just tell me everything's alright

Et finalement elles finirent par se détacher – tout du moins Malee relâcha un peu sa prise – tandis que Jina allait se chercher un mouchoir. La thaïlandaise se contenta donc de rester là, à moitié sur le lit, à moitié en l’air, à observer son amie et à attendre. Attendre surtout. Attendre toujours. Attendre que la miss reprenne la parole. Qu’elle s’exprime. Qu’elle parle. Ce qui ne tarda bien évidemment pas à arriver. Ne répondant rien – qu’y avait-il à répondre de toute manière – la wonsungi posa une main réconfortante sur le bras de son amie et releva la tête vers elle quand cette dernière lui posa une question. Que dire ? Oui elle le connaissait. Elle l’aimait bien. Ils étaient même allés au karaoké, peu de temps avant l’accident. Elle lui avait réclamé Bang Bang. Il avait refusé. Et elle ne pourrait même plus tenter de le convaincre à nouveau et de le faire craquer. Elle poussa un soupir. « Un peu... » commença-t-elle d’une voix faible. Elle allait continuer, donner quelques détails, mais elle n’en eut pas le temps. Son regard qui s’était perdu sur le lit, remonta lentement en direction du visage de Jina. Venant ensuite se ficher dans ses yeux. Tandis que les siens s’ouvraient en gros. Avait-elle mal entendu ? Evidemment. Il ne pouvait pas en être autrement. Si la sango était fiancée, elle le lui aurait dit. Bien sûr. Elle n’aurait pas pu lui cacher ce secret. Et pourtant… et pourtant… « Pardon ? Fiancée ? » Elle posait la question d’un air tout à fait idiot. Sous le choc, oui, elle l’était, c’était impossible de nier. Elle ouvrit la bouche. La referma. A nouveau. Comme une imbécile. « Ilnam c’était… c’était ton fiancé ? » demanda-t-elle d’une petite voix, pas plus forte qu’un chuchotement. Et pourtant son regard toujours plongé dans celui de Jina continuait de croire qu’elle avait peut-être mal entendu. Il y avait un souci. Un problème. C’était impossible. Elle refusait d’y croire. Elle le chuchota aussi d’ailleurs. Ce mot « impossible », elle était persuadée de l’avoir laissé franchir ses lèvres. Mais elle se le répétait tellement qu’elle n’en avait même plus sûre. Le souci était qu’elle avait beau dire, au fond elle savait bien que c’était la vérité. Elle se mordilla la lèvre et secoua la tête. Ça ne la regardait pas, après tout. Pourquoi se souciait-elle d’une telle histoire alors que son amie était dans un si mauvais état ?  C’était égoïste. Et elle s’en voulait de réagir – et de penser – de cette manière.  

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Elle les avait voulu, les explications, et maintenant elle les avait. Quoique peut-être n'était-elle pas prête pour ça. Néanmoins elle écouta. Ses yeux se baissèrent, fiant les draps du lit d'hôpital, tandis que Jina continuait son petit discours, racontant toute l'histoire. Tout du moins une partie, rapportée de manière décousue, quoique Malee n'ait eu aucune difficulté à remettre les morceaux en place, retraçant ses paroles pour en comprendre le sens. Elle comprenait oui. Après tout c'était facile à comprendre. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle approuvait. Au contraire. Les mots de Jina, mais surtout le ton qu'elle employait, firent dresser les cheveux sur la tête de la thaïlandaise. Au sens figuré. Elle fronça les sourcils et releva la tête vers son amie, les lèvres pincées pour bien montrer son désaccord. « Je rêve ou tu te sens coupable ? » Elle ne voulait pas s'appesantir sur les mensonges de sa camarade, ça ne servait à rien. Et puis elle était mal placée pour critiquer, étant peut-être une des personnes les plus secrètes de l'université. Oui, c'était un juste retour de bâton, elle devait le mériter. Le karma et toutes ces histoires. Elle poussa un soupir et secoua à nouveau la tête, de gauche à droite. « Tu pouvais pas savoir que ça allait se finir comme ça, Jina. » Petite pause. Elle réfléchissait. Son regard ne fixait plus son amie. A vrai dire il ne fixait plus rien. Dans le vague. Que pouvait-elle bien dire après tout ça ? La culpabilité était un poison, et elle refusait que la sango en souffre. Parce qu'après tout elle n'y était pour rien. Personne n'y était pour rien, probablement. Quoiqu'au final, Malee ne savait toujours pas ce qui avait causé l'accident. Peut-être Ilnam avait-il fait une erreur. Peut-être s'était-il laissé distraire. Peut-être que c'était quelqu'un d'autre, qui avait provoqué tout ça. La thaïlandaise ne savait pas et à vrai dire, elle n'aimait pas rester dans l'ignorance comme ça. Mais elle décida de laisser tomber et secoua encore la tête. « Et puis c'est pas grave, de ne pas avoir assisté à son enterrement. T'étais dans le coma, tu pouvais pas... et de toute manière je suis sûre que ça ne l'aurait même dérangé, lui, que t'y assistes pas. Il préfère probablement que tu gardes les meilleurs souvenirs de votre relation, et pas que quand t'y repenseras plus tard, tu ressentes à nouveau la douleur de l'enterrement. » Les enterrements étaient toujours durs. Toujours douloureux. Ça aidait les vivants à faire leur deuil. Mais ça laissait toujours un goût amer dans la bouche.

