Un de mes magnifiques sourcils s'arque de lui-même. « Répétitif ? On ne t'as donc jamais dis que la science évolue constamment ? » Entre la science d'avant et celle d'aujourd'hui, il y a une sacrée différence. Forcément, les cours ne peuvent être répétitifs, seulement une suite logique d'apprentissage. M'enfin, je ne vais pas débuter un débat sur l'importance du domaine qui a su gagner mon coeur dès le berceau. J'ai grandi le nez fourré dans la santé et ses dérivés, c'est un peu normal que je cherche à les défendre. Je décide plutôt de me concentrer sur ce qu'il attend de moi, confiant de ma personne quant à ma capacité à lui fournir une aide... Du moins jusqu'à ce qu'il me balance son sujet et que mon cerveau se déconnecte complètement. C'est définitivement à l'opposer de ce à quoi je suis habitué. Je suis intelligent, soyons francs, mais sur un plan logique et mathématique. Par réflexe, mes doigts viennent attraper le papier qu'il me tend, mais mes pensées sont un néant total. Même après ses explications, je demeure silencieux pendant de longues secondes en le fixant sans cligner des yeux. Okay, je dois trouver un truc à dire et vite, sauf que j'ignore complètement quoi. Je ne sais même pas ce que m'évoque le dit sujet. Oh merde. Je suis comme mes parents : incapable de penser à autre chose que ce que j'ai appris dans les livres ou sur les bancs d'école. Non, voyons. Je peux réfléchir plus loin que le bout de mon nez. « L'inconscient dans quel sens ? » Mieux que de rester là tandis que je cligne enfin des paupières. Or, je dois être franc, ce qui me vient directement à l'esprit c'est l'inconscience qui se manifeste cliniquement par un manque de réaction chez un individu. La version médicale du mot, en somme. « Tu commences pas par un truc facile, hein. C'est un peu comme si je te lâchais dans un laboratoire avec quinze minutes pour déchiffrer l'écriture d'un médecin et préparer ce qui est écrit. » Je fronce les sourcils, faisant un peu la moue pour blaguer en donnant une chance à mon cerveau de revenir de vacance.

Je trouve la situation comique intérieurement puisqu'on dirait que ma question a suscité la même réaction que j'ai pu avoir tout à l'heure lorsque l'homme eut mentionné la philosophie. Bien rapidement, je le reprends pour ne pas qu'il pense en mal de mon interrogation. « Je suis désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire. » La science en elle même n'a rien de méprisable en soit, et je ne remets pas en cause son utilité, seulement, ce sont plus les pratiques qui me rendent curieux. Pour ne pas l'offusquer d'avantage ou quoi que ce soit, je balaye le sujet de la main en baissant le regard vers les quelques mots que j'avais écrit pour l'homme se trouvant en face de moi. C'est amusant, d'admirer d'ici oh combien il a l'air de galérer à essayer de tirer quelque chose de la question. C'est un peu cruel de ma part je l'avoue, mais c'est un malin plaisir que j'ai régulièrement étant donné que la philosophie est considérée comme l'une des sciences humaines les plus compliquées, et que seuls quelques personnes savent s'en sortir avec. Étrangement, je n'ai jamais trouvé cette matière compliquée, bien au contraire, je la trouve même plutôt simple et logique. Pour beaucoup je ne suis qu'un évaporé, puisqu'après tout, tous les philosophes le sont, mais en soi je n'ai jamais rencontré de difficultés à traiter mes sujets. Et dans l'immédiat, je pense que ma science servirait bien à ce pauvre homme. Mes doigts jouent avec mon stylo tandis que je réfléchis pendant quelques secondes. « L'inconscient est un terme qui a été développé et introduit par Freud. Je pense que tu dois le connaitre. » Qui ne connait pas Freud après tout. « Dans sa théorie, l'inconscient c'est tout ce qui échappe à la conscience de l'homme. Les souvenirs, les désirs refoulés, les pulsions primitives. En soit, tout ce qui reste de la nature sauvage et animale de l'être humain se retrouve dans l'inconscient. C'est ce qui lui permet d'être civilisé. » J'espère ne pas l'avoir perdu en chemin dans mon explication, mais si ça s’avérait être le cas, je ne lui en voudrais pas non plus. J'utilise alors à bon usage le stylo dans ma main pour rédiger ce que je viens d'énoncer et ainsi, éclaircir un peu plus le sujet. « Je sais que c'est pas le plus simple, désolé. Mais tristement c'est ce que j'ai à traiter pour dans deux jours. » Je hausse les épaules, une moue sur le visage pour lui indiquer réellement que je suis navré. « Non mais réellement, qui peut lire l'écriture d'un médecin. » Encore une fois sans offense, mais il faut vraiment avoir l'envie de passer incognito pour écrire aussi mal.
