Missed U

« Tu penses vraiment que j’aurais pu me baigner toute nue sans toi ? » glissa Malee avec un clin d’œil, avant de reprendre avec passion le récit de ses aventures. Elle parlait beaucoup, peut-être trop, papotant jusqu’à ce que sa gorge lui paraisse une nouvelle fois complètement sèche. Le café n’aimait pas vraiment à vrai dire, néanmoins alors qu’elle montrait les photos à Hara, elle reprit une gorgée et laissa le liquide presque froid maintenant couler lentement le long de sa gorge. « Oh oui, ce serait tellement bien d’y retourner ensemble ! De loooongues vacances, on pourra se promener sur la plage, faire du shopping, boire un verre devant le soleil couchant. » Petite rire devant cette perspective, puis elle récupéra son café et finit par avaler les dernières gouttes. Elle s’abîma quelques secondes dans la contemplation de son gobelet vide, se demandant si elle allait acheter autre chose, puis finit par relever la tête, alors qu’Hara reprenait la parole. Et la thaïlandaise lui sourit. D’un sourire doux, d’un sourire calme, serein, le sourire destiné à la rassurer sur son bien être intérieur. Parce qu’elle se sentait bien, Malee. Elle venait à peine de rentrer, les problèmes n’avaient pas encore eu le temps de lui revenir en pleine face. A vrai dire, elle avait l’impression de renaître, en une personne totalement différente. A un point où quand elle repensait à l’ancienne Malee, elle avait l’impression de ne voir là qu’une inconnue. C’était étrange comme sensation. Et déstabilisant. Mais elle évitait de trop y penser. « Oui c’était… tu sais, comme un petit havre de paix, où les soucis n’ont plus aucune emprise sur toi. En partant, j’ai abandonné tous mes soucis ici, comme on enlève son manteau. Tu vois ? » Petite pause, petit instant réflexion, avant de reprendre avec un immense sourire. « C’est pour ça qu’on devrait repartir toutes les deux ! Pour abandonner nos soucis, vivre, rire. Et puis ça change de Séoul, et même de Digital City. On se sent plus libre là-bas, moins écrasés. » Hochement de tête pour appuyer ses paroles. « Faudrait qu’on s’organise ça vite ! » Quoiqu’elle n’était pas sûre d’avoir les sous nécessaires pour ce vite. Mais elle se débrouillerait. Même si en parallèle elle devait rembourser son prêt, elle ferait tout pour pouvoir repartir le plus rapidement possible.

© flappy bird.

