T'avais comme un besoin d'air. Comme un besoin de mieux respirer. Comme l'impression d'étouffer. Ici, là-bas, partout. Il y avait des jours plus compliqués que d'autres. Des pensées plus lourdes que d'autres. Il y avait des moments où tout allait bien, où tu ne pensais à rien – et d'autres où les questions revenaient et les souvenirs s'y mêlaient. Le chaos s'en suivait bien rapidement, te laissant dans une immobilité presque effrayante. Le regard dans le vide, t'avais cherché : des réponses, des questions, des indices. Quelque chose. T'avais rien trouvé. Et si tu décidais d'aller revoir tes parents. Ceux que tu considérais comme tels ? Etait-ce une bonne idée ? Tu avais tourné et retourné l'interrogation encore et encore. T'en crevais d'envie. Mais t'avais peur. Peur que les revoir te fasse mal – leur fasse du mal. Peur de vouloir fuir cette vie. De vouloir fuir celle que tu étais, ou n'étais plus. Alors t'étais sortie. T'avais enfilé ta tenue, pris ton sac et t'étais partie. T'avais songé aller faire de la boxe, d'abord, mais en enfilant ton haut tu avais changé d'idée. Tu avais mis les bonnes chaussures, celles pour t'accompagner durant une longue marche et tu t'étais arrêtée dans un coin de nature pour faire de la randonnée. Quoi de mieux que de ne faire qu'un avec la nature ?
Sauf que t'étais seule. Et même si l'air était agréable, tu sentais la solitude te taper l'épaule. Tu sentais les questions qui venaient se faufiler alors que tu avançais, t'arrêtant parfois pour observer le paysage. Tu sentais les réponses qui ne venaient pas – et cette frustration qui en résultait. Tu savais pas. Tu sauras jamais. « Oh bonjour. Je ne pensais pas croiser quelqu'un par ici », que tu dis au jeune homme devant toi, un son amusé dans la gorge. « D'habitude les gens ne vont pas aussi loin », tu te pinças les lèvres, les doigts agrippés aux lanières de ton sac à dos. « Un connaisseur, à ce que je vois », tu désignas sa tenue dans une esquisse. « Pas besoin de vous dire que le terrain est glissant alors », tu ris discrètement, reprenant ta marche, lui lançant un clin d’œil au passage. « Pas non plus besoin de vous parler des ours alors ? », que tu taquinas gentiment, jetant un regard par-dessus ton épaule. « Je peux vous montrer un coin sympa un peu plus haut, il y a une vue magnifique sur un lac. Vous connaissez peut-être déjà cela dit... », que tu disais tout en avançant. « Beaucoup de gens ont tendance à ne pas le voir. Il est trop caché par les arbres. L'eau donne juste envie de s'y baigner »