 

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Je souris simplement sans en ajouter davantage : je sais qu'il n'a pas dit ça pour mal faire, un peu comme moi précédemment. J'essaie plutôt de me concentrer sur le sujet, ce qui n'est pas chose simple puisque je ne comprends strictement rien. S'il me donnait une journée pour patauger dans le domaine, j'y arriverais certainement mieux par la suite, mais cela reste encore prouvé. Je n'ai jamais été doué quand il s'agissait de réflexion profonde, préférant laisser ça aux autres. Freud, ça je connais au moins. « Certainement. C'est mon pote, on prend une bière ensemble tous les samedi. » Ne suis-je pas hilarant ? Je craque un sourire malgré moi : il l'a cherché en m'ouvrant une si jolie porte. Étrangement, son explication m’éclaircit un peu. Pulsions primitives, côté animal, tout ça je connais un peu puisque j'arrive à établir une connexion plus proche de mes connaissances biologiques. « Donc, y'a-t-il de quoi avoir peur de l'inconscient ? » Un petit coup d'oeil vers mon bout de papier pour être sûr que je ne me suis pas trop égaré. « Tu pensais aller dans quelle direction ? Parce que je sais pas, mais voir les gens renoués avec cette partie d'eux-mêmes ne me semble pas être une bonne chose. » Ce jeune homme va devoir me diriger un peu plus s'il veut que je lui apporte le moindre coup de main ou, dans le pire des cas, je vais le pousser à bout à force d'être loin de ce qu'il veut et il va trouver lui-même ce qu'il désire inscrire dans son travail. Je ris à sa remarque sur l'écriture des médecins parce qu'il a parfaitement raison. « Sincèrement, personne. On déchiffre deux ou trois lettres, on devine le mot selon le reste des indications, c'est un véritable jeu d'essai et erreur » Faut être franc, on galère tous à lire l'écriture des médecins.