« Bien sûr que non. Tu ne peux faire ça qu’avec moi ! » Lâcha-t-elle en riant légèrement, reprenant rapidement son sérieux pour écouter la suite de l’aventure de son amie. Elle la faisait rêver avec son expédition, et la wonsungi voyait très bien à quel point ce petit voyage lui avait été bénéfique. Malee semblait se sentir tellement mieux. Elle était radieuse, souriante. Et l’étudiante en arts du spectacle ne l’avait jamais vu aussi bien dans sa peau. Ça lui faisait plaisir, réellement. Même si elles avaient dû finalement ne pas se voir pendant un certain temps. Ça avait été dur. Et Ha Ra s’était remise en cause, longuement. Elle avait réfléchit, et avait cherché ce qu’elle aurait pu faire pour éviter ce mal-être et ce besoin de s’évader. Si elle avait été une meilleure amie depuis le départ, sûrement n’aurait-elle pas eu besoin de partir un temps. La wonsungi regardait les photos défiler. C’était vraiment beau, et semblait presque irréel. « Wow, cesse de me faire rêver comme ça. Il faut ab-so-lu-ment qu’on y aille. » Dit-elle en insistant sur le absolument. Elle releva les yeux sur le serveur qui déposa son thé sur la table, lui adressant un sourire pour le remercier. Elle attrapa son breuvage et souffla longuement dessus avant de tremper ses lèvres dans le liquide brûlant. « C’est chauuud. » Dit-elle en reposant son thé, tirant légèrement la langue et éventant sa main devant, comme si cela allait aider à faire passer la brûlure. « J’ai soufflé avant ! T’as vu hn ! » Dit-elle avant que Malee ne lui fasse une remarque, comme une véritable maman qu’elle était. Elle rit un court instant et se tourna vers son amie, reprenant son sérieux pour lui poser une question indirecte cachée sous son affirmation. « Je vois. » Dit-elle en hochant la tête, son sourire toujours logée sur ses lèvres. Elle était contente de l’apprendre, elle était contente d’entendre ses mots sortir de la bouche de son amie. « Vraiment très vite ! » Renchérit-elle. Mais Ha Ra savait ce qui traversait actuellement l’esprit de Malee. Elle ne la connaissait que trop bien. Elle devait s’inquiéter à propos des sous qu’elles allaient devoir réunir pour partir. La jeune femme glissa son bras autour des épaules de sa meilleure amie, la serrant contre elle tout en déposant un bisou sur sa joue. « Arrête de t’en faire pour l’argent, hm ? J’ai pleins de vêtements que je ne mets plus, je pourrais les vendre. » Dit-elle en lui souriant. Elle reprit sa tasse, soufflant de nouveau dessus et tenta une seconde approche. Cette fois-ci, le liquide ne la brûla pas et elle put prendre plusieurs gorgées. Son tour arrivait bientôt, voir même que c’était son tour maintenant mais Ha Ra gardait le silence tout en buvant sa boisson. Si elle pouvait éviter de parler de Liang, ça l'arrangerait grandement.

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Malee ne put empêcher un petit rire quand elle vit Hara tirer la langue en se l’éventant, à cause de la brûlure. Puis elle secoua la tête, le plus innocemment du monde. « Quoi ? T’as soufflé dessus ? Non j’ai pas vu. » Grand sourire angélique. Bon effectivement elle l’avait vu soufflé – ou elle l’avait entendu plutôt, il fallait avouer que sur ce coup-là sa meilleure amie n’avait pas été particulièrement discrète. La discussion reprit finalement son court et Malee souriait en voyant les réponses de sa camarade. Sauf que bien évidement le sujet argent arriva sur le tapis. C’est qu’Hara la connaissait bien, au bout du compte. La thaïlandaise avait vécu trop longtemps dans la pauvreté, elle avait constamment peur de manquer d’argent, de trop dépenser, de se retrouver sans un sous à la fin du mois. Et évidemment un voyage implique un coût conséquent, elles ne pouvaient pas partir sur un coup de tête, sans y réfléchir, sans économiser. Alors la miss hocha lentement la tête. « Peut-être que j’ai quelques trucs à revendre moi aussi… » Points de suspension, elle réfléchissait. Elle pouvait bien sûr revendre ses chaussures mais elle ne le désirait absolument pas. C’est qu’elle avait pris grand soin pour se former sa petite collection privée et qu’elle vénérait presque ses chaussures. Elle les adorait, elle les collectionnait, elle les traitait avec grand soin. Oui une véritable amatrice de chaussures. Mais que voulez-vous ? Néanmoins elle pouvait bien accepter de se débarrasser de quelques paires, si c’était nécessaire. « J’pourrais peut-être vendre des chaussures, comme tu sais les p’tites noires que je mets quasiment jamais. » A vrai dire elle avait dix paires au total et essayaient de les mettre autant que possible, mais il y en avait bien quelques-unes qu’elle ne portait pas souvent – comme les petites noires avec la fleur sur le bout. « On verra bien ! On pourra organiser un vide-grenier au pire ? » Quelques instants de réflexion supplémentaires puis elle reprit : « On peut peut-être même demander si y a d’autres wonsungis qui veulent y participer. » Pourquoi pas, après tout. Ils avaient tous, comme tout le monde, des affaires dont ils ne se servaient plus et dont ils pourraient très bien se débarrasser moyennant une certaine somme. Ils n’étaient pas tous riches après tout là-bas et une rentrée d’argent supplémentaire, même minuscule, ne pouvait pas faire de mal. « Ils vont comment ces wonsungis d’ailleurs ? » demanda-t-elle en souriant. C’est qu’ils lui avaient manqué, ces petits singes. Ça faisait un moment qu’elle n’avait pas revu sa famille alors évidemment elle se demandait bien comment ils se portaient. C’était typique de la thaïlandaise, ça, constamment inquiète vis-à-vis de ses proches. Probablement même que si elle avait vécu dans un monde parfait où rien de mal ne pouvait arriver, elle continuerait à s’inquiéter.

