Ce matin, je m'étais levé si tôt, que le silence absolu régnait ; seul le bruit de la trotteuse de l'horloge émettait un son. Assis en tailleur sur le canapé, je somnolais tranquillement, éloigné de toute contraintes que mes colocataires pouvaient engendrer. En effet mes syndromes paranoïaque m'empêchaient actuellement de dormir paisiblement dans ma chambre. Alors ma solution afin de combler mon manque de sommeil fût celle de me retrouver dans le salon. Bâillant sans cesse, et ne faisant que fermer les paupières sans réellement m'endormir, je finissais par perdre patience. J'observais l'extérieur en guise de passe-temps et je vis alors à travers les fenêtre le jardin, qui comme d'ordinaire était parsemé de multitudes de couleurs. Je levais les yeux, et une fois que je sentis les rayons de lumière du soleil se déposer sur mon visage, je me mettais alors à prendre une grande inspiration . A ce moment précis, d'un éclair de génie, je saisissais l'un des livres que j'avais emmené jusqu'ici, et je décidais alors de reprendre la lecture de celui-ci afin de tuer le temps. J'étais désormais persuadé qu'il était peine perdue d'essayer de dormir. Mais comme j'étais debout, il fallait bien que j'attende un peu avant de retourner dans ma chambre, sinon j'allais réveiller mes colocataires. Sur le canapé, les jambes croisées, les coudes posés sur les genoux; position idéale pour lire. J'étais désormais dans mon univers. Totalement détaché de la réalité, je commençais alors à ouvrir le livre et reprendre de là ou je m'étais arrêté. Transparency and conspiracy était le nom de l'ouvrage, qui à lui seul révélait son contenu. Un livre comme je les aimais, il traitait de la théorie du complot, chose de j'étais un fervent croyant. Il était évident, que notre monde était contrôlé, corrompu par notre société, que ce soit la crise ou les guerres, nous ne sommes que les acteurs d'une pièce de théâtre que les conspirateurs ont écrit. On doute souvent de ma crédibilité ainsi que de ma crédulité, mais, il est indéniable d'admettre les faits. Et puis, je ne suis pas le seul à penser ainsi, sinon qui pourrait écrire ces livres ? C'est bien qu'il y a du vrai dans cette théorie ?


Les minutes défilèrent au rythme des pages de mon livre, et, totalement absorbé par l'ouvrage j'en perdis rapidement la notion du temps. Conspiration, complot, illuminati, sont des mots auxquels je crois dur comme fer. Lorsqu'on laisse un paranoïaque proie à ce genre de théorie, n'est-il pas évident qu'il mord à l'hameçon ? J'étais tellement absorbé par l'ouvrage, que je n'étais même pas en capacité de percevoir si il y avait quelqu'un à coté de moi, chose qui n'allait pas tarder à arriver. Les singes sont curieux dit-on.

Réveil matinal pour Malee. Comme d’habitude. Sans perdre de temps, elle se dirigea immédiatement et à pas de loup en direction de la salle de bain, se lavant rapidement le visage, se brossant les dents, tout en restant néanmoins en pyjama. Puis elle alla ensuite dans la cuisine. Sur le chemin, elle jeta un coup d’œil au salon, n’y voyant que Minhyun, qui lisait. Elle sourit légèrement mais le laissa tranquille, pour aller s’atteler au petit-déjeuner. Elle cuisina rapidement, un peu de riz, quelques légumes, des aliments en suffisamment grande quantité pour bien remplir le ventre des singes les plus matinaux. Elle prépara le café également, se servant immédiatement une grande tasse. Elle y plongea les lèvres, manqua se brula et écarta la bouche en riant légèrement devant sa maladresse. Puis elle emporta l’objet en direction du salon. En constatant que son camarade jaune était toujours là-bas, elle ne put se retenir de s’installer à côté de lui. Pliant une jambe sous ses fesses, l’autre pied toujours au sol, elle ne cessait de l’observer. Elle s’était installée près de lui. Un peu trop près. N’importe qui aurait levé la tête en sentant une telle présence. Mais pas Minhyun. Il avait l’air tellement plongé dans sa lecture. La thaïlandaise sourit, attendrie. Elle s’inquiétait souvent pour lui. Elle avait à cœur de savoir que la fraternité constituait un véritable abri pour les singes, une grande famille où tout le monde trouvait sa place. Alors forcément elle avait peur que certaines personnes n’arrivent pas à s’intégrer. Et le jeune homme à côté d’elle en faisait partie. Il était si timide, si renfermé, si différent des autres wonsungi… « Le repas est prêt si t’as faim, » dit-elle alors de la voix la plus douce possible, afin de ne pas lui faire peur. Quoiqu’il était si concentré qu’il n’y avait à vrai dire que deux réactions possibles : soit il ne l’entendrait pas, soit il se laisserait surprendre et sursauterait sûrement. Elle but une nouvelle gorgée de son café, laissant le liquide coulé le long de sa gorge, savourant le goût amer. Et dire qu’au début elle détestait ce goût. Maintenant elle ne pouvait plus s’en passer. C’était sa drogue ; au moins elle ne fumait pas. C’était déjà ça. « Tu lis quoi ? » reprit-elle alors en tentant de lire le titre de l’œuvre qui semblait autant le fasciner. Pas qu’elle soit particulièrement curieuse. Mais elle était intriguée. Qu’est-ce qui pouvait l’occuper comme ça ? Qu’est-ce qu’il aimait, au fond ? Elle ne le connaissait pas vraiment, pas assez pour connaître ses goûts, ses hobbys. Et elle regrettait ça un peu au fond. Parce qu’elle voulait être son amie.

