Un dernier coup de brosse dans tes cheveux, tu jetas un bref regard à ton reflet avant un hochement de visage, satisfaite. Tu enfilas ta veste, récupérant ton sac. Tu fis rapidement le tour de la salle, t'assurant que tu n'avais rien oublié et que tu avais bien tout rangé. Tu fis la même chose dans les vestiaires, au cas où. Il arrivait que des élèves oublient des affaires et tu préférais les mettre de côté, au cas où. Il n'y avait rien cependant. Tu quittas sereinement l'endroit, fermant la salle à clé comme tu avais l'habitude de le faire, saluant les derniers élèves et les derniers collègues qui passaient par là. Il n'était pas tard mais il n'était pas tôt non plus. Tu lisais la fatigue sur certains visages, le stress sur d'autres et t'étais bien contente d'avoir fini tes études. T'avais plus besoin de passer par toutes ces choses, par toutes ces épreuves stressantes et infinies. Tu ne pouvais que compatir alors, offrant un sourire rassurant en simple encouragement. Un souffle aux lèvres, tu passas lentement la porte, plaçant ton sac sur ton épaule et refermant ta veste. Tes prunelles tombèrent sur une silhouette non loin – silhouette que tu observas un instant, fixant le vide comme il semblait le faire. « Ton chauffeur n'est pas encore arrivé ? », demandas-tu, adorable et agréable comme toujours, l'esquisse posée sur les lèvres. Il n'était pas la personne que tu t'attendais à croiser à cette heure-ci. Tu le contemplas un instant, le visage faiblement penché avant de lever les épaules. Tu t'en fichais un peu de savoir ce qu'il faisait là.. non. Tu t'en fichais royalement, en fait. T'étais le genre à apprécier tous les élèves, même si tu donnais l'impression de l'inverse quand on te connaissait pas. Même si on pouvait croire que c'était pas le cas. Tu croisais souvent les élèves, tu discutais aisément avec la plupart même s'ils ne suivaient pas ton cours. Tu appréciais les élèves – sauf lui. Il y avait quelque chose avec ce type... T'arrivais pas à le cerner. Ou plutôt tu le cernais trop, justement. Tu savais pas vraiment. Il était mignon, certes, il était doué, sans doute mais sa personnalité était une toute autre chose. Tu savais que t'avais pas le caractère idéal – mais lui non plus. Au moins toi, t'étais drôle. Non ? Tu te trouvais drôle c'était le plus important. « C'est pas en fixant la route que tu vas bouger tu sais », articulas-tu lentement, observant vaguement les alentours, avant de lever les épaules. Tu lui jetas un dernier regard, les lèvres pincées, commençant à faire quelques pas, prête à rentrer.

Qu’est-ce que son manager foutait encore une fois ? D’accord, Jang Woo voulait bien croire qu’il y avait du trafic sur la route mais n’était-ce pas un détail que le jeune homme aurait dû prendre en compte avant de partir. Ce n’était pas faute de lui avoir déjà dit de calculer le temps nécessaire afin d’être là à l’heure, qu’il n’y avait aucune excuse pour un retard. Certes, il y avait toujours des exceptions néanmoins le trafic routier n’en était pas un ; son manager était censé qu’à cette heure là, les routes étaient toujours blindées. Lui-même n’avait pas besoin de conduire pour deviner cela. Un soupir agacé traversa ses lèvres tandis que, plaqué contre le mur derrière lui, il attendait patiemment, baissant quelques instants la tête à chaque fois qu’un élève franchissait les portes de la faculté. Il n’aimait pas spécialement avoir de cours du soir cependant avec son emploi du temps, l’acteur était constamment obligé de s’adapter et c’était le pourquoi il finissait tard aujourd’hui. S’il avait su, probablement qu’il ne serait pas venu… L’air commençait à se faire de plus en plus frais, l’être frileux qu’il était n’aimait pas ça, ne souhaitant pas tomber malade à cause de ce maudit manager. Ce dernier allait l’entendre, Jang Woo se promettait de lui faire passer un sale quart d’heure pour avoir osé le laisser planter là, se transformant petit à petit en glaçon à cause du froid qui s’intensifiait. Du mieux qu’il le pouvait, il tenta de s’emmitoufler dans sa veste, non pas sans replacer plus correctement l’écharpe autour de son cou.

