Les yeux fixés sur le panneau des scores, Maeng ne peut s’empêcher de bouillonner de colère. Deux secondes seulement et c’était la victoire assurée. On ne peut pas gagner tous les jours, mais perdre avec un si petit écart a quelque chose de particulièrement rageant. Un profond soupir lui échappe quand elle décide qu’il est temps d’aller se changer. La skateuse essuie sa lèvre ensanglantée du revers de la main, avant de pénétrer dans les vestiaires. Un sourire en coin de la gagnante du jour lui donne envie de ressortir aussitôt – ou bien d’éclater son poing contre sa mâchoire. Cependant, elle sent encore le picotement de ses côtés après le coup que cette dernière lui a administré durant la course et elle décide que c’en est assez pour ce soir. La deuxième place lui assure un gain non négligeable et c’est tout ce qui lui importe – globalement. Le derby est surtout une source de revenus pour elle, bien qu’un lieu où elle peut se défouler aussi. Elle ne souhaite pas revenir au dortoir complètement abîmée non plus, dieu sait ce que son frère s’imaginerait et il finirait par comprendre, au plus grand malheur de l’aîné. Maeng se change en vitesse, plus rapidement que le reste des filles dans le vestiaire et ne demande pas son reste avant de filer à l’extérieur. Les rollers dans une main, le sac sur l’épaule, la jeune fille s’apprête à prendre le chemin de la digital city et du dortoir. Elle n’est pas de service ce soir et ce n’est pas plus mal, elle se voit mal supporter les clients morts saouls après avoir encaissé une telle défaite. Les pieds traînants, Maeng file en dehors du stade clandestin affrontant les premiers courants d’air glacial mais quelques pas plus tard, elle s’arrête nette. Un sourire s’imprime sur son visage et elle tourne la tête vers la présence masculine à quelques mètres. « Oh tiens… Kong Yeonghun. ». Elle n’est pas très sûre qu’elle ait envie de voir son ami d’enfance aux abords du circuit de derby, c’est un risque supplémentaire que ses activités illégales et son identité s’ébruitent. Et arrivent aux oreilles des flics. Ou pire, aux oreilles de son frère. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » demande-t-elle en s’approchant. Maeng est à peu près sûre que ce n’est pas elle qui a parlé au plus jeune de ses affaires quelque peu parallèles à la passion qu’elle affiche au grand jour.

Yeong Hun n’était pas de service ce soir. Il en avait alors profité pour rejoindre le lieu qu’un de ses amis lui avait envoyé par sms. Il n’avait jamais vu de course de roller derby de toute sa vie. Même quand il vivait aux Etats-Unis, il n’était jamais allé en voir. Mais, aujourd’hui, il s’était décidé. On lui en avait parlé la dernière fois au skate park et ses amis l’avaient un peu – beaucoup – tanné pour qu’il vienne. Alors le voilà près de la piste, dans ce stade clandestin, regardant les filles passer à toute vitesse devant la foule. C’était bien plus violent qu’il ne l’avait pensé, que l’on lui avait dit. Le garçon reconnut Maeng parmi les participantes et il se demandait bien ce qu’elle foutait là. Pourquoi se retrouvait-elle dans un tel truc ? Le garçon ne pouvait pas la questionner tout de suite et resta en retrait pour qu’elle ne le voit pas. Peut-être que ça la déconcentrerait ? Il n’en savait fichtrement rien et préféra être prudent. L’étudiant, quand la course se termina, quitta le stade clandestin et décida d’attendre son ami d’enfance. Mains dans les poches, il jouait distraitement avec le caillou devant ses pieds avant de relever la tête quand il entendit sa voix et son prénom. Un sourire orna doucement ses lèvres, son regard se posa sur Maeng. Elle ne semblait pas spécialement ravie de le voir là et il pouvait comprendre pourquoi. Il mettait le nez dans ses affaires – sans le vouloir – et ça se révélait être… illégal. Pourtant, Yeong Hun n’était pas moralisateur. « Maeng. » Dit-il en retour, la laissant s’avancer jusqu’à lui, faisant quelques pas dans sa direction. Le garçon haussa un sourcil à sa question. Directe, comme toujours. « Tu n’es pas contente de me voir ? » Demanda-t-il, jouant les offusqués alors qu’il ne l’était pas le moins du monde. « On m’a parlé d’une course de roller derby et j’étais curieux. Alors, je suis venu. Je ne pensais pas t’y croiser. » Répondit-il à la jeune femme. Qu'elle ne se fasse pas de fausses idées. Il ne la suivait pas. « Tu n’as pas trop mal aux côtes ? » Demanda-t-il. Il avait vu le coup de coude de sa concurrente. Il avait eu les yeux un peu trop braqués sur elle. « C’est quand même sacrément violent. Je ne m’y attendais pas. » Avoua-t-il à l’étudiante. Il se doutait que ce soir, ça n’avait pas été grand-chose et qu’il y avait bien pire. Mais Yeong Hun n’avait pas spécialement envie d’y penser. Il préféra se concentrer sur la course qu’il avait vu.

