Elle sautille sur place comme un haricot. Comme c'est compliqué la mode ! Il faut s'habiller en accord avec ce que la saison dicte sans que ce soit nécessairement en phase avec les températures effectives.

Par exemple, sa colocataire lui avait expliqué qu'une petite robe blanche comme celle qu'elle portait, surmontée d'un perfecto un peu large, un peu boyish, assorti d'un choker et de bottines inspirées de l'esprit Doc Marteens était un style plutôt très tendance en ce moment— quoi qu'il était plutôt de niche et qu'à moins d'être dans sa folle jeunesse, mieux valait encore ne surtout pas s'y risquer !

— Attention les yeux ! esprit Vogue. A peine la porte s'était-elle ouverte que Ruby avait achevée de la pousser contre le mur adjacent pour s'immiscer dans l'appartement de son amie. La tête haute, les épaules roulant avec une théâtralité excessive et ses pieds qui s'alignaient l'un devant l'autre dans un axe quasi-parfait lui donnait une drôle de démarche.

A mi-chemin entre une descente de podium et une envie pressante.

Lorsqu'elle s'arrête au milieu de l'entrée, c'est pour remarquer avec effroi que ses chaussures sont toujours sévèrement lacés à ses chevilles. — J'AI OUBLIE ! JE SUIS DESOLEE ! Ainsi, l'esprit Vogue s'était envolé.

Précipitée en un rien de temps jusque dans l'entrée, elle s'était alors déchaussée, le rouge au joue et dans une confusion qui ne semblait plus vouloir la quitter.

Puis, elle s'était redressée, ses chaussettes glissant naturellement contre le parquet délicieusement chauffé.

— Tu n'aimes pas ? Tilly a dit que ça m'irait bien… elle a dit que je pouvais prendre tous les vêtements que je voulais dans son armoire ! J'ai un peu de mal à y croire… ma grande sœur détestait quand je faisais ça.

Ses yeux clignent plusieurs fois avant que son focus ne change pour balayer d'un vaste regard la pièce qui s'offrait à elle.

— Il est où ? Oubliés les cookies et les accolades, les comment vas-tuuuuu auxquels s'ajoutent les alors quoi de neuf !

Ce que Ruby cherche est étendu de tout son long sur l'assise d'une chaise qu'elle repère en un clin d'oeil.

Elle couine, assez fort pour que ce soit entendu et perçu comme le cri d'une petite groupie, mais pas assez pour en inquiéter le staff de la superstar tendrement lovée.

— Skkrrrrrr. La jolie brunette s'agenouille devant le chat noir, pas assez discrètement pour ne pas se faire remarquer mais frétillant ses oreilles à l'affût du danger, lorsqu'il remarque finalement qu'il n'y en a aucun, Kuro décide de l'ignorer pour s'en retourner au Pays des Merveilles.

Alors, Ruby glisse ses doigts sur le haut de son crâne pour le caresser en guise de salutations et se relever. — On fait quoi aujourd'hui ?!

Les épaules s'affaissent tandis que le sourire lui en tombe. — Être dans le coup ? Mais personne ne dit ça. Les sourcils se haussent et le coin des lippes s'étire en l'absence de tout sourire. Thaliaaaa ! L'Esprit Vogue ! Le magasine de mode américain ! Vogue!! Elle pourrait s'égosiller de ne pas être suffisamment comprise mais résume à reprendre le cours de son défilé une fois les boots à ses pieds abandonnées dans l'entrée.