Ses sourcils se froncèrent machinalement alors qu’une voix s’adressa à lui, une professeure avec qui l’entente n’était pas au beau fixe et, en toute honnêteté à ce sujet, le jeune homme s’en fichait complètement. « Je ne serais pas là si c’était le cas. » Sa question était quelque peu stupide ; ne le voyait-elle pas de ses propres yeux que, non, effectivement, son chauffeur n’était toujours pas arrivé. Puis, franchement, de quoi se mêlait-elle ? Depuis quand sa vie l’intéressait ? Ô, il se doutait bien qu’elle n’avait pas posé la question par pure intérêt, que cette dernière se voulait certainement sarcastique hors elle n’en restait pas moins idiote. Et comme un proverbe le disait si bien, on répondait aux imbéciles par le silence ; la raison pour laquelle Jang Woo resta silencieux à son autre réplique… Une réaction avec laquelle son corps, lui, ne parut pas être d’accord. Une douleur stridente le piquant au niveau du cœur, le faisant grimacer aussitôt tandis que ses doigts s’agrippaient instinctivement à son haut. Pourquoi fallait-il que cela arrive maintenant ? Et alors que vainement, il essayait d’ouvrir son sac à la recherche de ses médicaments, la douleur s’intensifia au point de le faire suffoquer et se courber. Bordel. La pression de ses phalanges à sa poitrine se fit également plus intense, espérant sûrement atténué cette horrible souffrance qui le torturait mais rien ne semblait fonctionnait. Et son abruti de manager qui n’était jamais là lorsqu’on avait besoin de lui, ce n’était pas croyable, à se demander pourquoi Jang Woo le gardait.  

Tu t'imaginais ton programme de la soirée. T'allais pas faire grand chose, en réalité. Tu ne comptais pas faire grand chose. Il était tard, tu n'allais plus te mettre à courir maintenant. Tu avais profité des moments libres dans ta journée pour danser librement, t'entraîner, inventer. Tu t'étais laissée porter par la musique quelques instants, te permettant ainsi de souffler avant de reprendre. C'était comme ça que tu faisais pour tenir, surtout quand la journée était longue. Pas que le métier ne te plaisait pas, au contraire. Il était juste très prenant alors tu te permettais ces instants de pause pour juste être qui tu voulais. Pour ressentir ce que tu souhaitais. La joie, la peine, l'incompréhension.. tu profitais d'être seule pour parler, hurler – sans que personne ne puisse t'entendre. Et ça faisait un bien fou. Alors non, pas de sport ce soir. Une petite soirée films, sans doute. Tu ne savais pas encore lesquels, tu verras au moment venu. Tu devras d'abord te faire à manger donc tu avais le temps d'y penser. Mais avant tout ça, tu devais retrouver ta voiture. Tu préférais la prendre quand tu finissais aussi tard, sinon tu prenais les transports. C'était aussi un moyen de te reposer, d'être seule en voiture. Pas que les gens soient spécialement bruyants dans les transports mais... seule, c'était parfois mieux.

« Smart ass », commentas-tu, le regard partant sur le côté pour l'observer avant de lever les yeux au ciel. Les gens ne pouvaient-ils pas répondre convenablement ? Et poliment ? Non. A croire que la bonne parole se perdait – et c'était toi qui disais ça, oui. Inspirant longuement, tu retins le souffle qui menaçait de te brûler les lèvres, secouant simplement le visage. Tu lui lanças un autre regard, le sourcil levé. Parce qu'en plus il t'ignorait ? Les jeunes de nos jours, c'était n'importe quoi – il était pas beaucoup plus jeune que toi mais détail. Tu t'étiras quelque peu, fouillant ensuite dans ton sac pour sortir tes clés. « Bonne soirée quand même », parce que t'étais polie, toi au moins. Et face au silence qui te répondait tu te tournas vers lui dans un air outré. Les sourcils froncés, tu l'observas, perplexe, les mots mourant dans ta gorge. « Qu'est-ce que tu fais ? », question bête sans doute mais t'étais un peu prise au dépourvu. Tu t'avanças vers lui. « T'as mal quelque part ? T'as besoin d'un truc dans ton sac ? », vu que tu le voyais titillait l'objet. Tu posas une main sur son dos, te penchant pour le regarder. « Je vais appeler une ambulance », parce que t'étais pas médecin, t'étais professeure de danse. Tu le fixas dans un air excédé. « Non ? Comment ça non ?? », t'avais bien compris au moins ? Tu supposais que oui. « Je te conduis à l'hôpital. Ma voiture est pas loin », tu pris les clés, appuyant sur le bouton pour indiquer son emplacement. Tu l'aidas à se lever, lui faisant comprendre de s'appuyer sur toi pour avancer. « On ne tombe pas dans les pommes et on ne vomit pas non plus sur la banquette arrière. Ce sera apprécié », et tu tentas d'avancer comme tu le pouvais, ouvrant la porte arrière comme tu le pouvais.  « Attention à la tête », dis-tu d'une traite avant de souffler encore une fois. « C'est parti... et oublie pas, pas de vomis ! », articulas-tu une fois installée, ton sac jeté sur le siège passager, le moteur ronronnant.

