ootd  —   Résonne dans l’auditorium le dernier triolet de premier mouvement de la cinquième symphonie de Beethoven retranscrit au piano par Liszt. La pianiste retient son souffle tant que vibre encore dans cette immense pièce l’écho du dernier accord ; toutefois son esprit, tantôt vide lors de cette prestation sans public, se trouve assailli de différentes émotions quand une douleur vive la force à quitter sa position droite. Sa main gauche se presse contre son estomac, tandis que l’autre se crispe sur les touches d’ivoire. Figée comme pétrifiée, elle se redresse pour prendre de profondes inspirations, essayer de calmer les contractions douloureuses de son estomac. Dans cet état, seul le temps pouvait faire passer ces nausées qui la prenaient, ou alors le piano car lorsqu’elle jouait, comme transcendée, elle oubliait. Passant sa main dans ses cheveux défaits pour les nouer en une queue de cheval haute à l’aide de l’élastique qu’elle avait autour du poignet, elle se repositionne au-dessus des touches noires et blanches. Fredonnant les premières notes comme pour se remémorer de la mélodie à suivre, elle commence à pianoter les premières mesures de Fauré, Romance sans paroles, avant qu’elle puisse arriver à la partie la plus expressive en crescendo, un bruit la coupe dans son élan – ses doigts se font alors lourds sur la clavier, maintenant les notes qu’elle venait de jouer. « La salle est réservée » déclara-t-elle froidement en se levant en direction de la porte, veuillez partir. Aucun nom ne suivait le sien lorsqu’elle avait émargé la liste pour réserver la salle, et elle était certaine que même si cela avait été le cas, les deux heures qui lui appartenaient ne s'étaient pas encore écoulées. Sa main gauche se porte à nouveau contre son abdomen. Elle déteste être interrompue.

ootd  —   Elle n'avait aucune envie de rentrer chez elle. Revoir ses parents. Constater la déception dans leurs yeux. Les entendre parler de son prochain mariage, imposé pour qu'ils puissent avoir l'impression de toujours pouvoir contrôler sa vie. Son seul échappatoire, la musique. Alors avec son étui à violon dans les mains, elle s'était tout simplement dirigée vers l'auditorium. Sans même vérifier les réservations de la salle. Et peut-être aurait-t-elle dû, mais ses pensées étaient déjà bien loin. Si elle avait fait attention, elle aurait pu entendre une mélodie s'échapper de la pièce vers laquelle elle se dirigeait. Alors peut-être qu'elle aurait fait demi-tour, trouver un autre endroit dans lequel jouer. Quand elle ouvrit la porte, quelqu'un se tenait juste devant elle. "Oh, je suis désolée." Alors qu'elle s'apprêtait à refermer la porte et s'en aller, elle remarqua l'inconfort dans lequel semblait être la jeune femme. "Vous allez bien ?" Sa voix était calme et douce mais dans laquelle on pouvait entendre pointer une note d'inquiétude et de préoccupation. Elle fronça les sourcils en observant la jeune femme devant elle. Elle la connaissait, de visage tout du moins. Elle l'avait déjà aperçu dans le club de musique, quand il fallait remplacer le pianiste. Pour autant, elles ne s'étaient jamais adressé la parole. Pas plus que pour échanger les formules de politesse les plus basiques. Mais Sooah se voyait mal faire demi-tour alors qu'elle semblait ne pas se sentir bien.  

ootd  —   Une voix se détache de l’obscurité, le son lui semble à la fois familier qu’étranger ; ce n’est que lorsque la silhouette sort de la pénombre, que les lumières de la scène se reflète enfin sur son visage que Myeongwol la reconnait. Une violoniste du club de musique où elle intervenait à chaque fois qu’il lui fallait remplacer la pianiste-accompagnatrice principale, un rôle qui lui convenait dans la mesure où il lui laissait une certaine flexibilité tout comme l’occasion de jouer en orchestre. Si pendant longtemps les projecteurs étaient rivés sur elle lors de compétition ou de représentation, avoir du recul lui convenait – elle apporte la dernière touche qui manque au tableau, celui qui relie les différents instruments. Pour autant, lors des répétitions, c’est principalement avec le chef d’orchestre qu’elle discutait, et occasionnellement, avec le premier violon - et présentement, celle qui lui faisait face ne tenait pas ce titre. Peu importe qu’elle détienne ou non la position, qu’elle fasse partie du club ou non, les traits de la pianiste ne se détendirent pas – parfaitement neutre, bien que dans sa voix résonne une certaine froideur.

« Êtes-vous là pour répéter ou me cherchiez-vous en particulier ? » répondit-elle avec une élocution claire, esquivant soigneusement la question tantôt posée dans la mesure où elle détestait, de manière générale, afficher ses faiblesses, une habitude. Si elle change de sujet, pour autant, la réponse l’intéresse malgré tout dans la mesure où justement, elle a été appelé pour rejoindre les répétitions de l’orchestre – peut-être, souhaitait-elle avoir des précisions, ou alors, était-ce véritablement une erreur de sa part. La jeune femme détaille son interlocutrice du regard, elle n’est pas certaine de connaître spontanément son prénom – Soo Ah ?

ootd  —   Elle reste un instant interdite, tentant de puiser dans sa mémoire le nom de la jeune femme qui lui faisait face. Elle la connaît, c'est certain, et elle sait même d'où, pour autant, son nom n'arrive pas à lui revenir. Mais c'est quand son interlocutrice prend la parole et la sort de ses pensées que le nom lui apparaît Myeongwol. Elle lance un bref regard derrière la jeune femme, observant pendant un court instant la salle avant de retourner son attention sur Myeongwol. Si elle n'a définitivement pas envie de rentrer chez elle ou d'errer sans but dans l'enceinte de la Yonsei, elle n'a pas non plus envie d'imposer sa présence à la jeune pianiste. "est-ce que… je pourrais rester jouer ici, t'accompagner au violon peut-être ?" Elle pince ses lèvres et resserre son emprise sur la poignée de son étui à violon, attendant sa réponse. Elle lui propose un partenariat silencieux, dans lequel résonnerait seulement les notes de musique. Pas de question, pas de discussion autre que le choix de la chanson. Elles ne sont de toute façon, l'une comme l'autre, pas réellement prédisposées à la conversation de "salon". Celle qui comble le vide mais qui est dénuée d'intérêt. Et ces conversations-là, Soo Ah a beaucoup de mal à les maîtriser.

Finalement, la gêne la rattrape bien vite, avant même que la pianiste ne puisse lui répondre. Elle préfère encore s'en aller et supporter ses parents que de déranger Myeongwol. "ah je suis désolée, c'est pas grave. Je vais te laisser. Désolée encore de t'avoir dérangé !" une petite lueur d'espoir brille pourtant dans son regard, si la jeune femme lui assure que sa présence ne l'embête pas, elle est même prête à se caler dans un coin, sans bouger et sans faire de bruit. Tout pour ne pas devoir faire face à ses géniteurs.