Complètement absorbé par l'ouvrage, il m'avait fallut quelque instant avant que je ne remarque la présence de Malee. La jeune femme un peu maman poule de la fratrie. De ce fait, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour moi, de m'encourager à m'intégrer, pensant que je suis timide ou un peu trop renfermé sur moi-même. Elle n'avait pas totalement tord, effectivement j'ai un gros problème à ce niveau-là, mais je ne peux réellement rien n'y faire. J'ai réussi à établir des liens avec quelques jaunes, mais rien qui ne pourrais égaler l'attachement de Malee aux autres je dirais. Je ne peux pas faire comme elle, ce n'est plus pas dans ma nature et ça ne le sera plus. Je rougissais un peu, gêné d'avoir été si absorbé par ma lecture que je ne l'avais pas remarqué. Je n'avais put constater sa présence que lorsqu'elle m'adressa la parole, faute que ma vision était totalement obstruée par la lecture de mon livre. D'un léger battement de cils, je tournais discrètement le regard afin de l'observer. Elle buvait son café tout en regardant attentivement ce que je tenais entre les mains, puis celle-ci me demanda curieuse ce que je lisais. J'haussais les sourcils, surpris qu'elle puisse éprouver le moindre intérêt à ce que je lisais. Et la grande question est surtout, qu'est-ce que moi, aussi introverti que je pouvais être aimait ? Qui pourrait vraiment deviner les fondements de mon esprit ? Et surtout, qui serait assez fou pour croire à ce que je lis nuit et jour ? Mis à part les livres sur la psychanalyse et autres ouvrages du genre dédiés à mon cursus scolaire, je ne lisais que des thèses, ou écrits de théoriciens sur la fameuse théorie du complot. Ils sont considérés comme fou, alors moi même je devais peut être aussi me considérer ainsi. « C'est..... » C'était déjà un bon début, j'avais commencé une phrase, donc la syntaxe n'était pour le moment pas en désordre... Mais bon, ce serait dur en un mot pas vrai ? « C'est... enfin ça traite sur la théorie conspirationniste » Disais-je un peu embarrassé par ce que je venais d'annoncer. Déjà que j'étais bizarre de son point de vue, j'allais empirer mon cas malgré-moi. Je me frottais les yeux, fatigué d'avoir tellement lus avant de reprendre avec un peu plus d'assurance « Ca revient à admettre que l'explication d'un phénomène consiste en la découverte d'individus qui ont intérêt à ce qu'il se produise et qui ont planifié et conspiré pour qu'il ait lieu. ». Je voulais me rattraper et lui expliquer que je n'étais pas fou, que je croyais en quelque chose de concret, quelque chose que l'on pouvait nommer ironiquement paranoïa.

Malee, tranquillement assise sur le canapé aux côtés de son camarade, continuait à boire son café comme si de rien n’était. Néanmoins elle ne pouvait empêcher son regard d’alterner entre le visage du jeune homme et son livre, tentant de deviner ce qu’il lisait, tentant de deviner ce qui se déroulait dans sa petite caboche. Il l’intriguait, inutile de le nier. Beaucoup, même. Parce qu’elle n’arrivait pas à le comprendre, elle n’arrivait pas à le cerner. Il semblait tellement différent d’elle, tellement différent de tous ceux qu’elle connaissait. Mais elle essayait, quand même. Elle faisait des efforts. Et elle espérait que ces derniers finiraient par aboutir. Néanmoins elle fut largement surprise par la réponse de son camarade. Elle cligna des yeux, sous le choc. « Euh… mais… » commença-t-elle tout d’abord, avant qu’il reprenne la parole, lui dévoilant toute une théorie. Elle fronça les sourcils. Enrober tout ça de termes savants et techniques ne suffisaient pas à ôter la première impression que la jeune femme avait eu… la théorie conspirationniste ? Sérieusement ? Elle en avait déjà entendu parler bien évidemment. Quelques mots en passant, vite-fait. Quelques rumeurs aussi. Mais au final elle ne s’y connaissait pas beaucoup. Alors bien évidemment le fait qu’elle côtoie tous les jours quelqu’un qui y croyait… mais y croyait-il seulement ? Ou n’était-ce qu’une certaine forme de curiosité ? « Et… tu lis souvent ce genre de livres ? » demanda-t-elle d’une voix décontracté. Une manière détournée pour avoir la réponse à sa question. Parce que mine de rien, quand bien même elle n’était pas réputée comme étant une effroyable curieuse, comme pas mal des autres singes, mais elle arrivait pas mal à s’en sortir à certains moments. Disons qu’au moins de son côté, ce n’était pas de la curiosité brute, elle arrivait quand même à faire preuve d’un minimum de subtilité. Tout du moins essayait-elle – on pouvait au moins lui accorder ça. « C’est intéressant ? J’en ai déjà entendu parler mais j’en ai jamais lu. A vrai dire j’ai toujours pensé que c’était un peu comme… hum… une légende urbaine. » Effectivement. Elle ne savait pas que certaines personnes arrivaient à y croire en fait, elle pensait surtout que c’était comme une légende, le genre de plaisanterie qu’on fait à ses potes pour se moquer. Elle ne savait pas que des gens prenaient la chose au sérieux au point d’écrire des livres dessus. Se rappelant soudain de sa tasse de café, la jeune femme prit une nouvelle gorgée du liquide qui refroidissait un peu trop à son goût, avant de reporter son attention sur son camarade. Elle lui adressa un petit sourire, tentant de le mettre à l’aise.