Pourquoi fallait-il que cela arrivait maintenant ? Les doigts crispés contre sa poitrine, le jeune homme ne parvenait pas à réfléchir correctement. Peut-être d’ailleurs que, si cette douleur ne l’avait pas attaqué de plein fouet, il aurait fait l’effort de répondre à ce « bonne soirée » néanmoins à croire que même le destin ne voulait pas il soit aimable avec cette demoiselle. Désespérément, il cherchait au fin fond de son sac sans parvenir à trouver ses médicaments. « Je ne les ai pas. » Répondit difficilement l’acteur, sans préciser de quoi il s’agissait tandis que respirer paraissait extrêmement compliqué. Il suffoquait à cause de cette souffrance qui le tiraillait violemment et il n’y avait rien qui semblait pouvoir le soulager. Cette main sur son dos, il ne la sentit même pas toutefois les paroles prononcées, il les entendit sans le moindre souci. Le pourquoi Jang Woo lui attrapa le poignet de sa main libre, tentant d’égarer ses iris en sa direction afin de l’arrêter dans ce qu’elle s’apprêtait à faire. « Pas… D’ambulance. » Etait-il donc prêt à crever maintenant ? Bien sûr que non, il tenait malgré tout à sa vie et il survivrait, il était bien plus fort que ça… Hors, si sa condition s’apprenait, cela attiserait de nouveaux problèmes, d’autres regards sur lui et, en aucun cas, Jang Woo désirait en arriver là. Par chance, Yura n’insista pas grandement puis, à dire vrai, ils iraient probablement plus vite en voiture qu’en attendant les pompiers. Sans daigner rechigner, il se laissa aider par la jeune femme, insultant encore et toujours mentalement son manager pour son absence, puis prit appui sur elle du mieux qu’il le pouvait, ses phalanges ne lâchant pas leur pression sur son haut. Dans d’autres circonstances, peut-être se serait-il amusé des propos énoncés hors, à cet instant précis, Jang Woo n’avait malheureusement pas la force de se lancer dans des profonds débats ; il se contenta simplement de l’écouter puis de pénétrer à l’intérieur du véhicule. « Je ne vais pas vomir. » Répliqua le garçon, marquant une pause dans sa phrase tout en s’exprimer. Parler lui paraissait tant interminable… Mais la jeune femme pouvait se rassurer, il n’allait pas salir sa banquette ; tout ce qu’il risquait en cet instant était, oui, sûrement perdre connaissance et, pire encore, voir son cœur s’arrêtait. Ce qu’il n’espérait pas alors il luttait, renforçant l’emprise de ses doigts pour ne pas se laisser influencer par la douleur mais, aussi, parce que c’était terriblement douloureux.

Le temps du trajet lui sembla extrêmement long néanmoins Jang Woo avait conscience que ça n’avait sûrement pas été le cas, c’était probablement juste une impression. En tout cas, c’était entier qu’ils arrivèrent à l’hôpital et, toujours avec l’aide de l’enseignante, ils pénétrèrent à l’intérieur de la clinique direction les urgences. Malgré sa souffrance, il avait tout de même le réflexe de garder sa tête baissée, ignorant ceci dit si des regards étaient posés vers eux. On l’installa sur un lit, camouflé derrière les rideaux, tandis qu’on l’auscultait puis lui posait tout un tas de question sur son état. « Appelez le Docteur Kwon » Demanda le jeune homme avec toujours beaucoup de difficulté, sans daigner répondre au reste. « … En cardiologie. » Précisa-t-il malgré lui, parce qu’il n’avait pas trop le choix et, tant pis, si Yura apprenait pour sa maladie. Elle l’avait aidé jusque là, elle l’avait accompagné et lui n’était pas en condition de lui ordonner quoi que ce soit. Cela l’embêtait, ça le faisait même énormément chier, cependant qui pouvait-il ? Il réfléchirait à tout ça plus tard, pour le moment le plus important était de sauver sa propre vie. Les grimaces de souffrance devinrent plus intenses, la pression de ses doigts également et, alors qu’un médecin contactait Monsieur Kwon, l’infirmière le plaça sous perfusion sous l’ordre de son supérieur. Selon elle, la douleur ne tarderait pas à diminuer, il pouvait donc être rassuré. Chose qui était plus facile à dire qu’à faire… Encore plus dans une situation comme celle-ci où tout avait l’air d’être contre lui et qu’il voudrait être capable de se faire tout petit.