Je ne peux m'empêcher de pouffer à sa blague de mauvais goût et qui pourtant dans le fond se trouve au même niveau que mon pauvre humour de bac à sable. Ça ne vole pas haut mais quelque part c'est ça qui rend la chose drôle. « T'as une gang bien cool dis moi. » Mon sourire une fois sorti a du mal à retourner dans sa poche et ce malgré notre occupation on ne peut plus sérieuse. Ce n'est pas un réel problème en soit si ce n'est que l'autre risque maintenant de me catégoriser chez les relous ou les gamins (mais là encore il ne serait pas si loin de la réalité). C'est donc avec cet air de débile plaqué au visage que je continue de gribouiller des dessins inutiles sur le calepin tout en les mélangeant aux notes déjà existantes. « Content de voir que même en science le déchiffrage de l'écriture du médecin reste impossible. Je vous admire d'ailleurs pour vous en sortir. » Dans le même temps, je prends de l'avance sur l'autre et développe d'autres aspects que j'éclaircirai avec lui s'il a toujours le temps et/ou surtout l'envie. Parce qu'après tout je n'ai pas envie d'apparaitre comme un gros lourdo à ses yeux. A l'entente de son mini raisonnement, je peux alors dire que cette fois-ci mon sourire a une raison légitime d'être là. Je lui donne un thumbs up pour lui montrer que je suis fier de lui puis reprends pour le guider un peu plus. « Tu as tout juste. A première vue il est clair que cela semble être une mauvaise idée. On doit nous même pousser un peu plus loin en nous demandant : Qu'est-ce qui nous ferait peur dans l'idée de l'inconscient, sachant qu'il est caractérisé comme insaisissable et obscur ? » Je prends une pose dans mon discours pour lui tendre de nouveau mon calepin et lui pointer les quelques notes que j'avais pris précédemment. « De mon point de vue, la liberté, la connaissance de soi et la responsabilité sont remis en cause ici. » Je lui laisse quelques secondes pour tenter de déchiffrer mon charabia. Sont inscrites sur les lignes de mon cahier des questions en rapport avec les notions que j'ai pu évoquer et qui suivent : Que reste-t-il de notre liberté ? Quelle place notre autonomie a-t-elle dans le déroulement de notre vie ? Ma volonté pure et libre existe-t-elle ? La liberté pourrait-elle être un idéal, une fiction née de nos pensées conscientes ? Il y en a tant d'autres qui pourraient être posées, mais pour l'instant, j'en reste là pour la pauvre créature qui doit maintenant me détester ou avoir une sérieuse migraine. En lot de consolation, je lui tends une barre chocolaté, en espérant que ça lui fasse plaisir et qu'il veuille bien pardonner le gros nerd que je suis.

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« Tu parles. Ça devient vite le party quand notre bro Newton débarque. » Oh boy que cette conversation est ridicule. Suis-je vraiment en train de raconter de telles blagues pourries à un bel inconnu ? Il faut bien croire que cela est malheureusement le cas, mais au moins ça ne semble pas trop le déranger, même que je crois que ça l'amuse. J'ignore si ça le rassure, mais ce petit étudiant pourra désormais dormir en paix : personne sur la planète ne comprend l'écriture des médecins, pas même eux. Personne ne sait vraiment pourquoi les prescriptions sont si mal écrites, alors qu'elles sont là pour sauver des vies. Faudrait que quelqu'un fasse des recherches là-dessus, tiens. Un jour, peut-être. En attend, il y a de la philosophie qui essaie de m'abattre, mais je ne compte pas me laisser faire. Je suis capable de réfléchir plus loin que ce qui se trouve écrit noir sur blanc dans les livres. Je suis plus malin que ça, du moins je veux y croire fortement. Je l'écoute enchérir un peu plus, fournir un éventail plus large bien que précis sur le sujet avant de me tendre son carnet où je peux y lire quelques phrases principalement en anglais. Je déniche étrangement un mot français qui me fait froncer les sourcils, mais je ne m'y attarde pas trop pour le moment. « Si tu veux mon avis de débutant en philo, je ne pense pas que l'Homme soit réellement libre. Il y a beaucoup de mœurs, traditions et idéologies qui dressent la liste de comment se comporter ou penser... Certes, on fait nos propres choix, mais ils sont tout de même bordés par une certaine éthique, je crois. » Dis-je alors que je suis en couple avec deux autres jeunes hommes, ce qui n'est pas tellement bien vu, voir carrément mal vu. « Tous les trucs qui sont refoulés seraient moralement inacceptables, quand on y pense. Alors, oui nous sommes libres jusqu'à un certain niveau, mais dépassé celui-ci la société empêche d'aller plus loin. » Je fronce les sourcils, un peu perdu sur une pensée soudaine et je fixe mon regard sur lui. « Tu crois que les meurtriers sont victimes de leur inconscient ? » Qu'est-ce qu'on est loin de mes formules chimiques.

