Tenue|Tu ne saurais pas dire si c’est parce que tu as passé toute ta vie dans ce quartier ou si c’est juste pour ce qu’il est et les émotions qu’il te fait ressentir mais tu as toujours préféré Itaewon à n’importe quel autre endroit de Séoul. Pas toujours facile de passer tes nuits au dortoir; loin d'ici.
2023, une année écoulée à regarder ta vie défiler, la mettre de côté, ne faire que travailler. Dans le passé, les fois où tu sortais, tu as rarement pris le dernier bus ou le dernier métro, plutôt le premier au petit matin. Dans le présent, l’inverse pour être première de la classe. Au moins, tu y es arrivée; sourire et souffler. Souffler fort, ce soir c’est la nostalgie et le manque qui te font sortir de ton lit au beau milieu de la nuit et pas le besoin de regarder film sur film à en tomber de fatigue. C’est le sommeil qui ne veut pas venir entre des envies de rires et de danser sous les néons colorés. Alors, tu te fais belle, comme on dit, les phalanges qui pianotent sur le téléphone tactile, kakaotalk et taxi.


Danse danse sous les lumières artificielles d’un club de la rue la plus touristique d’Itaewon. Rue qui ne dort jamais ou peut être bien qu'en journée. Au milieu de la piste, comme seule au monde; t’as jamais eu de problème à t’amuser seule. Gin tonic dans la main, corps qui se déhanche au rythme des basses. Les yeux qui se ferment un instant, se rouvrent en sentant une présence; t’as jamais compris pourquoi la solitude fait tant pitié ? « Bonsoir, je peux t’aider ? » Tout c’que tu trouves à dire à cette personne qui te fait face, continuant à danser.  

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Tenue| Les épaules s'abaissant furieusement alors que tu t'arrêtais tout aussi sèchement, tu manquas d'être emporté par les personnes derrière toi, te décalant dans des excuses muettes. Les lèvres pincées, les pupilles vinrent se perdre sur les nombreux visages autour de toi – et tu n'en reconnaissais aucun. Peut-être que ça n'avait pas été une si bonne idée de venir avec tes camarades de classe. Tu te doutais bien que ces deux-là seraient rapidement occupés ailleurs, te délaissant dans un coin. Chiot perdu, tu errais ici et là sans trop savoir où tu allais – ni vers qui tu allais. Quand tu passais reconnaître quelqu'un, tu remarquais une fois bien trop près que tu t'étais trompé. Et tu devais repartir avec discrétion. Sauf que la discrétion n'était pas ton fort et tu avais manqué de trébucher plus d'une fois sous la gêne ou la panique (ou les deux). Mais te voilà bien avancé – et surtout bien paumé. Plus le temps passait, et plus tu restais là à observer, plus tu avais l'impression que la foule grossissait. Encore et encore. Nuage de visages qui ne faisait que remuer au rythme d'une musique que tu ne connaissais pas. Chaque visage était différent et pourtant bien identique. Et sous les lumières, tu n'arrivais finalement plus à reconnaître personne, terminant ici, droit comme un piquet, les lèvres pincées. Comme le gosse qui ne trouvait plus sa mère dans les rayons du supermarché.

« Bonsoir », que tu répondis, clignant des paupières avant de tenter un sourire. Par chance, tes pommettes rosies ne seraient peut-être pas visibles. T'avais réussi à quitter ton coin pour t'aventurer un peu plus loin. Et te voilà ici, face à une inconnue. Pourquoi elle et pas quelqu'un d'autre ? Aucune idée. Elle avait l'air seule, et surtout, elle avait l'air gentille. « De loin je pensais que je te connaissais mais... en fait non », expliquas-tu, la tête faiblement penchée sur le côté. Tu restas muet un instant, lueur crédule dans les pupilles alors que tu redressais le visage, soudainement alarmé. Et tu agitas les mains devant toi. « Je drague pas. Promis », tu voulais la rassurer... A savoir si tu la rassurais vraiment, ça... c'était autre chose. « Je suis juste perdu. Je suis venu avec deux camarades de classe mais... », tes doigts vinrent se tortiller entre eux. « Je suppose que tu ne les pas vus ? Bruns, de cette taille environ », et ta paume désigna alors une taille – celle de la moitié des hommes autour de vous, quasiment. Tu restas silencieux, observant, contemplant – du haut de ta taille, tentant d'apercevoir plus loin encore. « De dos tout le monde se ressemble vraiment », parce que la jeune femme un peu plus loin lui ressemblait de dos. « Je m'appelle Chan Hee, et toi ? »
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Tenue|Se faire la belle au beau milieu de la nuit; être belle sous les néons à minuit. Tout oublier entre deux déhanchés, les études, les amitiés, la vie hors de ce nightclub. Ne plus penser ou alors qu’à soi dans un lieu ou le soi est un tout. Une masse d’entre soi, silhouettes illuminées puis perdues dans le noir, remplacées par d’autres  lorsque les lumières colorées se rallument. Ne pas regretter de s’être fait la malle dans ce quartier où toute la nuit tu croiseras des visages dont tu ne veux pas te souvenir demain.
(problème, tu es physionomiste.)

Pourtant il y a ce visage qui te fait face, un jeune homme qui ne danse pas alors que toi tu ralentis les mouvements sans t’arrêter pour autant. Tes doigts fin qui caressent tes longs cheveux ébènes pour les démêler, prendre un instant pour te recoiffer, un autre pour observer l’inconnu. La peur des hommes, rester silencieuse et écouter parler. Pupilles qui se perdent dans les siennes, candeur ou naïveté ? Pas une once de méchanceté (jusque là.) « C’est ce qu’ils disent tous. » Les mouvements de ton corps qui s’arrêtent net alors que la musique résonne encore plus fort. « Je ne suis pas à ton goût ? » Clin d'œil et signe peace avec les doigts, tout droit sortie d’un shojo. « Je plaisante, je ne suis pas là pour ça et toi non plus. » Lippes qui s’étirent dans un sourire amical. Éclat de rire alcoolisé quand arrive à tes tympans l’explication de son errance. « Je vais t’aider à les trouver, j’avoue qu’à force de danser j’ai un peu mal aux pieds. » Pourquoi briser la solitude recherchée alors que tu pourrais le laisser chercher ?
A Itaewon, tombe la méfiance.

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