Tu comprenais sans comprendre ce qu'il se passait. Les détails les plus importants t'échappaient un peu cependant tu arrivais à saisir la scène dans sa globalité. Il ne se sentait pas bien, pire, il avait mal et ne trouvait pas ce dont il avait besoin. Tu ne pouvais pas tenter de chercher pour lui, ignorant ce qui était nécessaire – et apparemment, il ne les avais pas. « Les » étant ce que tu ignorais mais tu supposais quelque chose comme des médicaments, pour l'aider à aller mieux. Tu ne savais pas quoi faire dans ce genre de cas, ayant que quelques notions de gestes à effectuer en premiers secours. Importants pour tes cours. Importants tout court. Dans des mouvements du visage, tu montrais que tu comprenais, qu'il ne voulait pas d'ambulance. Tu ne saisissais pas pourquoi mais tu ne cherchais pas à comprendre encore une fois. Il avait ses raisons comme tu avais les tiennes de ne pas insister, proposant alors de l'emmener toi-même à l'hôpital. Ce sera sans doute plus rapide, songeas-tu. Tu n'aurais pas su quoi répondre aux ambulanciers et le temps qu'ils arrivent, peut-être que t'auras eu sa mort sur la conscience. Peut-être. « T'as pas intérêt », râlas-tu, un regard dans le rétroviseur pour t'assurer de son état avant de conduire. Ca n'avait pas été une mince affaire que de le mettre dans ta voiture. La sportive que tu étais avait un peu galéré – t'avais réussi, heureusement. Le plus important était d'arriver rapidement, et tu pris soin de faire au plus vite sans pour autant conduire dangereusement. Le but n'était pas d'arriver à l'hôpital à cause d'un accident. « T'es encore avec moi ? », que tu lui demandas. « On est arrivés », précisas-tu pour essayer de le rassurer.

Tu l'emmenas à l'intérieur ensuite, laissant le personnel s'occuper du reste alors que tu observais en silence, expliquant à une infirmière que tu étais professeure. La raison pour laquelle tu étais sans doute là, derrière les rideaux, avec lui. Le sourcil faiblement haussé à l'entente de la spécialité du docteur, tu jetas un regard à l'étudiant mais pris soin de garder les lèvres closes. Tu restas dans ton coin, contemplant, remerciant l'infirmière qui se chargea de le mettre sous perfusion. « T'es mort ? », que tu demandas une fois que la jeune femme fut sortie. « T'as pas l'air. Cool », que tu soufflas, les mots tendres et rassurants, comme toujours. « Je pensais pas que ma BA du jour serait de t'emmener à l'hôpital. Comme quoi, la vie réserve bien des surprises », vins-tu articuler dans une esquisse, faisant mine de ne pas réellement faire attention – et pourtant tu observais ses expressions, la perfusion, les rideaux. Tu gardas le silence ensuite, restant simplement là. Juste au cas où. Il restait un élève, tu ne pouvais pas partir comme ça. T'allais attendre que le médecin arrive puis tu t'en irais. « Je dois prévenir quelqu'un ? », que tu demandas à Jang Woo, te rapprochant un peu du lit. « Ou l'hôpital se charge de le faire ? », tu ne savais pas comment ça fonctionnait. « Je reste jusqu'à ce que le médecin arrive et ensuite je m'en vais. Essaie de pas mourir entre temps », lanças-tu en te redressant, trouvant encore une fois les mots qu'il fallait. « Il est long à venir le médecin non ? », tu tapais à peine du pied dans un soupir discret, le regard glissant vers le tissu qui bougeait autour de vous. « Bonjour... Est-ce que c'est ton docteur ? Vous êtes le docteur ? Vous avez pas une tête de docteur. Encore moins d'un Docteur Kwon », tu te décalas, tentant de bloquer son champ de vision. Si c'était le médecin, tu t'excuserais mais t'avais un doute. « C'est ton médecin ? »

Jang Woo se sentait tellement mal que, non, il ne remarqua pas vraiment les difficultés éprouvées par la jeune femme à le déplacer jusqu’à sa voiture. Sa main ne quittait pas sa poitrine et, tout le long de la route, il n’avait plus dit un mot, son esprit figé sur cette douleur qui l’accaparait et dont il ne parvenait pas à se défaire. « Hum. » Répondit-il simplement une fois arrivé, la peur au ventre malgré tout ce qu’il pensait. Lorsqu’une crise l’attaquait, Jang Woo ne pouvait s’empêcher d’angoisser, d’imaginer le pire parce qu’il ne savait jamais quand serait son dernier jour et, oui, c’en était terriblement effrayant. Il ne voulait pas mourir. Emmené à l’intérieur, on s’occupa de lui immédiatement ; l’urgence de sa condition se lisait dans ses expressions, dans ses gestes et la pâleur affolante de sa figure. Très vite, on le brancha sous perfusion après avoir eu son docteur et l’avoir ausculté ; sous l’ordre de ce dernier, on lui fit également une échographie avant de lui installer un électrocardiogramme. Le médecin interne et l’infirmière partirent, l’acteur se retrouva à nouveau seul avec la jeune femme… La douleur diminuait lentement néanmoins son état restait frêle malgré tout, le pourquoi il fut silencieux à sa question, se contentant de l’observer en silence. Non, il n’était pas mort. Probablement survivrait-il encore à cette nouvelle crise. Jang Woo n’était pas dupe, il était en mesure de capter l’inquiétude de la demoiselle, malgré les mots durs qu’elle énonçait, parce qu’il voyait dans son regard les émotions qui la traversaient. Puis, surtout, rien ne l’obligeait à rester à ses cotés à présent qu’il était pris en charge par des professionnels. « Mon manager… » Finit-il par répondre faiblement, il était l’unique personne en qui il avait confiance et, ses parents, il ne souhaitait pas leur faire de souci inutilement. Il les connaissait assez pour savoir qu’ils seraient capables de débarquer et se faire remarquer dans tout l’hôpital ; Jang Woo préférait se passer de ça, c’était mieux ainsi.