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Malee hocha la tête. Elle se leva du lit, retourna sur le fauteuil et récupéra sa position initiale, pieds sur l'objet, menton sur les genoux, dos contre le dossier, les bras entourant ses jambes. Elle se sentait bien dans cette position. Elle se sentait protégée. Mieux que si elle avait une peluche, on aurait dit qu'elle se faisait un câlin à elle-même et peut-être était-ce le cas, au fond. Plus qu'habituellement, la thaïlandaise manquait cruellement d'affection, ces derniers temps. Et traîner en boîte n'arrangeait pas la situation, loin de se sentir entourée, c'est quand elle prenait conscience de sa solitude qu'elle se sentait le plus mal. « T'es restée dans le coma plus d'une vingtaine de jours... presque un mois. Il peut s'en passer des choses en autant de temps tu sais, » dit-elle en haussant les épaules. Mais elle ne comptait pas les dire. Elle sentait comme une barrière entre son amie et elle, depuis qu'elle avait quitté le lit, comme si leur éloignement physique déteignait presque sur leur entente mental. Sauf qu'évidemment, il fallait ajouter à ça ce vague sentiment, qu'elle tentait de refréner et d'ignorer... ce sentiment de trahison ? Même elle n'arrivait pas clairement à mettre un nom sur ce qu'elle ressentait. Dans tous les cas, elle se doutait que ça venait en parti du malaise qu'elle ressentait. Elle ne s'était pas attendue à ce que cette rencontre soit aussi gênante. Elle ne s'était pas attendue à devoir tout dire elle-même. Malee regarda Jina. « J'ai croisé Hyojin, on a un peu discuté d'ailleurs. Et Minjee aussi. Et quelques personnes mais je dois t'avouer que je ne connais pas tout le monde. » Elle hocha la tête, mine pensive, à la recherche d'autres noms. Mais à vrai dire, avec les récents événements, après le tremblement de terre, la miss se doutait que tout le monde n'avait pas forcément l'occasion de venir voir la sango aussi souvent qu'elle. Il fallait avouer qu'elle, entre ses séchages de cours et la perte de son emploi, avait un peu trop de temps devant elle. « Les médecins t'ont quand même dit quelque chose ? Dans combien de temps tu pourras sortir, à peu près ? » Elle espérait que ce soit rapide. Parce que qui disait sortie, disait guérison. Et elle n'aimait pas voir son amie dans cet état lamentable, autant physique que moral.