« Oh god that was lame. » Cette fois-ci je ris véritablement à ce qui semble être la pire blague que j'ai pu entendre de ma vie. Mais dieu que je trouve ça drôle. Je ne sais pas si c'est en fait la tête de mon vis à vis qui provoque ce côté hilarant ou si c'est juste moi, mais ce qui est certain c'est que la situation prouve bien à quel point nous sommes nerd. Dans le processus, je n'ai même pas réalisé avoir quitté le champs du coréen pour passer à l'anglais, et j'espère que ça ne rendrait pas trop confus le plus grand. Je l'écoute d'ailleurs formuler ses propos et je me demande même pourquoi il se disait nul en premier lieu puisqu'il semble avoir matière à réfléchir et ouvert d'esprit, à savoir selon mon point de vue les deux caractéristiques les plus importantes pour philosopher. J'approuve d'un signe de tête son interprétation qui tient tout à fait la route puis décide d'y ajouter ma touche. « C'est là tout l'enjeu en effet. On parle de liberté mais uniquement dans nos choix, puisqu'au final comme tu as pu le dire l'éducation, la société et les mœurs jouent un rôle important dans l'évolution de l'homme. » Je remets en place quelques méchés de cheveux avant de poursuivre sur une direction un peu différente de celle de l'ainé. « Plutôt que dire que c'est la société qui nous pose des barrières, je dirais que c'est l'homme lui-même, je m'explique. L'inconscient comme tu dis as un côté sombre qui pourrait réveiller chez l'homme nombreux problèmes. On peut citer par exemple l'hystérie, ou même le somnambulisme, mais c'est réellement à l'homme de faire des démarches pour chercher à être libre et se défaire de l'emprise de cet inconscient qui tire un peu les ficelles, tu vois ce que je veux dire ? » Mon regard se pose sur lui, concentré sur la discussion qui devient petit à petit plus intéressé. Son air perplexe et sa question m’amènent une nouvelle fois à rire. (Il est bien chou.) Je me dis qu'au moins cette petite session lui aura apporter des fruits tandis que je pèse sa question pour trouver de quoi y répondre. « Je pense que dans un cas pareil, c'est plus compliqué que ça. Tu sais tout dépend du statut psychologique de la personne, si elle est malade ou non, mais si on prend le cas d'une personne seine... alors je pense que ça peut être le cas. » Je hausse légèrement les épaules, pas vraiment sûr de ma réponse. « C'est simple d'utiliser l'excuse de l'inconscient pour justifier un crime. Ce pourquoi il faut prendre beaucoup de recul pour trouver réponse à une pareille question. Mais après je pense que parfois ça peut nous échapper. Par exemple, souviens toi de ce que disait Freud, l'inconscient comprend aussi les souvenirs et les désirs refoulés. On en a pas conscience, alors naturellement, on pourrait avoir subit des traumatismes qui nous pousseraient à mal agir. »

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Je ne peux que rire en venant passer les doigts dans mes cheveux. Peut-être n'ai-je aucun avenir dans le monde de l'humour, mais je parviens toujours à amuser la galerie, c'est ça de gagné. Puis, nous ne sommes pas là pour que je le divertisse comme je sais si bien le faire, mais plutôt pour traiter de son sujet de philo, apparemment. Je l'écoute en entendant la voix au fond de ma tête se dire que cette conversation manque nettement de caféine, mais je peux me brosser pour trainer un café dans la bibliothèque puisque le fait que nous parlons à voix haute est déjà contre plusieurs règles : c'est bien notre veine que peu d'âmes osent s'aventurer dans les parages. « Oui, je comprends, mais pour se libérer de quelque chose il faut d'abord savoir qu'on est prisonnier. Je ne dirais pas non plus qu'il faut se défaire de cet aspect, plutôt le comprendre ? Prenons une pulsion déraisonnable par exemple : c'est une solution de la refoulée dans le fond de sa tête et ne plus jamais y penser, sauf qu'il y a aussi moyen de juger jusqu'à quelle point elle peut être assouvie. Je ne crois pas que ça puisse être sain de toujours rester politiquement acceptable selon les normes établies par la race humaine, tu me suis ? » Je commence