« Je ne vais pas mourir… » Clama-t-il dans un léger sourire alors que Yura n’arrêtait pas de répéter ces mots. Des paroles qui ne le vexaient pas puisqu’une part de lui parvenait à comprendre d’où ils venaient et, peut-être aussi, parce qu’il lui était désormais redevable. « Il a certainement d’autres patients plus urgents que moi. » Une rétorque surprenante de la part d’une personne comme lui ; lorsqu’on le connaissait, on s’attendait généralement à l’entendre râler, à l’entendre riposter car c’était un scandale et que, avec sa notoriété, on devrait s’occuper de lui avant les autres. Sauf que Jang Woo n’était pas véritablement comme ça, particulièrement lorsque le terme santé était traité et qu’il savait où se trouvait sa place. On l’avait mis sous perfusion, on avait vérifié son état grâce à l’échographie, l’électrocardiogramme était branché sur lui actuellement, le docteur pouvait donc prendre un peu son temps. Puis, alors qu’il s’apprêtait à renvoyer l’enseignante, lui dire qu’elle n’avait pas à s’en faire et pouvait s’en aller, ils furent dérangés par un rideau entrouvert et le visage d’une jeune fille que l’acteur ne connaissait guère. Par réflexe, il tourna immédiatement la tête et, de plus bel, il pouvait remercier Yura qui le protégea à son tour en essayant de bloquer le champ de vision de l’inconnue. « Non. » Son médecin était un homme et, par-dessus tout, il n’était clairement pas aussi jeune. La panique le gagna de nouveau alors qu’il s’agissait certainement d’une fan qui l’avait reconnu, ou penser le reconnaître. De ses petits yeux sombres, il contempla la professeure, presque suppliant, parce que son manager n’était pas là et que, en cet instant précis, elle était la seule à pouvoir l’aider. « Tu peux la faire partir, s’il te plaît ? » Demanda-t-il avec une politesse étrange et tout aussi étonnante. Oui, on pouvait croire que c’était calculé, qu’il se montrait aussi gentil afin d’amadouer sa vis-à-vis hors, en réalité, il n’était même pas capable de réfléchir raisonnablement. Sa condition ne lui permettait pas de penser correctement, il était épuisé, il n’avait pas la force de se battre avec qui que ce soit.

Tu tentais de garder ton calme, supposant que te voir angoissée ne l'aiderait pas à se rassurer. Même si tu n'étais pas sûre qu'il soit encore conscient, tu ne pouvais pas te permettre de paraître angoissée pas vrai ? Puis ça ne ferait que faire augmenter ton stress, ça ne servirait à rien. Tu ne ferais plus d'erreurs en conduisant alors que tu préférais prendre ton temps mais sans trop le prendre non plus. Tu faisais attention, veillant à ne pas trop le secouer non plus. T'étais pas un monstre et même s'il n'était pas quelqu'un que tu appréciais, tu te permettrais pas de le balancer de tous les côtés. S'il avait été en bonne santé sur ta banquette arrière, là, oui tu l'aurais fait. Mais t'étais pas le genre à frapper un homme déjà à terre, ce n'était pas loyal encore moins logique. Arrivés  l'hôpital sans encombres fut plus rapide que tu ne l'avais pensé, laissant le personnel médical s'occuper de lui. Tu te décidas de rester jusqu'à l'arrivée du médecin, la chose la plus logique à faire en tant que professeure – mais aussi en tant que personne. « Okay. Ton manager », tu secouas un peu le visage. « Je vais devoir regarder dans ton téléphone », le prévins-tu, qu'il te dise tout de suite s'il ne le voulait pas. Téléphone que tu cherchas avant de lui montrer, le laissant décider encore une fois si tu pouvais ou non (et surtout qu'il te prévienne s'il y avait un code). Tu te demandas vaguement pourquoi il ne voulait pas prévenir ses parents et tu te souvins que tu l'aurais pas fait non plus. Les raisons étaient probablement différentes cependant.