Cela fait quelques semaines maintenant qu’elle a mis les pieds dans le derby – rien à voir avec la finesse et l’élégance dont elle fait preuve lors de ses enchainements de roller. La vitesse et la force, rien d’autre ne compte dans ce circuit clandestin. Tout est bon pour arriver à la victoire. Surtout quand la victoire est synonyme d’une belle somme en liquide. Alors pas de cartiers, il n’y a pas d’hésitations à voir quand il s’agit de tout donner pour passer la ligne d’arrivée. Quitte à finir salement amochée. Et elle préfère que personne n’en soit témoin. Alors ce n’est pas avec la plus grand joie qu’elle découvre le brun à l’extérieur du stade. Mae ne cache aucunement son manque d’enjôlement quand elle l’approche, se disant que s’il l’attend ici c’est que de toute façon, Yeonghun l’a reconnu sur le circuit. L’air innocent du plus jeune ne la trompe pas. « J’aurais préféré que ce soit dans un autre endroit. » répond-t-elle sans détour comme toujours. Elle n’est pas fan de l’idée que des connaissances autres que ‘professionnelles’ soit au courant de ses petites activités extrascolaires pas tout à fait dans les clous. D’un hochement de la tête, Maeng intègre qu’au moins son cadet n’était pas au courant de sa présence avant de venir. Par contre, des bruits courent et elle n’est pas sûre que ce soit une bonne nouvelle. Un rire sec lui échappe quand Yeonghun lui demande l’état de ses côtes, bien sûr qu’elle a mal et elle n’a qu’une hâte ; rentrer les badigeonner d’arnica. « Si mais on finit par s’y habituer. ». La lèvre ouverte. Les côtes qui piquent. Ce sont des traces, des douleurs auxquelles Maeng a fini par s’habituer avec le temps ou en tout cas, c’est ce dont elle essaie de se convaincre. Elle haussa un sourcil à la remarque de son ami, elle n’est pas sûre de comprendre ce à quoi il s’attendait en venant ici. « C’est pour cette raison que la somme à gagner est si importante. » souffle-t-elle en passant ses doigts dans ses longues mèches orangées. « Les gens payent pour de l’action, pas pour qu’on se tienne la main. » ajoute-t-elle alors qu’elle s’amuse avec ses cheveux. C’est certainement ce qui fait que cela que cette activité ne serait jamais légale ; sa violence. Sport trop dangereux pour être autorisé certes, mais qui payait plus et plus vite que n’importe quel tournage pour sa chaine youtube ou pour des pubs. « Et donc pourquoi le derby roller t’intéresse comme ça ? Jusqu’à preuve tu tiens sur un skate mais pas sur des rollers quad. » demande-t-elle en s’approchant un peu plus de Yeonghun, ses yeux curieux plantés dans ceux du jeune homme.

