J’ai remarqué que j’aimais ca … quand il rejette ses mèches blondes en arrière. Ça lui donne un petit côté négligé qui … Putain, me voilà à parler comme une fille. A décrire ce que j’aime chez lui, ces foutues gestes qui me colle la nausée et des papillons dans le ventre. Je détourne mon regard en le rivant à ma tasse. Elle au moins ne me jugera pas. Je déglutis en retenant un soupir. Il ne veut même pas jouer. Pourquoi ? Je ne comprends pas, d’habitude il est le premier à sauter sur l’occasion. J’ai la désagréable sensation que quelque chose est en train de nous éloigner, et cette foutue chose, je sais que c’est moi. Réaliser ça est d’autant plus difficile à encaisser. Je n’ai pas envie que ma connerie foute notre amitié en l’air. J’ai juste un moment d’égarement. Ça passera, ouais, comme un vilain rhume, ça passera. Je me suis juste perdu parce que je me sens seul, parce que je suis perdu entre la limite de l’amitié et … je ne sais pas comment appeler ça. Je ne veux juste … pas qu’il me lâche. Mais putain, j’ai jamais été doué avec les mots, ce n’est pas maintenant que je saurais lui expliquer ça. J’essaye de fixer mon reflet dans mon café noir, mais je ne vois rien, c’est peut-être un signe. Je suis aveugle, ou aveuglé. « Francky … » Je fixe toujours ma tasse, lui s’excuse. Il est con. Il l’a toujours été putain. C’est bien pour ça qu’on est pote depuis aussi longtemps. Je bois une gorgée en le fixant par-dessus ma tasse avant de mordiller ma lèvre inférieure. Pourquoi on en vient à ça ? Et puis pourquoi il est aussi … énervé après moi ? Je n’arrive pas à comprendre … J’ai pourtant fait un pas vers lui en riant à sa remarque, en proposant un … jeu. Bien qu’au fond de moi je sois soulagé qu’il n’ait pas accepté. Parce que même si je gagnais, je ne suis pas sûr de réussir à coucher avec elle. Pas alors que je sais que Francky aurait pu le faire … J’en sais rien, j’ai l’impression que tout tourne autour de lui, que ma vie se résume à lui. « Nan ce n’est pas ça … Je suis juste sous pression en ce moment à cause de la boutique. » J’hausse les épaules comme si ça suffisait à tout expliquer. Puis je lui donne un petit coup de pieds sous la table pour attirer son attention « Hé … on a l’air de quoi tous les deux à s’énerver pour rien … » Je souris en coin avant de me passer mon pouce sur ma lèvre inférieure. « J’ai pas réussi à choper le numéro de la meuf » soupirais-je. « Mec je sais plus m’y prendre avec les filles. » aide moi ... ou alors dis-moi juste que ce n’est pas utile … qu’on n’a pas besoin de ça. Que je t’ai toi tout simplement …

L'heure tourne mais leur discussion n'aboutit à rien ; pire encore, des tensions se créent. Ils ne sont sans doute pas dans leur assiette, se dit Franklin, pour expliquer cette distance qui se creuse. Mais quelque chose en lui est persuadé que la vérité est ailleurs… En soupirant de nouveau, il balaye son côté Mulder pour se reconcentrer sur la conversation. « Nan ce n’est pas ça… Je suis juste sous pression en ce moment à cause de la boutique. » Il acquiesce, plutôt vigoureusement, conscient et comprenant parfaitement que la gestion de la boutique puisse être pénible. Il se fait une note mentale pour revenir aider Insu plus tard, lorsqu'il aura moins d'affaires non-résolues sur les bras – après tout, c'est à ça que sert un meilleur ami, non ? Un petit coup sur son pied lui arrache un sourire timide, un coup qu'il rend même à son vis-à-vis et sans le vouloir, un peu violemment – la maladresse légendaire de Bang Franklin. « Hé… on a l’air de quoi tous les deux à s’énerver pour rien… » En haussant les épaules, il lâche un énième soupir depuis qu'ils sont arrivés au bar. « La vieillesse, sans doute. » Parole de Franklin : la vieillesse est le pire des fléaux sur Terre. « J’ai pas réussi à choper le numéro de la meuf. Mec je sais plus m’y prendre avec les filles. » Les sourcils froncés pour essayer de trouver des conseils justes mais il est vite arrêté dans ses réflexions par les vibrations de son téléphone. Le professionnel, qui plus est. Avec un regard gêné pour Insu, il décroche tout de même le portable et laisse son interlocuteur commencer sa diatribe. « Comment ça il s'est échappé ? […] Mais vous êtes cons, putain, je vous avais clairement demandé d'être discrets ! […] Pourquoi le boss veut me voir ? C'est vous qui avez merdé, pas moi. […] Non. Non, je fais rien de spécial. On se retrouve au commissariat dans vingt minutes. » Il raccroche l'appareil et le range rapidement dans sa poche mais s'arrête dans son mouvement en se souvenant de la conversation avec Insu. « Mec… Je suis désolé. Faut que j'aille au poste. Je suis vraiment désolé, on reprend la conversation plus tard, okay ? » C'est qu'en plus, Franklin ne lui laisse pas le droit de réponse : il se lève, donne une tape sur l'épaule d'Insu, paye l'addition pour ce qu'ils ont consommé et quitte le bar. Pas même un dernier regard en arrière, rien, juste quelques mots insipides et la tête remplie d'interrogation de policier.