à gesticuler en parlant, prouvant que je prends part à la conversation avec aise même si je ne sais pas trop vers où je vais. C'est une drôle d'impression. Je suis habitué aux conversations logiques constituées de faits et de preuves, d'argumenter sur des trucs que l'on peut réfuter ou affirmer selon un protocole. Parler ainsi de sujet que je qualifie de vague est à la fois déstabilisant et intéressant, même si je ne suis pas du genre à apprécier quitter ma zone de confort. C'est un peu bizarre de ne pas être confiant sur un sujet, avoir peur de dire un truc qu'il ne faut pas. Après tout, c'est un inconnu qui se trouve devant moi et je ne connais strictement rien de lui : je pourrais très bien m'aventurer dans un truc qu'il ne faut pas. Je prends ensuite l'initiative de poser une question soudaine qui me vient à l'esprit et à laquelle je n'avais jamais songé avant. Pourtant, mon oncle défend des criminels de haut niveau sur une base régulière. « Je n'irais pas défendre un crime avec un tel raisonnement, mais si on prend une personne parfaitement saine qui n'a pas eu recours au meurtre pour se défendre d'une quelconque façon, ne peut-on pas dire qu'elle est plus fragile face à ses pulsions ? Ou alors ce n'est qu'une question d'hormones et de réactions chimiques. » D'accord, la fin est surtout pour moi et j'y réfléchi sérieusement pendant quelques secondes. Tiens, ça pourrait me faire un sujet passionnant sur lequel plancher, mais pour l'instant je dois aider ce type que je n'ai pas l'impression de tellement aider. « Si l’inconscient refait surface ou qu'on lui laisse libre-cours, ça veut dire que l'on prend tout au sérieux ? Que l'on accorde une grande importance aux trucs qui peuvent sembler anodins comme les actes manqués, les lapsus, les rêves, les mécanismes de protection ? Tout ce qui se cache derrière des gestes quotidiens devient une raison de se méfier de son entourage, non ? Enfin je sais pas, on commence à aller vers la psychologie là. » Je crois que mon cerveau n'a jamais autant pataugé dans le néant.

Les propos de mon vis à vis me plongent dans une réflexion intense. Non pas que ce qu'il dit manque de sens ou ne soit pas compréhensible, seulement, j'ai toujours cette fâcheuse tendance à toujours préparer à l'avance mes propos. « Je pense que je vois où tu veux en venir : Pour le bien de l'homme, il faudrait naturellement qu'il satisfasse certains de ses désirs noirs ? » Je reprends une pause certes beaucoup plus courte que la précédente pour le laisser confirmer ou non si c'est bien vers cette direction qu'il allait. « C'est une option qui pourrait marcher. Néanmoins je pense que c'est aussi très important de réaliser le problème, mais surtout de chercher à le traiter. Parce que oui, le garder en nous n'est pas la meilleure solution. C'est pour ça que la psychanalyse ou les thérapies existent d'ailleurs, pour bien cibler la source et tenter de rééquilibrer l'individu. » Sa théorie n'est pas stupide, mais il faut clairement avoir confiance en l'être humain pour énoncer de tels propos car, toujours de mon point de vue, comment l'être humain qui se laisse submerger par ses pensées obscures peut concrètement juger jusqu'où il peut satisfaire ses désirs, et ce, sans blesser autrui ? voire même lui même ? Car après tout, nous parlons bien de l'inconscient. Comment peut-on juger, jauger de quelque chose qui nous échappe ? Cela semblerait improbable. Et si dans le pire de cas cela pourrait s'avérer être vrai, comment peut-on être certain que la dose soit bien déterminée ? Bien sûr qu'on peut prendre conscience de nos démons, mais ce serait presque suicidaire de chercher à les contrôler par nous mêmes si par exemple nous ne savons pas pourquoi nous avons ces crises de colère violentes et incontrôlables. Je suis tellement perdu dans mes réflexions internes que j'en oublie presque la question qui m'a été posée. Je prends quelques secondes pour m'étirer tranquillement sur ma chaise et pour m'hydrater, avant de retourner mon attention sur l'ainé. « Honnêtement je sais pas vraiment... L'être humain est difficile à cerner, même