take your hand and walk away

Elle sortait. Comme tous les soirs elle sortait. Bouger son corps sur la musique pour oublier tous les reste. Boire quelques verres pour ne plus penser à rien. C'était grisant. C'était douloureux. Malee ferma les yeux un instant, dansant en rythme, s'agitant dans tous les sens. Elle laissait l'ambiance prendre possession de son âme, de ses membres. Elle semblait s'être plongée dans un autre monde, elle semblait avoir quitter la planète pour s'envoler au loin. Peut-être sur Vénus ou sur Mars. Mais la retombée sur terre fut terrible. La jeune femme releva les paupières. Son regard traversa à la rapidité de l'éclair les corps présents tout autour, qui se pressait contre elle, l'étouffait. Sous l'effet de l'alcool probablement, elle sentit son cœur s'accélérer, son souffle s'affoler. Elle fit une soudaine crise de panique, bouscule les gens, qui se rapprochaient encore plus d'elle en retour. Elle cria, cri noyé sous la musique. Tendant la main, elle chercha alors la présence de son amie. « Zian... Zian... » chuchota-t-elle, les larmes aux yeux, les membres tremblants. Mais elle ne la trouva pas. Personne. Enfin si. Trop de gens. Trop d'inconnus. Elle ouvrit la bouche en grand, en un hurlement muet cette fois-ci. La voix coupée dans son élan. Prenant un brusque élan en avant, elle poussa tout le monde, courant, se précipitant, avançant sans cesse. Elle étouffait. Elle mourrait. Elle avait besoin de sortir. Elle avait besoin de Zian. Où était-elle passée ? Pourquoi n'était-elle plus là ? Le monde tournait autour de la thaïlandaise, mais elle continua de bouger, se dirigeant vers la porte. L'atteignant enfin. Sortant à l'air libre. Un souffle sur sa peau, vent bienfaiteur. Malee sourit. Elle sourit comme une idiote, le visage tourné vers cette lune qu'elle ne voyait pas entre les immeubles. Elle rit, alors que tout tournoyait, alors qu'elle tanguait sur ses jambes. Comme un bateau en mer, elle fit quelques pas en avant, et puis elle tomba. Elle regarda d'un air curieux le sol qui s'était précipité sous elle, tandis qu'elle restait ainsi, à genoux. « Zian... » gémit-elle. Oui elle avait enfin retrouvé son but initial. Tournant la tête en tout sens, ce qui ne faisait qu'augmenter ses tourments en lui donnant en plus la nausée. Elle aurait aimé se lever, continuer à chercher son amie, mais elle ne pouvait pas, ses membres refusaient de lui obéir, et elle pensait que le moindre mouvement trop brusque risquerait de la briser en miles morceaux. Que le simple fait de se redresser était impossible. Alors elle resta là, ramenant ses jambes contre elle, assise à même le trottoir, dans une position fœtale des plus ridicules. Et elle gémissait et elle pleurnichait. Ne sortaient de sa bouche plus que des sons, les mots s'étaient évaporés dans sa tête. Pathétique petite fille, qui cherchait désespéramment les bras chaleureux de sa mère. Pathétique adulte, qui après avoir joué avec le feu, se prenait enfin le retour de bâton. Pathétique chose, qui craquait enfin après être restée stoïque toute sa vie.

the most loneliest day in my life

MALEE

take your hand and walk away

Une voix. Un contact. Quelqu’un qui se tenait à côté d’elle. Quelqu’un qui la prenait dans ses bras. Sans toutefois changer de sa position fœtale, Malee leva la tête vers l’origine du son. Yeux embués mais dont aucune larme n’arrivait néanmoins à s’échapper. Lèvres tremblantes. Cheveux indomptables qui s’échappaient dans tous les sens. On aurait dit une folle. Une folle ou une malade. Une maladie du cœur, une maladie qui ne trouvait pas sa guérison dans les médicaments. La maladie de celle qui avait trop aimé, aimé trop fort, qui s’était trop attachée, et qui maintenant subissait la perte. La disparition des êtres chers. La souffrance du départ. La solitude maintenant. Une solitude irrémédiable et implacable. Elle détacha lentement ses bras de ses jambes et vint les passer autour du cou de son amie, se plaqua contre elle, enfouissant sa tête dans son cou. Elle ne pouvait pas bouger plus, elle ne pouvait pas effectuer d’autres mouvements. Elle serait probablement morte si elle essayait. Parce que la tête lui tournait. Parce que son dîner menaçait de passer ses lèvres dans l’autre sens. Parce qu’elle souffrait trop. « Zian… » Un gémissement. Elle se sera plus fort contre elle, couinant comme un animal blessé. Mais au fond n’était-ce pas ce qu’elle était, un animal blessé ? Un animal blessé, meurtri, ensanglanté et abandonné sur le bord de la route. Ou pas abandonné. Pas totalement. Parce qu’il y avait encore Zian. Zian qui la tenait dans ses bras, Zian qui lui parlait, Zian qui était venue la chercher. Elle n’était pas seule. Plus maintenant. Pas encore. « M’abandonne pas… » reprit la thaïlandaise. Pauvre petite chose terrifiée. Terrifiée par la solitude, terrifiée par l’abandon, terrifiée par les gens. Elle voulait vivre, elle voulait être heureuse, s’assumer, s’attacher, créer des liens. Mais elle avait peur. Elle avait peur de cette souffrance qui se cachait derrière tout et menaçait de l’engloutir à chaque fois que quelque chose ne se passait pas comme prévu. « S’il… te plaît… » reprit-elle, d’une voix à peine audible, mangée par le ton tremblotant de sa voix. On aurait pu croire qu’elle pleurait. Mais elle en était incapable. Aucune goutte ne roulait sur sa joue. Depuis combien de temps n’avait-elle pas versé de larme ? Au lieu de ça elle se lamentait, elle geignait, comme un enfant qui retrouve enfin la chaleur rassurante de sa mère après des mois d’absence. « M’abandonne pas toi aussi… m’abandonne pas. » Pas comme les autres. Pas comme Hyorin qui avait quitté la ville sans donner d’explication. Pas comme Naomi. Pas comme Naoji et Ilnam, que la mort lui avait pris sans lui demander son avis. Non, reste avec elle toi au moins. Ne suis pas les autres, reste avec elle. Malee se blottit encore plus contre son amie. « Me laisse plus seule. » Elle se répétait, elle radotait, redisant la même chose dans une autre formulation mais elle n’arrivait pas à formuler de penser cohérente, alors parler ? Impensable. Elle se contentait donc d’exprimer sa peur, sa volonté, son envie de voir son amie rester avec elle. Elle ne voulait pas être seule. Plus jamais.