Le moins que l'on puisse dire était que je n'étais pas fière. Et ça, c'était pour le moins exceptionnel. Voici quelques jours à présent, j'étais pénétrée – avec l'aide de Lexy – dans la demeure des pyos alors que nous étions beurrées comme de petits lus. Objectivement, nous n'avions rien fait de mal, ce n'était même pas notre intention. Sur le moment, on avait pas réfléchi, on voulait juste s'amuser. Oui mais voilà, évidemment, on s'était fait chopper. Il faut croire qu'allumer la chaîne hi-fi quand on s'infiltre chez des gens, c'était pas le meilleur moyen pour rester incognito. Avant de démarrer ma voiture, je m'étais posée la question suivante : si nous ne nous étions pas fait surprendre, ma réaction aurait-elle été identique ? Plus ou moins. Je me serais excusée, probablement parce que j'avais pris en maturité depuis l'année passée. Mais je n'aurais pas eu aussi honte. Honte d'avoir été vue dans un état plus que misérable. Et j'osais prétendre être responsable ? La bonne blague. J'avais laissé Shanna avec Hyo Jin, chez les gumihos. Je sais qu'elle lui manquait, et même si l'entente n'était pas excellente entre nous, je savais que ma fille aimait beaucoup le coréen, même du haut de ses un an. Je m'étais ensuite rendue chez les panthères, et avait garé ma lamborghini devant leur porte. J'avais failli sortir le cabriolet rose pour rester dans le thème, mais j'avais finalement préféré la sobriété du noir. J'avais alors sonné, m'attendant à tomber sur n'importe quel pyob... « Euh, salut » Coup de bol, le président lui-même vint m'ouvrir. J'étais pas encore prête moi ! « Je suis désolée de déranger, je peux te parler un instant ? » Au fait : je haïssais m'excuser. Du plus profond de mon âme. Saleté d'alcool.

Nous y étions. Le moment tant redouté. Par pitié, ne pouvait-il pas s'écraser une météorite sur ma tête ? " Merci " Ce qui n'arrangeait rien, c'était mon comportement de la fameuse nuit où j'étais avec Lexy. Suivant Ji Hoon, je l'observai sans retenue, détaillant sa démarche, son allure. J'étais observatrice, mais en l'occurrence, j'étais surtout une femme. Il était vraiment mieux qu'en photo, grommelais-je tout en me maudissant de ne pas avoir su me taire sous l'influence de l'alcool. Toujours était-il que je n'étais pas venue me rincer l’œil, malheureusement. La référence au Vogue me fit tiquer. Je n'étais définitivement pas habituée à me sentir aussi mal à l'aise. Autrefois, j'aurais eu bien moins de scrupules, je ne serais probablement pas venue m'excuser. À croire que les années ne me réussissaient pas. Ou peut-être si ? Par tous les dieux, ce que j'aurais aimé mettre mon cerveau en silencieux à l'instant. " Je vous dois des excuses. " Commençai-je avant de prendre une grande inspiration et de m'asseoir à mon tour. Depuis que je travaillais au Vogue, je ne portais quasi plus que des tailleurs, dont lisser le tissus me donner une sorte de consistance. Sauf que forcément, il fallait que je ne porte pas aujourd'hui, me retrouvant à triturer nerveusement mes doigts comme une autiste hors de sa bulle " Je suis pas fière de ce qui s'est passée la nuit dernière, lorsqu'on s'est introduit avec Lexy dans votre dortoir. Enfin, tu as bien vu dans quel état nous étions, mais c'est loin d'être une excuse à notre comportement, alors voilà. " Je tentai un petit sourire gêné, plongeant mon regard dans le sien " Je suis vraiment désolée. " Et le plus beau dans tout ça : j'étais encore en vie. Qui l'aurait cru ?