« Ce serait mieux. Ca me peinerait d'avoir une morte sur la conscience », la paume sur le cœur, tu secouas un peu le visage, mimant un sourire. « Pardon ? Des cas plus urgents que celui de THE Jang Woo ?? », tu pris un air choqué, les doigts contre les lèvres alors qu'un souffle faussement surpris t'échappait. « Non, c'est pas possible. Ca n'existe pas ce genre de choses », t'étais pas actrice et heureusement. L'ombre d'un sourire aux lèvres, tu pouffas discrètement. T'étais pas bien sûre de reconnaître l'homme allongé sur le lit et tu préférais rire de tout ça plutôt que de partir trop loin dans tes pensées. Tu avais l'impression que le médecin mettait bien trop de temps à venir par contre. T'étais pas pressée mais tu voulais tout de même t'assurer que son état était sans danger. Tu voulais pouvoir partir rassurée – au lieu de ça tu préférais te plaindre jusqu'à ce qu'un visage apparaisse. « Non ? », tu fixas la jeune femme, croisant les bras, fronçant les sourcils pour appuyer ton mécontentement. Un bruyant « Uh » quitta tes lèvres alors que tu te tournais rapidement vers Jang Woo. « Qui êtes-vous et qu'avez vous fait de Jang Woo ??? », lâchas-tu, surprise, perplexe aussi. Tu fis signe à la jeune femme de reculer. « T'as rien à faire là, rentre chez toi. Si tu ouvres encore une fois ce rideau, j'appelle la sécurité », menaças-tu d'un ton sec, le visage froid avant de fermer le rideau. Tu soufflas, retournant près du lit. « Non sérieux », repris-tu, les sourcils froncés. « Qui êtes-vous. Qu'avez-vous fait de Jang Woo ? Le vrai est encore sur ma banquette arrière c'est ça ? », tu te pinças les lèvres, taquine. « T'es peut-être son fantôme. Ton fantôme est sans doute plus gentil », c'était la seule explication que t'avais ?? Tu souris quelque peu, amusée. « Ca te fait une tête bizarre de dire « s'il te plaît » … en plus des yeux du chat potté... C'est que tu serais presque attachant. Presque », tu ris discrètement, gardant le silence alors que le médecin venait de faire son apparition. « Docteur, je crois qu'il va très mal... il m'a dit « s'il te plaît » »

Jang Woo était de toute façon trop faible pour riposter sur quoi que ce soit. Le pourquoi il se contenta de hausser les épaules lorsque la jeune femme mentionna son téléphone, il n’avait rien à cache après tout. D’un signe de la main, il lui fit comprendre de le diriger vers lui afin d’inscrire le mot de passe pour qu’elle puisse contacter son manager pendant que lui se reposait… Epuisé, l’acteur l’était réellement et cela se lisait très certainement sur chaque parcelle de son visage. Probablement l’une des raisons pour laquelle le garçon n’agissait pas comme d’habitude, beaucoup moins sur la défensive, étrangement sympathique alors qu’il certifiait que, non, il n’était pas prêt de mourir. Décernant si facilement la moquerie sur la figure de l’enseignante, lui ne put que la juger de ses yeux sombres ; Yura n’avait sûrement pas tort cependant elle exagérait un peu trop dans ses réactions. Oui, il y avait des cas beaucoup plus urgents que le grand Jang Woo, il en avait parfaitement conscience contrairement à cette mauvaise attitude d’enfant gâté qu’il adoptait tout le temps. « Je ne suis pas con à ce point. » Souffla-t-il sans daigner rentrer dans les détails, il n’en avait pas la force. Et le destin, à moins que cela soit le fruit du hasard, ne voulait pas le laisser poursuivre non plus… Une demoiselle qu’il ne connaissait guère tenta de s’infiltrer derrière ce rideau qui cachait son lit, la panique l’accapara aussitôt tandis que la jeune femme qui l’accompagnait eut le bon réflexe pour protéger son identité. Personne ne devait savoir qu’il se trouvait à l’hôpital et encore moins en découvrir les raisons… Certes, il aurait pu au moins prévenir ses parents cependant ce n’était pas la première fois que Jang Woo se retrouvait aux urgences et il était désormais assez grand pour se gérer tout seul.

