« Tu comprends rien ! » Les mots étaient sortis sans que je puisse les contrôler, franchissant la barrière de mes lèvres avec hargne. Pour la première fois, je me dévoilais devant Hyo Jin. Il n'avait jamais rien compris, il avait toujours été aveugle. Connaissait-il seulement mon passé ? Je venais à en douter. Son père avait-il donc gardé le silence toutes ces années ? La vérité était que cela ne m'aurait même pas étonné. Je tentai de garder mon calme, je n'avais pas envie de détruire ce faible lien que nous avons construit, pas tout de suite. Alors je plongeai mon regard dans le sien, scrutant son âme. « Une princesse ? Regarde moi Hyo Jin. J'ai vraiment l'air d'une princesse ? Je lui ai balancé un mensonge, parce que c'est ce qu'on espère entendre quand on a cinq ans, et que la vie vient tout te prendre. Je suis pas une princesse Hyo, je suis rien d'autre qu'une escroc doublée d'une camée. T'étais pas encore au courant ? » Je l'avais toujours su, et pourtant chaque mot prononcé tailladait mon coeur à l'instar d'autant de lames de rasoirs. Sans doute parce que cet aveux n'avait pas pour but de m'aider à dormir le soir, qu'il n'était rien d'autre que la vérité pure, celle qui finit par resurgir à un moment ou à un autre. « Alors ouais, je suis en manque. Et plutôt que t'occuper de ce que ta misérable cousine fait de sa vie, tu devrais aller retrouver cette gamine et t'assurer qu'elle ne finisse pas comme moi. » C'était dit. "Qu'elle ne finisse pas comme moi". Avais-je à ce point honte de ce que j'étais devenue ? Oui. Parce que j'aurais pu mener une vie meilleure. J'aurais pu aider mon prochain. J'aurais pu devenir chanteuse, comme ma mère. Rencontrer quelqu'un, avoir des enfants. Ressentir ce bonheur, cette joie des dimanches matins en famille, tous réunis autour d'une table. J'aurais pu être reporter, écumer le monde, sensibiliser la population à des problèmes tellement grave. J'aurais pu mener la vie que mes parents auraient souhaité pour moi. Et ça faisait un mal de chien de le réaliser, de l'admettre tant d'années plus tard, tant d'années trop tard. Le pire dans tout ça, c'est que j'avais conscience que tout était de ma faute. Comme si tout à coup, je comprenais que les autres n'y étaient pour rien. Je m'étais perdue, et je n'avais jamais retrouvé mon chemin, fin de l'histoire. Celle-ci aurait-elle pu se finir d'une autre manière ? J'en savais foutrement rien. Je m'étais bousillée, toute seule, comme une grande. J'attrapai le paquet au vole, sans un mot, une boule coincée dans ma gorge. Je plaçai le tube entre mes lèvres et l'allumai, mon regard s'arrêtant sur la flamme un instant. « Tu dois me trouver bien misérable, hein oui ? » En tout cas, c'était mon avis.