Quand je repensais à la vie que je menais avant d'avoir Shanna, c'était le jour et la nuit. Je sortais, buvais, fumais, me droguais même. J'avais touché à tout, et si au moins je pouvais dire que j'avais expérimenté la vie, j'avais fait des conneries dont je n'étais pas fière. " je suppose oui ... " il tentait de me mettre à l'aise, et je ne pouvais que lui en être reconnaissante. Néanmoins, lorsqu'il posa sa main sur mon genou, une vague d'électricité à laquelle je n'étais plus familière. Je me mordis légèrement l'intérieur de la lèvre, tant de faire comme si de rien était " crois moi, vu la gueule de bois que je me suis payée, j'y réfléchirai à deux fois " grimaçai-je tout en riant légèrement. Quand je repensais à la réunion des actionnaires qui avait eu lieu le lendemain, je n'aurais jamais cru qu'une migraine pouvait faire autant de dégâts ... Je scrutai un instant son regard un instant, surprise par son intensité " euh il y a autre chose que je voulais te demander " repris en me réfugiant derrière une figure beaucoup plus professionnelle, celle de la Directrice Kang " tu n'as jamais pensé à poser en tant que modèle ? "

Très jeune, j'avais compris que tout était dans les apparences. Si j'avais grandi il est vrai, je n'avais jamais perdu cette fâcheuse tendance à recourir à une carapace lorsque je me sentais en danger. Or, je me sentais en danger dès lors que mes sentiments, même minimes, étaient engagés. La Directrice Kang s'avérait être une parfaite couverture en la matière. Froide, distante, elle me permettait de me permettre en standby pendant que les affaires reprenaient le dessus " Et bien, je dirais que ça dépend du photographe plaisantai-je doucement " J'avais déjà eu l'occasion de poser avant de posséder le magazine, souvent pour dépanner. En général, les photographes avec lesquels j'avais posé étaient tous géniaux, mais ça m'était arrivé quelques fois de tomber sur des fils de chien. Que ce soit des pince-sans-rire, ou bien de vrais pervers qui espérait me faire écarter les cuisses pour quelques billets. Enfin, là n'était pas la question " Vogue Korea a l'exclusivité avec la nouvelle collection Hugo Boss, mais je cherche un nouveau mannequin. " Expliquai-je simplement avant de poursuivre " Je veux du sang neuf. Un homme qu'on a encore jamais vu, charismatique, sans être inaccessible. Jeune, évidemment. Qui colle à l'image de la boite. Bref, tu pourrais convenir je crois. " Je n'étais sûre de rien bien sûr, il fallait voir l'impression qu'il rendait une fois sur papier glacé, mais je partais du principe que ça valait le coup d'essayer. Et puis, c'était une expérience comme une autre après tout, et une expérience appréciable sur un cv de surcroît.

Ji Hoon était quelqu'un de sérieux, et de consciencieux. Cela se voyait rien qu'à la façon dont il gérait sa fraternité. J'aimais ce genre de personne, sans doute parce que le plus souvent, elles étaient dignes de confiance. Bien sûr, tout restait relatif, surtout lorsqu'une concurrence s'installer. Néanmoins, ce n'était pas le cas ici : je ne risquais pas de poser pour des costumes pour hommes, et inversement, il ne risquait pas de finir à la tête de Vogue Korea. J'esquissai un sourire lorsqu'il me parla de son peu d'expérience, prenant pour lui répondre un ton plus doux, plus familier, bien qu'il restait professionnel " Je ne vais pas te mentir, beaucoup de magazines ne se basent que sur l'expérience. L'image de la boite en dépend. Cependant, à force de voir les mêmes tête, ou bien les même référence, les gens se lassent. " Je continuai, toujours en posant ma voix, en prenant le temps d'expliquer ma décision comme je l'aurais fait avec n'importe qui dès que cela touchait de près ou de loin " Certains mannequins avec un cv plus long que la bible ont autant de charisme d'une écrevisse. D'autres personnes les surpassent légèrement seulement en gardant le nez plongé dans leurs bouquins... " Un sourire avant de poursuivre " Alors je suis curieuse de voir ce que cela peut donner sous les projecteurs. De toute façon, il n'est pas question de te lancer sans faire d'essai auparavant. Il s'agirait des pages centrales du magazine, tu te doutes que je ne peux pas me permettre d'erreur. Ceci dit, je suis persuadée de ne pas en faire. " Je devais l'admettre, la dernière phrase était de la flatterie, destinée à le convaincre. Mais ça n'en était pas moins vrai. J'avais toujours suivi mon instinct en matière de mode ou d'image, et jusqu'ici, cela portait ses fruits. Il n'y avait pas de raison pour que cela change.