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Malee regarda son amie avec un air curieux. Un sango ? Bien sûr, Jina étant verte, elle devait voir les siens mais… pourquoi un en particulier ? Qui était-ce ? Elle pencha la tête sur le côté, laissa sa camarade poser une nouvelle question, avant de finalement reprendre la parole. C’était vrai que Jina et Minjee ne se connaissaient pas. « Minjee, c’est celle qui a assisté à ton accident… qui a appelé les secours. Elle s’inquiétait beaucoup pour toi. Alors que vous ne vous connaissiez même pas. » Petit sourire. Elle avait trouvé ça touchant, cet attachement de la jeune femme envers une personne qu’elle ne connaissait même pas. Touchant et rassurant en un sens. Quand Malee avait parlé un peu à la sauveuse de son amie, elle s’était tout de suite sentie mieux. Certes elle n’avait pas été présente au moment du drame. Mais au moins Jina ne s’était pas retrouvée entre de mauvaises mains. « Et qui c’est ce sango dont tu parles ? Peut-être que je l’ai croisé oui… ou qu’il est venu une fois où j’étais absente. » Qu’est-ce qu’elle lui faisait donc encore comme cachotterie ? Un autre fiancé secret ? Bon, c’était impossible. Cessant de se concentrer sur ces pensées, la thaïlandaise agita lentement une main en direction de sa camarade. Elle ne voulait pas parler de ce qui s’était passé. Pas alors que Jina venait déjà de vivre un premier choc émotionnel. Deux en une journée c’était trop. Ou en tout cas en quelques minutes. Après tout, peut-être que Malee allait la faire attendre et finir par craquer et tout lui avouer. Ce ne serait pas étonnant venant d’elle, elle n’était pas difficile à amadouer. Ouais, une vraie femelette. « Je te raconterai tout plus tard Jina, arrête de t’inquiéter pour ça. Tu veux pas plutôt que j’te raconte des trucs joyeux ? » Quoiqu’il ne s’en était pas passé beaucoup, durant ce laps de temps. « Par exemple que j’ai enfin eu une discussion avec ton meilleur ami ? Il a l’air gentil. »

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Alors là… Si Jina espérait que Malee lâche l’affaire si vite, c’est qu’elle ne connaissait pas suffisamment bien son amie. Certes la thaïlandaise était le genre de fille à laisser tranquille les gens quand elle voyait qu’ils ne voulaient pas parler. Mais là c’était autre chose. C’était Jina. Et elle en avait déjà trop dit. La wonsungi ne voulait plus de secrets. Venant d’elle, c’était extrêmement étonnant, étant donné que les dissimulations faisaient partie intégrante de sa personnalité. Mais au fond elle voulait changer. Elle aurait aimé être plus honnête, plus franche, pouvoir tout dire, tout avouer aux autres. Elle voulait vivre en se moquant des regards extérieurs. Oh oui elle aurait aimé pouvoir enfin dire la vérité. Mais c’était trop tard. Elle était un cas perdu, en quelques sortes. Elle espérait juste que ce n’était pas le cas de sa camarade. « De qui tu parles ? » Elle voulait savoir, bien sûr. Elle en mourrait d’envie. Elle sentait son ventre se nouer dans l’attente. Et pourtant la conversation changea bien vite de sujet, tandis que la miss abordait le sujet Hyojin. Au moins ce sujet semblait rendre de l’aplomb à Jina. Mais forcément, quand on parle de son meilleur ami…  Après tout, Malee était pareille quand on parlait de ses proches. Il lui suffisait de lui dire les prénoms de personnes à qui elle tenait pour la faire sourire directement. Du moins la plupart du temps. « Bien sûr qu’il est venu ! Tu pensais vraiment qu’il allait te laisser ici ? Je pense d’ailleurs que tu vas recevoir un savon quand il va te voir… » Petit sourire, tandis que son regard s’abaissait, tombant sur ses mains. La droite semblait avoir pris son indépendance, s’agitant faiblement. C’était probablement nerveux. Néanmoins en remarquant ça, la thaïlandaise l’attrapa avec la gauche et serra ses mains l’une contre l’autre. Puis elle releva la tête. « Oh mais tu vas pouvoir sortir bientôt alors ! C’est chouette. Après tout ce temps passé allongée, sans bouger, tu dois avoir hâte de pouvoir enfin te dégourdir les jambes. » Malee espérait que tout allait bien se passer pour son amie, afin qu’elle puisse partir de cet endroit le plus vite possible. En seulement quelques semaines, la thaïlandaise avait fini par assimiler de terribles souvenirs à ces lieux. Elle ne pourrait probablement plus jamais y entré innocemment. Il s’était passé tant de choses. Tant de blessés. Tant de morts aussi. Tant oui. Beaucoup trop. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, hésite pas, je peux te ramener tout ce que tu veux, » reprit-elle, se dégageant de ses sombres pensées. Il fallait penser positif. Il fallait penser à la future sortie de Jina. Et oublier tout le reste. Alors la thaïlandaise se permit un nouveau petit sourire. Que pouvait-elle faire d’autre de toute manière ?