Yeong Hun ne s’était réellement pas attendu à découvrir Maeng sur la piste, ce soir. On ne lui avait pas dit, l’invitant simplement à regarder une course de roller derby. Que faisait-elle dans un truc illégal ? Il imaginait que c’était pour gagner de l’argent mais pour quelles raisons, au juste ? Des questions qui resteraient sans réponse, pour le moment. Le garçon patienta à l’extérieur du stade clandestin, mains dans les poches, jusqu’à ce que la jeune femme arrive. Il posa son regard sur elle et un sourire se dessina sur ses lèvres, malgré l’air mécontent de son amie d’enfance. Elle n’était pas ravie de le voir. « Pourquoi ? Ton activité doit rester secrète ? » Demanda-t-il, lui aussi, sans détour. Il lui expliqua qu’il n’était pas au courant de sa présence ce soir. Il n’était pas venu pour l’espionner, juste découvrir ce qu’était réellement le roller derby. Et c’était putain de violent. On ne lui avait pas dit que ça l’était autant. Le coup de coude de son adversaire n’avait pas échappé aux yeux de Yeong Hun et le garçon lui demanda des nouvelles de ses côtés. Il ne commenta pas, secouant simplement la tête avec un soupir. Ce n’était pas quelque chose à laquelle elle devait s’habituer. L’étudiant lui confia qu’il ne s’était pas attendu à tant de violence. Il connaissait les sports de contact, pratiquant lui-même du football américain mais… un sport de contact sur des rollers ? C’était dangereux. Et que Maeng en fasse, au point de s’habituer à avoir mal, l’inquiétait. « La somme est si importante que ça ? » Demanda-t-il, sourcils froncés. Son regard dans le sien, sa réplique le fait doucement sourire. « ça ne m’intéresse pas spécialement, des amis m’ont tanné pour que je vienne ce soir. » Révéla-t-il. « Tu me lances un défi, là ? » Demanda-t-il avant de reprendre son sérieux. « Pourquoi, toi, ça t’intéresse autant, le roller derby ? » Questionna-t-il. « Tu as tant besoin d’argent que ça, Maeng ? » Ajouta-t-il, rentrant dans le vif du sujet. Pourquoi faisait-elle tout ça ? Ne pouvait-elle pas trouver un moyen légal de gagner de l’argent ? « T’as pas trouvé autre chose, franchement ? »

Un de ses sourcils se haussa, cela paraissait évident que la jeune femme préférait que ses activités restent discrètes aux vues de leur caractère pas tout à fait légale. « Ce serait mieux. Je ne suis pas sûre que ni les flics ni mon frère apprécient que je prenne part à des derbies clandestins. ». C’était déjà assez embêtant de devoir concourir sous un pseudonyme pour éviter de relever son identité en cas de descente de la police locale. Si en plus, on se mettait à crier sur tous les toits que Suh Maeng la skateuse participait à des derbies clandestins, c’en était fini pour elle. Alors elle fut soulagée d’entendre que son ami d’enfance se tâcherait de garder la confidence sur ses petites activités.  « Une seconde place, c’est l’équivalent de deux semaines de boulot à temps partiel. » répondit-elle du tac au tac. Si Maeng avait bien fait ses calculs, à deux ou trois derbies par mois, elle parviendrait à mettre suffisamment de côté pour payer entièrement son année scolaire. Un rire sec lui échappa quand Yeonghun prit sa demande comme un challenge. « Non, mais si ça te fait plaisir d’essayer, je te regarde mon grand. » fit-elle alors qu’un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres. Ce n’en était pas un mais l’idée de le voir s’aventurer sur des rollers l’amusait d’avance. Le jeune homme lui retourna la question, et le sourire moqueur de Maeng se fit plus sarcastique alors qu’elle le laissait continuer avec ses interrogations. « Oh Yeonghun, vraiment ? ». C’était du jugement qu’elle ressentait ? Elle avait suffisamment trimé avec les options honnêtes pour savoir qu’elle ne suffisait jamais aux gens comme elle. « Ni mon job de barmaid, ni mes services de skateuse pro ne suffissent à payer mes études à yonsei. J’ai aucune bourse et je ne peux pas vivre sur celle de mon frère. ». Et c’est ce qu’elle faisait jusqu’alors, grâce à cela qu’elle avait pu rejoindre la capitale et reprendre ses études, mais ce n’était aucunement viable à long terme, ni pour elle, ni pour Woong. « Et très honnêtement ? J’y prends du plaisir ? La vitesse, l’excitation, la violence… La douleur. Tout ça me donne l’impression d’être vivante. » ajouta-t-elle en haussant les épaules. Si la première fois, la peur avait été grande, maintenant Maeng prenait autant de plaisir que ses concurrentes à jouer de la violence pour gagner. C’était au contraire, presque une libération face au quotidien. « Pourquoi ? Ça te fait peur ? » demanda-t-elle finalement en plantant ses pupilles dans celle de son ami, curieuse de savoir vraiment d’où venait toutes ses interrogations.