En cet instant précis, le seul individu à pouvoir l’aider, c’était Yura… Evidemment que, oui, lorsqu’il songerait plus tard à cet incident, il souhaiterait probablement se taper la paume contre le front toutefois, maintenant, Jang Woo n’eut guère le temps de trop réfléchir. Il était sincèrement exténué, il n’avait pas l’énergie de gérer une potentielle fan, il voulait uniquement sa tranquillité… Ce fut mécanique pour lui d’arborer ce regard suppliant, les yeux de chiens battus, et de demander à la professeure de lui prêter main forte. La réaction de cette dernière n’était pas surprenante hors elle lui fit malgré tout lever les yeux au ciel, blasé. « C’est ça, je suis un fantôme, je m’appelle Gasper bouuuh. » Déclara-t-il d’un ton sarcastique, positionnant brièvement – mais faiblement – ses bras devant lui afin de mimer ce qu’il répliquait. Un geste qui le fatigua toutefois un peu plus alors que son dos rejoignait à nouveau le lit, non pas sans soupirer. Un proverbe disait qu’il valait mieux répondre aux imbéciles par le silence donc il était préférable pour lui de se taire et ne pas surenchérir les paroles de la jeune femme qui appréciait se moquer de lui. Son docteur arriva enfin pour le sauver, rigolant à la rétorque de Yura sans pour autant la relever, se concentrant principalement sur la condition de son patient. Jang Woo lui expliqua ce qu’il s’était passé, quel genre de douleur l’avait attaqué et comment il se sentait. « Les examens sont normaux mais par précaution on va quand même te garder quelques jours puis faire des tests supplémentaires. » Sans chipoter, le jeune homme hocha la tête avant de le remercier. Ils échangèrent encore quelques instants puis le médecin s’échappa, les abandonnant à nouveau tous les deux. « Tu peux y aller maintenant, je vais survivre. » Certifia-t-il malgré la faiblesse de sa voix et la pâleur de sa figure qui, en quelque sorte, n’étaient pas réellement rassurant. En tout cas, la perfusion commençait à faire effet puisque la douleur s’estompait, laissant doucement place à une simple gêne. Cela l’embêtait sérieusement que Yura dût assister à tout ça cependant ce n’était pas comme si Jang Woo avait pu l’embêter, elle était la seule personne présente à ce moment là.

C'était ton devoir en tant que professeure. Tu devais être là pour les élèves, même s'ils n'étaient pas dans ta salle. Même s'ils ne touchaient pas à la danse, que ce soit de près ou de loin. Tu devais prendre soin d'eux car c'était ton métier, pas vrai ? Tu avais signé pour ça en signant ton contrat – et les professeurs qui faisaient le contraire n'en étaient pas vraiment, pour toi. Ils n'étaient là que pour une raison obscure mais pas pour le bien des élèves. T'étais là pour ça, en partie. Mais aussi pour partager ta passion de la danse, évidemment. « On dirait le contraire pourtant », affirmas-tu doucement dans un mouvement d'épaules. Si tu faisais à la tête du client, Jang Woo aurait été un élève que tu aurais laissé se débrouiller tout seul. Après tout, il le faisait très bien jusque là non ? Et il faisait clairement comprendre qu'il n'avait besoin de personne. T'aimais pas ce genre-là, ceux qui donnaient l'impression d'être supérieurs. Comme si on leur devait tout – alors que tu lui devais clairement rien. T'aimais pas toujours sa façon de parler et de te parler. Tu avais tendance à tenir tête aux personnes de ce genre. Sans doute parce que tu refusais de baisser le regard. Après tout, t'avais aucune raison de le faire. A bien le regarder maintenant, il faisait moins le malin. Et il devait être bien heureux que tu sois tombée sur son chemin ! C'était un contraste flagrant avec le Jang Woo que tu croisais d'habitude. Le Jang Woo que tu croisais d'habitude, il était « con à ce point ».

Et l'autre qui pouvait lui donner la main. Dans le genre « con à ce point » t'avais connu mieux. C'était quoi ce délire de vouloir ouvrir le rideau comme ça ? Surtout si elle n'était pas médecin. Elle n'avait pas l'air d'un médecin. Tu parvins à comprendre ce que Jang Woo te disait sans réellement le dire, l'aidant en bloquant la vue de la jeune femme. Mais la surprise était clairement visible sur tes traits. Jamais tu ne te serais attendue à l'entendre prononcer ces mots. Si t'avais su, tu aurais tout enregistré tant l'idée semblait folle et irréelle. Peut-être était-ce ton imaginer qui te jouait des tours ? Non, t'étais pas le genre à rêvasser ainsi. « Je me disais aussi. Ca semblait trop bizarre », tu soufflas bruyamment, imitant un faible mouvement d'épaules. Le coin des lèvres se leva dans une esquisse malicieuse alors que tu le contemplais. Un son amusé roula dans ta gorge alors que le vrai médecin arrivait enfin. Tu restas sur le côté, attentive et silencieuse, écoutant soigneusement les mots du professionnel. Les prunelles allant d'un visage à l'autre, tu semblais tenter de comprendre les silences avant de le remercier, te courbant poliment alors qu'il s'en allait. Le regard tombant sur Jang Woo, tu souris. « Il est où le mot magique », tu lui offris un grand sourire avant de rire. Dans un état de fragilité, il utilisait la politesse. C'était dingue quand même, t'étais pourtant persuadée qu'il ignorait ces mots. « Repose toi bien », assuras-tu avant d'ouvrir le rideau... pour le fermer. Tu l'ouvris à nouveau, perplexe, avant de le fermer. « Je viens de me découvrir un talent pour voir les fantômes », tant de choses en une journée. Tu rouvris le rideau. Encore. « Qu'est-ce que tu fais encore là toi ? », tu désignas la porte dans un air mécontent. « Dehors ! Oust ! Du vent. Qu'est-ce que tu comprends pas dans « t'as rien à faire là » ? Tu veux un dessin ? », et tu refermas le rideau dans un souffle agacé. « C'est quoi le numéro pour la sécurité ? », demandas-tu à Jang Woo dans un chuchotement confus.  

