Un rendez-vous. Cette simple idée me rendait tout chose. Quitter une famille n’est jamais chose facile et ce peu importe la raison. La mienne fut un peu plus émotionnelle que quoi que ce soit d’autre, parce que j’avais besoin de support moral et que rester entre les murs de la fraternité m’était impensable.  À part avoir bousillé ma jambe, ce tremblement de terre m’avait arraché quelque chose de bien plus cher que la simple santé physique et je m’étais demandé si, un jour, j’allais passer par-dessus ce vide.

Je sais que je suis en retard. Ce bouchon de circulation n’aide en rien et j’ai dû faire un détour pour aller porter Lily chez mamie, aucun de mes deux hommes n’étant présent à la maison dans le moment. Ça leur donnerait une petite journée calme. Je trouve le moyen de me garer rapidement, mais je dois toujours marcher jusqu’à notre point de rendez-vous. Je sors mon portable, m’assure qu’elle ne me bombarde pas de messages et je me dis, voyant ce manque de réaction, qu’elle est peut-être plus patiente que je ne le crois alors que je passe le pas de la porte. Difficile de ne pas la trouver directement. Elle est assise à une banquette, non loin, et elle regarde son téléphone. Je me dis qu’elle est probablement à quelques secondes de m’écrire un message pour me dire de me dépêcher. Silencieusement, je me glisse dans la banquette, posant une main sur sa tête en farfouillant dans sa chevelure. « N’aies crainte, jeune enfant, ton prince charmant est toujours vivant! » Je m’arrache moi-même un petit rire, m’assoyant un peu plus confortablement dans la banquette, retirant ma veste pour la poser à mes côtés. « Ça va? Je ne t’ai pas fait trop attendre? Ça a été plus long que prévu, je m’en excuse… »

Je n’ai même pas pris le temps de regarder l’heure pour m’informer du retard que j’avais pris. Mais vu l’air de Meili, je crois que j’avais peut-être ambitionné. J’attrape le menu dès que je prends place à table et y jette un œil rapide, sachant toutefois déjà ce que j’allais commander. « Beaucoup de trafic. J’ai dû faire un détour, ça m’a rallongé, et je ne peux pas envoyer d’SMS en conduisant. C’est trop dangereux. L’important c’est que je sois là, non? » Je penche la tête sur le côté, lui offrant un radieux sourire, hélant la serveuse qui passait tout près pour qu’elle m’apporte un Chaï latté, petit pêché mignon du moment. Mon sourire disparaît toutefois presque directement en entendant la dernière phrase de mon amie. « Il s’est passé quelque chose..? Tu veux parler de quoi..? » Elle est si sérieuse, ça m’inquiète un peu. Elle est d’un naturel joyeux et jamais je l’ai vue revêtir ce visage si strict et sérieux. Moi qui croyais que cette retrouvaille serait des plus joyeuses, je crois que je me suis trompé.

Je fronce de nouveau le bout de mon nez en voyant qu’elle payera pour moi. C’est idiot, mais c’est le genre d’attention qui ne me plaît pas des tonnes. J’ai l’impression de profiter des gens, de profiter de leur gentillesse. Je me rassois un peu plus confortablement sur ma banquette, penchant la tête sur le côté à la venue de sa question. « Pourtant, j’étais à l’école, Meili. La bâtisse est grande, on ne s’est peut-être juste pas croisé… » Je n’allais pas lui dire que j’avais séché certains cours parce que je n’avais pas pu faire garder Lily, ce qui était totalement faux. Et je n’allais pas lui dire que j’avais tout simplement séché parce que l’envie n’y était pas, ce qui était totalement vrai. « Tu t’en fais pour rien, Noona. Tu croyais quoi, que j’avais eu un accident? Que j’étais malade..? Que je t’évitais tout simplement? » Ça aurait été le comble, surtout venant de la jeune femme avec qui j’avais partagé ma chambre, lorsque j’étais encore chez les Wonsungis. Ça ne m’étonnait pas qu’elle s’inquiète, mais qu’elle me demande de la rencontrer.. Je fronce à mon tour les sourcils, gonflant doucement les joues. « En fait, je pourrais te renvoyer la question… Toi, t’étais où tout ce temps? À part pour m’inviter aujourd’hui, tu ne m’as pas envoyé de messages. C’est pas dans ton habitude. »

Et bien, voilà une nouvelle à laquelle je ne m’attendais pas. Ma tête se pencha doucement sur le côté alors que j’acquiesçais à sa question. Je ne le connaissais pas réellement mais je ne savais de qui elle parlait. L’université était certes grande, mais la plupart des élèves se connaissaient, ou du moins, avaient une idée de qui était qui. Ou peut-être que j’avais trop de connaissances dans cette université. Un fin sourire se colla au coin de mes lèvres en voyant la réaction, un peu enfantine, qu’elle avait. « Félicitations Noona. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant? C’est important, non? » Ma main se porte presque directement à ma tasse lorsque la serveuse revint vers nous. Je pousse le verre de Meili dans sa direction et lève le mien presque directement, lui offrant un clin d’œil. Alors ce Daehyun expliquait pourquoi elle ne m’avait pas contacté avant ça…? J’avais des doutes sur cette raison, puisque même moi, en ayant deux copains et une fille, j’arrivais à trouver du temps libre pour visiter mes amis. « À ton couple qui, je l’espère, durera très longtemps. » Et je porte lentement ma tasse à mes lèvres après l’avoir cognée contre la sienne.

Ma tête se penche une nouvelle fois sur le côté. À croire que ça en est devenu un tic, une habitude. Ma façon de réagir à ce que les gens me disent. Ma tasse se porte une nouvelle fois à mes lèvres, mes yeux se fermant, appréciant la chaleur qui s’infiltre dans mon corps suite à cette gorgée. « J’aurais dû t’appeler aussi… Tu vas mieux, dis moi…? Ce n’est pas trop difficile d’être ici avec moi, en public..? » Dis comme ça, on dirait presque que j’avais honte de passer du temps avec elle, mais au contraire. Je voulais m’assurer qu’elle aille bien. Son bien-être passait avant le mien et s’il fallait changer d’endroit pour qu’elle se sente bien, je serais prêt à le faire. « Comment ça se passe, chez les Wonsungis…? » Je demande presque timidement. On ne s’est pas vu depuis longtemps et je n’ai pas vraiment pris de nouvelles d’eux depuis un moment. « J’ai l’impression d’être parti comme un voleur, même si j’ai fait mes adieux à tout le monde… » Difficile, la vie de fraternité. Encore plus de la quitter.