De quand datait la dernière fois qu’elle avait mis les pieds dans ce dortoir? Certainement très longtemps. Ses pas la guidaient tranquillement dans les couloirs. Elle n’avait jamais vécu entre ses murs, mais, Perséphone avait été tellement amené à passer du temps ici, qu’elle connaissait les lieux comme sa poche. Le téléphone de la jeune femme vibra dans la poche de son pantalon en cuir, et elle le sortit. Elle ne voulait pas décrocher, mais, elle regarda l’heure et fit une petite grimace ; peut-être que Kyung Boo n’était pas dans sa chambre, ou alors, qu’il était sorti, ou même qu’il n’y est pas seul ?

La japonaise aurait aimé vivre cette expérience. Elle aurait aimé pouvoir vivre avec d’autres personnes, dans une même pièce, et pouvoir ainsi parler de tout et n’importe quoi le soir en rentrant des cours. Avoir une vie normale d’étudiante en somme. Peut-être qu’elle n’aurait pas réussi à s’adapter à tel ou tel colocataire, peut-être qu’elle n’aurait même pas aimé la vie comme ça, mais, la jeune femme aurait simplement voulu pouvoir essayer. Elle s’arrêta de marcher à cette pensée ; le retour du conditionnel dans ses songes. Perséphone secoua quelque peu la tête pour cesser de réfléchir à de telles choses. Ça allait mieux maintenant, elle pouvait faire bien plus maintenant, elle pouvait voir bien plus maintenant… mais pourquoi se sentait-elle si mal ce soir ?

Elle était loin d’être sobre, mais elle n’était pas saoule pour autant. C’était autre chose qui avait brouillé sa conscience et ses capacités. Ça ne l’empêchait pas d’avoir un couteau collé à sa cheville gauche, comme d’habitude. Ça ne l’empêchait pas de marcher droit, ça ne l’empêcha surtout pas de voir enfin la chambre de son ami apparaître. Il lui manquait. Kyôdo avait l’impression de toujours être seule dernièrement, et n’aimait pas ça. La jeune femme avait besoin de câlins, elle avait juste besoin d’attention, comme toute petite princesse capricieuse qui se respecte. Elle savait que Kyung Boo lui donnerait. Elle savait qu’elle pouvait toujours compter sur lui ; mais peut-être qu’elle aurait dû l’appeler en premier ?

Les doigts de la jeune femme se fermèrent en un poing qui vint frapper doucement la porte : « Boo… c’est moi… » dit-elle à mi-voix. D’ailleurs elle était rauque cette dernière de trop fumer, mais, il devrait entendre n’est-ce pas ? Il devrait facilement la reconnaître, cette voix. Passant ses mains dans ses cheveux pour les attacher en une haute queue de cheval, ses petits yeux attendaient que cette porte s’ouvre.

Depuis combien de temps Hwang Kyungboo était célibataire ? Il ramait, franchement. C'était le désert ultime, et aucune fontaine pour le tenir en haleine. Il avait l'impression de se rouiller, son cerveau lui indiquait qu'il allait finir vieux garçon – voire pédophile, vu comment il aimait les animaux. Toutefois, si lui l'était, alors tous les bleus également. Après tout, ils s'affamaient tous en quête de récupérer leurs animaux, injustement volé. Et Kyungboo commençait à maigrir violemment. Sachant qu'à la base, il n'était pas bien épais, cela devenait alarmant. Plus de sexe, plus de bouffe, plus d'animal de compagnie – non, mais comment voulez-vous que ce type reste en vie longtemps ? Au moindre effort, il voyait des étoiles autour de sa tête – mais ne rien faire le tuait. Et puis ces maudites études de médecine lui pompait tout son temps, et il déplorait l'idée qu'il n'y avait rien d'autre pour le pomper tout court. C'était officiel, le jeune homme était en manque, et pas que d'un peu.

C'était pour cette raison qu'il était encore au lit, son ordinateur portable sur les genoux. Un paquet de snack à côté, et il tendait le bras pour venir mâcher de la bouffe dégueulasse devant un porno qui n'arrivait même pas à lui faire ressentir la moindre émotion. Franchement bizarre, habituellement il lui fallait un rien. Il était le genre de type faible face aux femmes et à la peau dévoilée – mais là … Néant intersidéral. J'suis malade fut la première pensée qui lui vint à l'esprit. Peut-être avait-il quelque chose qui bloquait quelque part. Mais qui ou quoi ou qu'est-ce ? Peu importe ce que c'était, il fallait que cela cesse. Et vraiment super rapidement. Ajustant ses lunettes carrées sur son nez, il se relaissa tomber complètement contre le matelas en soupirant. Décidément … Une bonne journée merdique en perspective. Et solitaire en plus de ça parce que tous ses colocataires s'étaient fait la malle. Il avait essayé de mater Reeva à la salle de bain mais s'était rappelé que Renzo lui couperait la seule chose qui faisait de lui un homme – alors avait renoncé à l'idée. Et maintenant que ces deux timbrés de semi italiens n'étaient pas présents, il respirait un peu mieux. Un tout petit peu. L'absence de steak lui trottait trop dans la tête. Ainsi vint un petit bruit le sortir de ses sombres pensées. Une frappe un peu faible – si bien qu'il crut avoir rêvé, jusqu'à ce qu'une voix rauque s'élève dans le semi silence de sa chambre. « Ouais, vas-y, rentre ! » Lança-t-il en oubliant de mettre sa vidéo sur pause. Le jeune homme sortit de ses couvertures et cria comme une fillette en sentant le sol froid entrer en contact avec la plante de ses pieds. Il se rua sur la fenêtre et ouvrit les volets. La chambre étant plongée dans le noir le plus total jusqu'ici. « Yo, je sais que ça refoule et tout, mais laisse tomber, c'est pas moi, j'suis l'innocence incarnée. » Toujours aussi classe.