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« Quoi ? Comment ça t’as pas vu ? » S’indigna-t-elle en tournant la tête vers son amie. Elle se moquait d’elle ? Même la vieille à l’autre bout de la salle l’avait vu ! « Tu te moques de moi ! » Lança-t-elle en faisant la moue, poussant légèrement Malee avec son épaule. « Vilaine. » Dit-elle avec un air boudeur, avant de se mettre à sourire tellement elle ressemblait à une enfant en agissant comme ça. Elle se désespérait elle-même. Leur discussion reprit rapidement, oubliant très vite la petite mésaventure de la langue d’Hara et le thé brûlant, et le sujet comment financer les vacances tomba. Ben oui, elles ne pouvaient pas partir comme ça, sur un coup de tête. Même si Ha Ra était anciennement riche, et qu’elle avait pris la mauvaise habitude de ne pas faire attention à l’argent, depuis que son père avait fait faillite… Elle faisait attention, et avait même pris un petit job pour se faire son argent de poche. Et elle économisait. Pour quoi ? La wonsungi n’en savait rien, jusqu’à aujourd’hui. Ses économies pouvaient financer une partie de leur voyage, une grande partie même et ça ne la dérangeait absolument pas de liquider toutes ses économies dedans. C’était un peu comme un cadeau un peu, beaucoup, en avance, ou en retard. « Hors de question que tu vendes une seule de tes paires de chaussures. » Dit-elle avec autorité. Il n’y avait pas moyen de discuter là-dessus. Elles ne toucheraient pas à la petite collection de chaussures de Malee. Cependant, à la sienne… Il n’y avait aucun problème. Elle avait réellement trop de chaussures, et un bon nombre qu’elle ne portait plus. « On va plutôt vendre certaines des miennes. D’ailleurs, si certaines te plaisent, je te les donne volontiers ! » Dit-elle avec un sourire. C’est vrai ça, pourquoi les vendre alors qu’il y avait des pieds juste à côté d’elle qui pouvaient les porter ? Elle ne vendrait que les paires qui ne plaisaient plus à Malee, ni à elle. « Oh, c’est une bonne idée ça ! » S’exclama-t-elle en tapant dans ses mains. Un vide-grenier wonsungien. Ça, c’était vraiment une idée à garder et à proposer aux singes. Ils ne pouvaient pas refuser, franchement, l’idée était géniale. Cependant, le visage de la jeune femme s’assombrit subitement. Elle ne savait pas comment ils allaient. Elle n’était pas restée très souvent au dortoir lors de l’absence de Malee. Elle l’avait même déserté, squattant chez Liang, ce qui les avait rapprochés un peu plus encore. « Eh ben… » Commença-t-elle, hésitante. Elle ne pouvait pas raconter de balivernes. « Je ne sais pas. Pendant ton absence, j’ai… comment dire… déserté le dortoir. Je ne m’y sentais pas vraiment à ma place. Du coup, je suis restée quasiment tout le temps chez Liang. Enfin bon. » Dit-elle à toute vitesse, priant presque pour que Malee n’ait pas compris un seul mot. « Il est très bon ce thé. Tu veux goûter ? » Dit-elle pour changer de sujet. Elle n’avait pas envie de parler de Liang, ni de son mal-être, ni de ses doutes.