Probablement que dans d’autres circonstances, Jang Woo aurait riposté ou l’aurait au moins foudroyé du regard pour oser émettre une telle réflexion. Hors, il n’avait pas l’énergie de se chamailler ce soir, il n’avait pas la force de se prendre la tête ni de réparer son masque qui semblait s’être brisé. Le silence était tout ce qu’il lui donna, détournant son regard ailleurs dans la pièce plutôt que s’entêter à lui répondre. Bien qu’il était toujours le premier abruti, toujours le plus désagréable, non, il n’était pas stupide à ce point… Peut-être parce que justement il fréquentait les hôpitaux depuis sa plus tendre enfance, il s’agissait d’un endroit familier mais dans lequel il souhaiterait plus que tout arrêter de mettre les pieds. Malheureusement, une telle situation n’était pas prête d’arriver et, désormais, lui ne pouvait faire qu’attendre après son médecin. Médecin qui ne fut pas son apparition en premier mais une demoiselle qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam, une demoiselle qui pensait sûrement l’avoir reconnu et qui risquait de lui créer des ennuis si elle persistait à sa défense. Chanceux, Jang Woo pouvait s’estimer l’être, parce que l’enseignante l’aida rapidement, saisissant ce qu’il désirait même s’il avait dû lui demander de l’aide pour ça. Evidemment que la jeune femme avait de quoi être surprise, il était à des années lumières de l’homme qu’elle avait l’habitude de croiser, il n’était qu’un pauvre enfant perdu et décontenancé en cet instant, un enfant qui espérait pouvoir rapidement faire oublier toute cette histoire puis retrouver son train-train quotidien. En attendant, il agissait à l’opposé de son habitue, allant même jusqu’à imiter un fantôme cependant le garçon fut enfin sauver par son docteur qui arrivait. Ce dernier l’ausculta, échangea quelques mots avec l’acteur, précisant même qu’il était préférable de rester plusieurs jours à l’hôpital, afin de s’assurer de ne rien manquer.

Son sourcil s’arqua machinalement à la rétorque de la jeune femme, ne saisissant pas réellement où elle souhaitait en venir alors qu’elle lui parlait de mot magique. Il ne fallait pas non plus exagérer et il était assez épuisé comme ça, à choisir, il aimerait qu’on le laisse tranquille puis qu’on cesse d’employer ce ton légèrement moqueur qui ne lui plaisait guère. Le pire était certainement que Yura continua, ouvrant le rideau pour le refermer, pour dire une énième connerie et lui ne put que lever les yeux au ciel, non pas sans soupirer. Se rendait-elle compte à quel point son attitude était ridicule ? Elle ne faisait rire qu’elle. Des réflexions qu’il oublia aussitôt celles-ci arpentaient son esprit à cause de la montée soudaine de stresse éprouvée par la présence de cette fille qui n’avait toujours pas décampé. Où se trouvait son abruti de manager ? Il n’était jamais là quand on avait besoin de lui celui-là, Jang Woo ne cessait d’y songer tant c’était problématique à ce moment précis. « Je ne le connais pas. » Déclara-t-il, penaud. Comment était-il censé le connaître ? Il n’était pas celui qui gérait ce genre de situation habituellement. « Il faudrait avoir avec quelqu’un de l’hôpital. » Il y avait bien des employés aux urgences non ? « Elle ne doit pas rester là… » Ajouta-t-il dans un faible souffle, sincèrement exténué entre ses soucis de santé et toute la pression éprouvée par de telles circonstances. « J’ignore ce qu’elle veut. » Certainement une photo, un autographe ou une curiosité malsaine, rien qui ne le mettait à l’aise en somme. Les aléas de la célébrité, dirait-on, hors lui ne pouvait que maudire ce genre d’individus qui n’étaient pas en mesure de se tenir correctement.