encore aujourd'hui on est sûr de rien sur les motivations profondes qui les poussent à agir de telle sorte, mais je pense que c'est possible, que certaines personnes soient plus faibles face à leur inconscient que d'autres. Après tout, tu es bien familier avec la sélection naturelle. » Aucun doute que ce terme lui soit étranger. Alors que je lui laisse quelques minutes pour réfléchir à ce que je viens de lui dire, j'en profite pour ouvrir légèrement la fenêtre et sortir une cigarette de mon sac. Fumer est interdit normalement, mais je ne suis pas motivé à sortir d'ici seulement pour calmer mon besoin. « Ce n'est pas tant une question de prendre au sérieux ou non. Freud disait que les lapsus, les rêves, les désirs inavoués faisaient en effet partie de l'inconscient. Or en soit, ils ne semblent pas menacer l'homme. Je pense qu'en rapport avec notre sujet, on ne peut réellement se méfier de cette part de nous qui nous échappe que lorsqu'elle est nuisible à notre condition ou celle d'autrui. Sinon, révéler ce qui se trouve au fin fond de nous ne me semble pas forcément utile. »

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Hochant la tête afin de confirmer que ce qu'il a compris est bien ce que je tente d'exprimer, je le laisse toutefois poursuivre sur sa réponse avant d'ouvrir la bouche. « Pour faire un parallèle avec un truc que je connais mieux, je pense que toujours refouler ce qui est éthiquement moins acceptable est un peu comme ignorer des symptômes. La personne croit que ce n'est rien et passe à autre chose, mais après un certain temps elle ne peut plus supporter le fardeau et il est souvent trop tard pour faire quelque chose. » Je ne suis certainement pas la personne de choix pour faire avancer le sujet, mais on ne peut nier que j'essaie de mon mieux. C'est l'intention qui compte, non ? Ce sont des choses auxquelles je n'ai jamais réfléchi, surtout quand on est le fils de deux êtres humains qui se rapprochent émotionnellement plus de robots que de formes vivantes de chair et de sang. Mamie a insisté sur une bonne éducation, une ouverture d'esprit et une droiture, mais je n'ai pas souvenir d'avoir eu l'occasion de réflexion avec un membre de la famille que ce soit chez les Na ou les Han. Je dodeline de la tête à ses propos, plutôt incertain si la sélection naturelle peut vraiment s'appliquer. « La sélection naturelle c'est un truc primitif surtout basé sur la capacité d'adaptation et la force. Je vois le lien, mais je ne pense pas que l'on puisse vraiment les lier si on parle d'une société moderne. Remettre le principe de sélection en jeu susciterait le côté sauvage des gens, certes, sauf que ce qui en sortirait principalement... Oh, attend. Je comprends. En donnant son libre-arbitre total à tout le monde, ce serait le moyen parfait de mettre sur le tapis tous les désirs de vengeance, domination et autres qui ont été inassouvis. » Je fais une pause pour froncer les sourcils en dévisageant ouvertement la cigarette qu'il sort. Disons que j'ai une relation purement haineuse envers ces bâtonnets de nicotine et l'inconnu perd soudainement quelques points de charme en un claquement de doigt, ce qui est dommage pour une personne aussi mignonne. Je garde le silence longuement puisque je ne le connais pas, mais ça ne doit certainement pas empêcher le jugement de peindre chaque trait de mon visage alors que je grince des dents mentalement. Pour éviter de passer une remarque, je reporte mon attention sur le calepin en ma possession, ayant un peu oublié le fait que nous parlions de Freud. Je tilte vraiment sur ce petit mot tout simple écrit en français parmi un gribouillis mélangé entre l'anglais et le coréen. On pourrait presque confondre son écriture avec la mienne si je n'écrivais pas aussi mal. « Pour revenir au sujet de base, à savoir s'il y a raison ou pas d'avoir peur de l'inconnu, t'en penses quoi directement ? » Parce que dans mon cas, je suis plutôt mitigé tandis que je continue de regarder les lignes sur la feuille sous mes yeux : tout pour éviter de regarder une si belle personne bousiller son image avec une cigarette.

