromage depuis des années, la compagnie de cette nouvelle venue ne me déplaisait pas. il faut dire que mes déplacements, mes gestes ne sont pas aussi élégants qu’à leur habitude dans cette accoutrement débordant de choses grasses. la voir me donner un coup de main m’enlève clairement une épine du pied, mais je me garde bien d’en dire plus. pas eu à faire de bizutage ? à l’intérieur de mon costume hamburger, je plisse mes yeux, plongé dans ma profonde réflexion avec moi-même. ce serait une lecture d’un livre avec un certain intérêt, que ça me ferait presque le même effet. c’est un compliment, en passant. « t’as bien de la chance. en plus de supporter les meilleures causes alimentaires, t’es une vraie veinarde. » j’hausse les épaules en souriant et reporte mon attention sur mes lunettes que je venais de replacer sur le bout de mon nez. pas sûr que ça tienne cette affaire. « surtout que j’ai entendu que le président des jaunes est un sacré… taré. d’ailleurs, je crois que je l’ai croisé tout à l’heure. il a un nom étrange. et il a pas l’air très intelligent. » si c’est lui qui représente sa frat, ça doit être quelque chose de dormir à leur dortoir. des gloussements se firent entendre sur ma droite mais avant que je ne puisse ouvrir les lèvres, la koryo les fit partir d’un simple regard. je lui jette un coup d’œil lorsqu’elle s’exclame ses compétences en 1v1 ou 1vplusieurs peut-être. elle semble déborder d’énergie, c’est plutôt marrant. « fais attention, tu risques de blesser des innocents, faudrait pas que ça se retourne contre toi. » ai-je répondu d’un air malicieux avant de m’incliner devant un étudiant et de lui tendre un de mes énièmes flyers. la voix de l’étudiante retentit plus fort lorsque j’étais en train d’expliquer la cause que défendait les silla et à quel point ça n'avait aucun rapport avec ce que je portais. une soirée mousse ? j’ai levé un sourcil interrogateur. l’étudiant en face de moi me jeta un regard bizarre et finalement, râla en compagnie d’autres avant de partir. je ne suis pas contre un peu d’aide oui, mais… « je ne sais pas si faire de la fausse pub est la solution la plus efficace. » j’ai pas la tête à faire une soirée mousse surtout avec mon déguisement du jour. « et moi des cours de droit, ça te va ? » un ricanement trouve la sortie entre mes lèvres, sur lequel je continuais déjà. « je m’appelle seon ho. enchanté dong joo. » avec son aide, le tas de flyers commençait à nettement diminuer. a ce rythme, j’allais terminer mon bizutage plus rapidement que prévu. les étudiantes et étudiants la regardait avec enthousiasme. certains n’avaient toujours pas compris que la soirée mousse n’existait pas, ce qui m’exaspérait intérieurement mais tirait toujours cette fameuse épine de mon pied. et c’est à ce moment-là que, ça a fait tilt dans ma tête. ne cachant pas ma surprise, j’ai demandé « attends, t’es pas capitaine des cheerleaders par hasard ? » évidemment. son visage me disait quelque chose, son dynamisme et surtout son prénom… un air de déjà-vu. je suis sûr que je ne me trompe pas.