Yeong Hun comprenait parfaitement qu’elle veuille que ses activités ne s’ébruitent pas. Après tout, c’était illégal. Mais elle n’en avait vraiment pas à s’en faire avec lui. Il ne dirait rien, à personne. Même pas au frère de la jeune femme. Ce n’était pas à lui de lui dire et le garçon ne voulait pas créer de problème à son amie d’enfance. Il emporterait son secret jusque dans la tombe. Le skateur la questionna sur l’argent qu’elle pouvait gagner en une course. Quand elle lui répondit, il écarquilla les yeux. « Ah ouais, quand même. » Souffla-t-il. Il ne s’était clairement pas douté que ça payait si bien et il comprenait mieux pourquoi Maeng y participait. Cependant, il trouvait ce sport extrêmement violent et dangereux, sûrement plus que le football américain qu’il pratiquait. Le danseur n’avait pas été mis au courant que c’était ainsi, ses amis l’avaient tanné pour qu’il vienne, sans lui dire grand-chose. Et il n’avait pas pris la peine de chercher avant. Un sourire orna doucement ses lèvres, prenant sa demande comme un défi. Il n’avait jamais fait de rollers quad mais ça ne devait pas être si difficile que ça, non plus, ayant l’habitude de faire du skate comme la demoiselle. Et puis, son équilibre était bon. Cependant, il doutait de réussir à faire la même chose qu’elle, sur la piste. Pas qu’il craignait les coups, en prenant régulièrement au football américain, mais ça demandait une certaine dextérité qu’il n’avait clairement pas. « Ok, pas de problème, je tenterai la prochaine fois. » Répondit-il en haussant les épaules avant de la questionner davantage. Pourquoi devait-elle faire ça pour gagner de l’argent ? Il ne connaissait pas sa situation financière actuelle mais se doutait qu’elle ne devait pas être si bonne que ça pour qu’elle fasse ça. Mais ne pouvait-elle réellement pas choisir autre chose, plutôt que se mettre en danger de la sorte ? Parce qu’elle ne se mettait pas en danger que physiquement. Qu’arriverait-il si la police se mêlait à ça ? Que ferait son petit frère, dans ce cas-là ? Des questions auxquelles elle avait dû très certainement réfléchir. Du moins, il espérait. « Et tu comptes faire ça encore longtemps ? » Demanda-t-il avant qu’elle ne lui révèle qu’elle y prenait du plaisir. Il fronça les sourcils, n’appréciant pas qu’elle aime tant la violence et la douleur, parce que ça l’inquiétait. Dans quel état pourrait-il la retrouver ? Mais après tout, elle faisait ce qu’elle voulait et il n’était personne pour l’arrêter. « Parce que ça te permet de ressentir quelque chose ? » Demanda-t-il, finissant par lui dire qu’elle pourrait tout de même trouver autre chose. Que ce soit illégal, il s’en foutait bien. Qu’elle mette sa vie en danger, ça le dérangeait bien plus. « Ouais, parce qu’un coup dans les côtes, Maeng, c’est rien. Et j’imagine que ça peut être bien plus violent que ça, et dangereux. » Répondit-il, ne cachant pas qu’il s’inquiétait pour son amie d’enfance. « Un accident est vite arrivé si tu fais pas attention. Et vu les golgoths qu’il y a… C’est pas qu’un bleu ou une petite côte cassée que tu finiras par avoir. » Dit-il mais elle devait déjà savoir tout ça. « Mais tu sais déjà tout ça, j’imagine. Comme t’as déjà dû penser à ton frère, et ce qui lui arriverait si t’avais un accident grave. » Continua-t-il, son regard planté dans le sien. Il ne cherchait pas à lui faire la morale, même si ça en avait l’air actuellement. « Tu fais bien ce que tu veux, Maeng. Fais juste… attention à toi. » Finit-il par dire.