Portée par un boost de confiance directement induit par les douces flatteries, elle pivote d'un tour sur elle-même, les courbure de sa robe se soulevant joliment dans une forme d'arabesque. — Tu trouves ! Je suis pas super à l'aise pourtant mais on dirait pas hein ? C'est parce que je fais attention. Tout comme elle prête une attention toute particulière à articuler le mot d'une façon qui soit à la fois pure et élégante. Il y avait du vent quand je suis venue aujourd'hui. Hé bah c'était la galère ! Confesse-t-elle en fronçant les sourcils, ses mains agrippant les coutures de la robe pour la maintenir contre elle et imiter sa posture rigide tout du long depuis le campus universitaire jusque chez elle. Je sais pas si j'en mettrai plus souvent. Peut-être ? Je verrai ! Mais si toi aussi tu dis que je suis très jolie alors je vais sérieusement y penser. Mais plus tard. Pas tout de suite parce qu'elle est déjà en quête du petit chat qui termine sa sieste à l'abris des regards indiscrets, sur l'assise d'une chaise repliée sous la table. Ben tu vois... moi ma soeur elle sait vachement bien me dire non hein. Puis y'a Kangmin aussi ! lui il sait dire que ça, la prochaine fois je lui proposerai un ni oui ni non... mais même ça il dirait non.

Elle babille, elle babille, le bout de ses doigts caressant le haut du crâne du petit chat avant de le laisser se reposer. — J'adore les cookies ! Elle virevolte en suivant le tracé de Thalia dans ses moindres mouvements. Et les milkshakes au chocolat. Elle acquiesce de plus en plus fort comme secouée par un sugar rush. Mais s'ils sont pas au chocolat ça me va aussi. Elle n'est pas bien compliqué dans le fond.

— C'est une habitude maintenant, ça dérange pas ton voisin qu'il soit tout le temps là ? Demande-t-elle à l'air ingénu en pointant Kuro du bout de son doigt. C'était curieux tout de même et Ruby était justement très curieuse.

Ruby la fixe, nullement impressionnée. Il lui semblait évident qu'elles avaint affaire là à un choc générationnel, ce qui était troublant, en plus d'être inquiétant.

— Bah on a le même âge, ne peut-elle s'empêcher de faire remarquer. Et bien qu'elle eut encore un peu de mal à s'adapter au système très étrange avec lequel les coréens se vieillissaient plus que le nécessaire, si elle était bien certaine d'une chose, c'est que Thalia et elle étaient de la même année. T'es peut-être déjà vieille dans ta tête alors. Faut traîner avec des gens de ton âge, Thalia ! Son regard pivote instinctivement vers le chat qui occupait la chaise. Lui il a au moins cent dix ans en âge chat, ça aide pas.

Elle avait alors réfléchis à porter des robes plus souvent. Elle lui disait que oui, puis que non, mais que seulement si elle voulait, sauf si elle voulait pas… ce n'était pas très clair comme explications.

— On a qu'à dire que j'en mettrai si j'ai envie ! Comme si elle ne venait pas de résumer en une phrase tout ce que Thalia s'évertuait (pourtant très distinctement) à lui dire depuis les cinq dernières minutes. Mais j'ai pas de robes. AH SI ! Je crois que j'en ai peut-être une. J'irai en acheter. Puis, elle fronce les sourcils et laisse glisser le perfecto noir de ses épaules pour le poser sur le dos de la chaise sur laquelle le chat faisait sa sieste. Mais un autre style. Je sais pas encore lequel. J'essaierai ! Je verrai. Et pas la veste en cuir, je trouve que ça me va pas. Tu trouves que ça me va ? Elle dit tout ça en rejoignant Thalia d'un pas sautillant à la cuisine.

— C'est exactement ça, oui ! S'exclame-t-elle lorsqu'elle évoque à son tour Kangmin. Tu le connais bien. Il est exactement comme ça. Elle félicite en s'approchant de l'évier pour mettre un peu de savon sur ses mains et les passer sous l'eau. Mais moi je l'aime bien comme ça. Elle referme l'arrivée d'eau et remue ses mains dans tous les sens pour faire gicler partout des petites gouttes d'eau qui rafraîchissent.

— Je suis prête ! Elle s'approche de son amie tout en opinant à ce qu'elle lui racontait. C'est drôle quand même. Il est tout le temps chez toi ! Peut-être qu'il te préfère ? Ou alors c'est un genre de... petit cupidon ! Il est sympa, Woong ? Finit-elle par demander en regardant de plus près (de trop près) la plaquette de chocolat que Thalia venait de sortir pour faire les cookies.