Bien que je ne sois pas réellement doué en sciences, il s'avère que j'ai néanmoins participé à des cours pendant l'enseignement obligatoire et que je comprends pourquoi ce choix de la métaphore des symptômes.  « Ce que tu dis est juste, ce pourquoi il faut trouver un traitement adapté à la personne à temps, et ne pas juste se laisser emporter par nos pulsions. Et si dans certains cas la personne ne dit pas réaliser son problème, je pense que c'est une erreur : Je pense qu'on est tous quelque part conscient de ce qui cloche chez nous. Sans pour autant que ce soit clairement défini et clair dans nos esprits. » Ce n'est pas difficile d'imager mon interprétation puisque bien souvent, on peut voir dans la vie réelle que c'est bien le cas. On est conscient de nos actions, cependant, c'est le pourquoi du comment qui nous échappe, on ne sait pas la source, ce qui nous pousse réellement à agir de telle sorte. Si bien qu'il peut falloir des années, de nombreuses thérapies ou autre pour réussir à cerner une éventuelle piste de guérison. Pourquoi une éventuelle ? Parce qu'au fond, on ne pourra jamais être sûr de la cause à la conséquence, et ça, c'est la grosse différence entre la psychologie et la science. Tout est abstrait et incertain. On fait des suppositions, des études, des statistiques pour nous approcher le plus d'un résultât concret mais on sait que ça ne pourra jamais être le cas. Un sourire se dessine sur mes lèvres à la réalisation de l'autre. « Exactement. D'où la sélection naturelle mon grand. » Voir que la drogue au bout de mes doigts dérange n'est pas une mission. C'est vrai qu'elle est rarement appréciée mais je ne m'en soucis guère et continue d'en profiter tout en ignorant l'air nonchalant de l'individu qui me fait face. (Après tout je tolère le fait qu'il ne fume pas, pourquoi ne tolérerait-il pas l'inverse non mais). « L'être humain est un animal sauvage. Il est dôté d'une conscience pour éviter justement qu'il retourne à l'état primitif. Cependant, certains se font submerger par les pulsions dangereuses de leur inconscient, et cela nous amène effectivement à des problèmes plus graves. On a des exemples même pour ces cas là : la plupart des dictateurs ont tournés mal après la guerre, les désirs de vengeance puissants sont souvent liés à des traumatismes etc. L'homme se laisse dominer par son inconscient lorsque sa conscience même est affaiblie. » J'expire une nouvelle fois la fumée de mes lèvres puis écrase le mégot contre un bout de mouchoir avant de retourner mon attention vers l'homme mitigé. « Quelqu'un est déçu. » Mon regard rencontre le sien pour de longues secondes, durant lesquelles j'essaye de trouver une réponse à tant de mépris et une explication à ce soudain changement d'attitude - après tout ça ne change en rien ma personnalité pas vrai ? Je suis celui qui prend l'initiative de briser ce contact pour diriger mon attention vers l'extérieur. « Je pense qu'on a toutes les raisons d'avoir peur de l'inconscient, car il suffit de peu pour qu'il s'empare de nous. Mais d'une autre part, il est aussi un bon allié qui nous évite de refaire les mêmes erreurs et nous pousse vers la liberté. » Je n'aurais jamais pensé qu'un sujet de philosophie pourrait autant se raccrocher à ma réalité, pourtant je suis stupéfait de voir que si.

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