Et oui, ‘quand même’. Yeonghun n’avait pas la moindre d’idée de ce dans quoi il mettait le nez. De quoi elle gagnait à chaque victoire ou demi-victoire, mais aussi à ce qu’elle risquait légalement parlant si on apprenait son identité complète. Et finalement, Maeng était fière d’avoir gagné celui de ‘Bloody Elf’ au cours des derniers mois. Le surnom trouvé par les habitués lui donnait une certaine fière à l’idée d’avoir trouvé sa place dans le milieu, et une place de choix qui plus était. Réussir dans le domaine n’était pas donné à tout le monde, tout comme simplement s’en sortir sur des patins à roulette ne l’était pas. Maeng trouvait que Yeonghun prenait la chose avec bien trop de légèreté. Et si elle n’était celle à la challenger sur le sujet, elle avait à présent quand même bien envie de le voir se rater lamentablement la première fois. « Tu te trouveras des patins, je pense pas que les palmes qui te servent de pieds rentrent dans les miens. ». Et peut-être toutes les protections adaptées s’il voulait finir en un seul morceau ; cela dit, ce n’était pas vraiment le problème de Maeng au final. Tout comme ses petites activités illégales n’étaient pas le problème de Yeonghun ; elle était adulte, plus que lui d’ailleurs, elle était tout à fait capable de prendre ses propres décisions. Et certes, ils se connaissaient bien – mais pas au point où elle donnait le droit au garçon de le juger sur ses activités. « Aussi longtemps que j’en ai besoin. » répondit-elle avant d’enchainer sur le fait qu’elle prenait clairement un plaisir monstre à se mettre volontairement en danger. Maeng avait parfaitement conscience de combien le roller derby était risqué, pourtant cela ne l’avait jamais fait reculer. De façon générale, la jeune femme avait toujours pris le danger avec une certaine dérision – un recul qui pouvait être parfait effrayant pour son entourage. Maeng ne put s’empêcher de rouler des yeux en entendant le discours de Yeonghun. « T’es pire qu’une mère poule. » siffla-t-elle d’un air amusé et quelque peu moqueur du comportement du garçon. Il devait bien savoir pourtant qu’elle n’était pas du genre à écouter et que ses mots n’auraient que très peu d’impact. Comme il le disait lui-même ; elle faisait ce qu’elle voulait. « Il m’arrivera rien, sérieusement. Et au pire, je m’en remettrai. » continua-t-elle en haussant les épaules d’un air désintéressé. Ce n’était pas comme si elle pouvait y perdre la vie – personne sur le circuit n’était assez stupide pour laisser cela arriver. Pas que sa vie ait une quelconque valeur, mais un accident aussi grave était forcément signe de problèmes avec les autorités. « Woong peut bien se débrouiller tout seul, la seule qui est incapable d’être indépendante pour le moment c’est moi. ». C’était la triste vérité, celle qui la gênait tant – qui l’empêchait de dormir la nuit et la poussait à faire tant de choses à côté. C’était peut-être un complexe d’infériorité face à son frère au fond – d’être ainsi dépendante de lui alors qu’elle était la plus vielle, celle qui devait prendre soin de lui. « On n’a rien sans rien, Yeonghun. Alors s’il faut que je risque ma vie pour gagner un peu de thune ou arrêter d’être un boulet pour mon petit frère bah je le fais volontiers. » lâcha-t-elle d’un air dur. Maeng ne demandait à personne de se mettre à sa place pour comprendre, elle demandait juste à ce qu’on lui foute la paix pour exercer ses activités tranquillement. Amis ou non. « Quel est l’intérêt d’exister si c’est pour être un poids pour lui ou pour moi ? ». La cruelle réalité de ses pensées et de son état d’esprit, sa noirceur n’était pas nouvelle – mais probablement plus brutale avec l’âge.

