« Entre se rendre compte qu'un truc ne va pas et l'admettre, il y a un monde. Plusieurs préfèrent vivre dans le dénis ou toujours remettre à demain les choses qui leurs paraissent banales que de se soigner. » Ce qui est tristement vrai sur plusieurs aspects du quotidien : l'alimentation, la santé, l'humeur, les choix et j'en passe. Littéralement tout peut s'appliquer à cette façon de penser. L'Homme est un peu beaucoup fondamentalement idiot : certains s'écoutent beaucoup trop, d'autres vachement pas assez. Il faut croire que c'est dans la nature humaine d'être con sur les bords. Je n'échappe pas à cette règle et gonfle les joues lorsqu'il m'appelle 'mon grand'. Je n'ai pas cinq ans pour me mériter un tel surnom et mon ego en prend un coup dans sa fierté masculine mal placée, mais je n'en fais pas un drame puisque mon attention est rapidement détournée par le fait qu'il fume. L'illusion que je me faisais de cet inconnu se retrouve vite brisée par un simple bout de nicotine qui adore détruire les cils de l’épithélium respiratoire. Comme quoi, personne n'est parfait. Sauf moi, bien entendu : je suis un étalon de première classe - avec une estime de soi à tout casser. Je me contente d'un banal hochement de tête à ses paroles, approuvant simplement ses dires. On ne peut rien cacher à un individu passant ses journées à penser puisqu'il voit juste : je suis un peu déçu par ma découverte, mais ce n'est pas un point que je compte confirmer autrement que par du langage non-verbal très subtil. Je fais un drame pour un rien, sauf que j'ai passé vingt-deux ans de ma vie à me faire baratiner à quel point la santé est importante, alors un peu normal que je grince des dents lorsqu'on fume en ma présence. « Et que considères-tu pouvant se catégoriser comme étant une erreur ? » Je dois dire que le sujet central n'est pas ma priorité puisque ce point particulier m'intéresse. Chacun à sa vision entre ce qui est bien et mal, après tout, et je n'ai pas pour autant perdu ma curiosité de base envers lui.

« Dans ce cas c'est leur problème. Ils en sont purement responsables. » Cela peut paraître pour le coup très fataliste et même méchant mais je le pense sincèrement. Il faut bien à un moment donné se ressaisir et accepter que personne ne nous force à rien et que nous nous créons nous même nos propres souffrances. La personne ne désir pas l'accepter et décide de le renier ? C'est son problème. Des démarches pourraient être parfaitement entamées s'il y avait un peu de volonté derrière. Voilà tout. Certes ce n'est pas simple, mais ce serait incroyablement naïf de croire que la vie est simple. « On va pas en plus de ça venir leur tenir la main tels des gamins. » Après tout, derrière cette question philosophique qui m'a été assignée, repose fondamentalement la notion de la responsabilité, et je suis entièrement d'accord avec Freud qui affirme d'une part que nous sommes tous aussi responsables de notre conscience que notre inconscience, et que renier cette dernière serait semblable à renier les impôts ou ne pas vouloir payer son loyer. Quand on est responsable de quelque chose, on doit agir comme tel et ne pas juste laisser couler. Je me rends compte que je suis étrangement tendu. Étrangement puisqu'en général discuter n'arrive pas forcément à me brusquer mais ça a l'air d'être plus ou moins le cas présentement. Par réflexe, je sors une nouvelle fois de mon sac non pas une autre cigarette mais des cachets que j'utilise habituellement pour mes montées d'anxiété et de stress. J'en avale deux avec une gorgée d'eau puis me focalise sur mon calepin. En passant un coup d’œil aux notes prises, je constate qu'elles sont assez incomplètes mais préfère passer outre pour dessiner de plus belle des formes et autres qui ne font pas particulièrement sens mais qui arrivent à me détendre. J'aurais bien eu envie de recadrer l'homme me faisant face en lui disant que quelque part sa question était hors sujet mais au final je préfère me taire pour ne pas rendre la situation encore plus pesante qu'elle ne l'est. (et ce apparemment par ma faute). « C'est subjectif, c'est à nous d'en décider. » Même s'il y a des fautes qu'on considère fondamentales par exemple dans les lois, celles dont on parle nous sont plus complexes puisqu'au final elles n'existent qu'à travers l'individu. « Tu vois que tu as commis une erreur du moment que tu ferais tout pour ne plus jamais revivre la même chose. Tu en tires une leçon, et va de l'avant. »

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En toute sincérité, je ne suis pas payé pour aller chercher les gens par la main pour les soigner et je suis encore moins une sorte de psychologue. Mon rôle c'est de vérifier les médicamentions, le reste ne me touche pas vraiment. Que les gens ne se rendent pas compte de leurs problèmes, qu'ils soient physiques ou comportementales m'importe bien peu. « Yup, ça fait partie de la vie adulte que de savoir prendre ses responsabilités sans que personne ne vient souffler à l'oreille quoi et quand poser une action concrète. » Un long silence se glisse ensuite entre nous pendant lequel il se détruit un peu plus les poumons et porte une attention vers ses notes. De mon côté, je tripote le clavier de mon ordinateur portable pour que l'écran sort de sa mise en veille et me permet de jeter un coup d’œil à l'heure. J'ai encore un petit peu moins d'une heure avant d'être contraint d'aller récupérer Liliane. Pendant que l'autre s'enfile des médicaments, j'allume mon téléphone pour y voir trois messages : deux d'un Logan soudainement inquiet à savoir si je peux toujours aller chercher Liliane à l'école, l'autre de Dylan qui essaie juste de me faire les beaux yeux pour avoir mes clefs. Je réponds vite fait à Logan avant de poser mon téléphone près du portable, retournant mon attention vers mon interlocuteur après cette petite pause. Un « mh » résonne dans ma gorge tout en hochant la tête. J'ai ma réponse et la situation commence à se faire inconfortable : il serait probablement le temps de partir. « Je ne crois pas t'avoir vraiment aidé, alors je vais te laisser travailler en paix. » Un sourire étire toutefois mes lèvres. Pourquoi est-ce que ça me déçoit autant de l'avoir vu tirer une cigarette ? Ce n'est pas le premier fumeur que je croise, pourtant ça m'agace. Qu'il fasse mu-muse avec la nicotine ou non ne change rien à ma vie. Mon regard s'attarde sur sa personne encore quelques secondes avant de se détourner et je commence à fermer mes trucs, en commençant par éteindre l'ordinateur.