Yeong Hun s’était lancé tout seul le challenge de rouler avec des patins à roulette. Il avait l’habitude rouler avec un skate mais là, ça allait être sacrément différent. Cependant, il était tout de même assez confiant. Un sourire naquit sur ses lèvres à la remarque de Maeng sur la taille de ses pieds. C’était clair qu’il avait de sacrés palmes par rapport à elle et il n’avait aucune envie de se détruire les pieds en enfilant les patins trop petits de la jeune femme. Et de toute façon, elle n’allait clairement pas l’y autoriser. « Ouais, non, clairement pas. Pourquoi t’as des pieds de minimoys franchement ? » Lança-t-il, blagueur, se permettant de la taquiner parce qu’il la connaissait bien, depuis le temps. Elle était une amie d’enfance et malgré son fichu caractère, ça n'avait pas empêché Yeong Hun de l’approcher et de se lier d’amitié avec elle. On avait dit bien des choses sur la demoiselle mais ça n’avait jamais effrayé le garçon. L’étudiant continua de questionner son amie sur ses activités quelque peu illégales. Combien de temps allait-elle continuer ça ? Apparemment, un bout de temps. « Hm, je vois. » Souffla-t-il simplement. Elle faisait bien ce qu’elle voulait, même s’il aurait aimé qu’elle prenne un peu plus en considération son inquiétude. Cependant, Yeong Hun la connaissait assez pour savoir qu’elle s’en foutait. Malgré tout, il se montra inquiet, pire qu’une maman poule. C’était ainsi et elle ne le changerait pas. « Ouais, je sais. Tout comme je sais que t’en as rien à foutre de ce que je te dis. » Soupira-t-il. Elle faisait ce qu’elle voulait, l’étudiant en journalisme le savait parfaitement. Mais, au moins, il le lui avait dit. « Ben, j’espère pour toi, Maeng. » Répondit-il, soupirant discrètement. Elle s’en moquait vraiment de se foutre en l’air et ça faisait presque peur de voir à quel point elle ne tenait pas à sa vie. Mentionnant le petit frère de la jeune femme, elle ne tarda pas à se montrer plus dur avec lui. Qu’importe, cet air dur ne lui faisait pas peur et ne l’arrêterait pas. Elle le savait parfaitement, non ? Depuis le temps qu’ils se côtoyaient… « Ah donc comme il peut se débrouiller seul… Tu peux te mettre en danger ? » Demanda-t-il. Une question qui n’en était pas vraiment une car il connaissait la réponse. Sa recherche d’indépendance allait bien trop loin mais il ne comptait rien dire là-dessus, parce que, dans tous les cas, elle allait l’envoyer sur les roses. « Et qui te dit que Woong te considère comme un boulet ? Tu lui as déjà demandé ? Ou alors, tu vas me dire que tu l’as vu dans son regard, c’est ça ? » Se moqua-t-il un peu. Elle n’en savait fichtrement rien, tout comme lui d’ailleurs. « Vu ton poids plume, tu ne dois pas peser beaucoup sur ses épaules. » Lança-t-il, sachant parfaitement que c’était bien plus noir que ça dans l’esprit de Maeng et qu’il tentait comme il le pouvait d’éclairer un peu tout ça. « Je sais très bien que, qu’importe ce que je dirais, t’écouteras rien. Mais, fais juste attention. Ne te fais pas chopper. » Dit-il à la jeune femme, parce qu’en dehors de Woong, ça le ferait chier aussi et l’inquiéterait de la savoir derrière les barreaux ou sur un lit d’hôpital. Il tenait à elle mais il n’en dit rien. Elle serait bien capable de lui rire au nez. « Ça fait longtemps que tu fais ça ? » Demanda-t-il.