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nam chung su &
armani reeva

 

Chung Su a l’air un peu coincé, comme sur le point de vomir. Elle se demande si c’est l’endroit qui le repousse autant, l’odeur délicieuse et l’adorable tampon sanglant à quelques pas d’ici, ou alors elle-même, pourquoi pas. Elle est mignonne en temps normal, mais là tout de suite, elle se dit qu’elle ne doit surement pas être super fraîche. Ou alors c’est l’alcool qui donne à Chung Su cette sale gueule, cet air chiffonné, mal à l’aise, gris-vert bizarre. M’enfin, comme à son habitude, la mascotte bleue  n’a pas l’air de s’en rendre compte. Tant mieux, surement, pense Reeva. Elle aussi aurait bien voulu rester bloquée à trois ans, comme ça (soyons gentils, disons six). Elle aurait bien aimé ne se rendre compte de rien, et avoir ce sens de la réalité… bizarre, comme elle peut le constater lorsqu’il prononce les mots suivants : « Moi j'te trouve marrante. » Si elle avait été en train de boire, elle se serait surement étouffée avec sa vodka. Mais comme elle est seulement en train de déglutir, c’est avec sa bave qu’elle s’étouffe à la place. Le résultat n’est pas franchement top. « Tu veux que je te chante du Britney ? » Elle le regarde mal, et de travers, un peu en mode mafieux qui défend la terre entière de toucher à un cheveu de sa petite soeur. Pour une fois, Chung Su a l’air de comprendre le menace sous jacente et ne dit plus un mot pendant un petit temps. Le pauvre, elle a du le traumatiser un peu. Mais ça lui fait du bien, pense t-elle. Ca le forge. Dieu sait à quel point il en a besoin, le petiot.

D’ailleurs le voilà qui change de tactique, et déclare d’une voix comique (puisqu’il parle du nez comme un idiot) qui le rend encore moins crédible que d’habitude : « Non seulement t'es marrante mais en plus t'es méga bo... belle, belle ! T'es méga belle. » Elle complète d’elle-même le mot qui manque : méga bonne. Venant de Chung Su, l’expression ne la choque pas tellement. « Et t'as le cerveau d'Einstein donc franchement... Avec moi, t'es toujours sympa et tu m'emmènes dans ta super Ferrari de ouf au cinéma des fois. Tu me paies de l'alcool pas bon qui fracasse grave et tu as même dansé avec moi ce soir. » Elle a envie de lui demander s’il reste avec elle uniquement pour son fric, mais elle  se retient. Cela dit, elle aime bien tout interpréter de travers, comme ça. « T'es trop méga cool Reeva, sans déconner. (…) Je sais que je suis ton Dieu et comme tu es ma fidèle préférée, je vais faire de toi mon Jésus. Du coup je te renomme Jésusette. Sauf si tu préfères Chunguette. C'est cool ça aussi... » Mais de quoi il parle, lui, voilà ce qu’elle se demande. Honnêtement, ce type est un mystère. Et elle reformule ses pensées à voix haute : « Putain mais c’est fou, le nombre de conneries que tu peux débiter en une seconde… comment tu fais ? C’est quoi ton secret, sérieux ? Là franchement, j’me pose des questions. Qu’est-ce qui fait que toi, t’es un mec drôle, et moi, une dépressive en puissance ? »

Les passantes leur lancent de sales regards, aussi Reeva décide t-elle de lever le camp. « On bouge » impose t-elle à Chung Su, pour la seconde fois (ou peut-être bien plus ?) de la soirée. Tous les deux prennent le chemin de la boîte, de nouveau, traversent la salle où elle se souvent en coup de vent de l’histoire du panda roux, puis atteignent l’air frais, dehors. Le parking est rempli de voitures, mais vide de gens, en comparaison des salles confinnées, saturées de sueurs, de sons et de mouvements qu’ils viennent de quitter. « Je te ramène ? » propose t-elle alors, montrant du doigt l’habituelle ferrari rouge, garée un peu un retrait pour plus de sécurité.

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nam chung su &
armani reeva

 

J'avoue, j'ai pas très bien compris pourquoi Reeva s'est énervée sur moi comme ça tout à l'heure dans les chiottes. Déjà parce que j'ai la gueule un peu fracasse depuis le verre de gnôle, ensuite parce que l'environnement était pas propice à la concentration (toujours ce connard de tampon qui me faisait de l’œil là) et enfin parce que j'avais la chanson Alexandrie Alexandra de Cloclo qui passait en boucle dans ma caboche. Putain quand on a Cloclo dans la peau, c'est chaud patate de s'en défaire. En tout cas, j'ai même pas le temps d'en placer une que déjà elle me choppe par le poignet et me traîne hors de la boîte. Je me laisse faire parce que j'ai l'impression qu'elle est pas très bien et ça m'inquiète un peu. Pendant qu'on passe au milieu des danseurs, je dis salut à quelques personnes que je connais et qui me regardent bizarre, sûrement parce que j'ai l'air d'un môme qui se fait traîner à l'école par sa maman. Je glousse à cette idée : pas sûr que ça plaise à Reeva que je la compare à ma mère (bah ouais, vu qu'elle est amoureuse de moi, c'est chaud quoi...).

Finalement on arrive sur le parking et c'est en voyant toutes les bagnoles que je me dis qu'il serait vraiment temps que je passe mon permis moi aussi. Ma mère a jamais voulu me le payer (pas parce qu'on a pas les moyens mais parce qu'elle est persuadée que si je me mets derrière un volant, je vais buter une vieille dès le début et elle dit que c'est la honte d'avoir un fils qui fait des strikes en bagnole avec les vieux) par contre, elle va payer celui de ma sœur HaeWon et ça je trouve que c'est carrément de l'injustice ! Mais bon, maintenant que je bosse à la pizzeria, je vais pouvoir mettre du flouz de côté et me payer tout ça tout seul comme un grand. Et personne pourra rien me dire !

Mais bon. Pour le moment j'ai pas de permis, ni de caisse donc quand Reeva me propose de me raccompagner, je dis oui direct parce que le bus la nuit ça le fait flipper. Je suis tenté de lui demander de souffler dans le ballon parce qu'elle a quand même pas mal tisé mais je pense que si je le fais, elle va direct me kicker le cul et me dire de me démerder pour rentrer au dortoir. Du coup je dis rien. Mais je veille. Si jamais je sens que ça part en couille, je lui dis de s'arrêter, quitte à ce qu'on pionce tous les deux dans la bagnole. J'ai vraiment pas envie qu'on se foute en l'air à cause d'une saleté de gnôle pourrie. On se dirige tous les deux vers la magnifique et flamboyante Ferrari rouge et je m'installe sur le siège passager en prenant soin d'attacher la ceinture et de vérifier qu'il y a bien un airbag devant moi. On sait jamais.

Reeva parle pas de tout le voyage et moi, je suis trop concentré sur la route pour balancer une vanne. En même temps, j'en profite pour cogiter un peu sur le petit pétage de plombs qu'elle m'a fait tout à l'heure dans les chiottes parce que mine de rien, ça m'a un peu retourné cette histoire de dépressive en puissance. Finalement, on arrive en un seul morceau au dortoir des Gumi et je peux enfin respirer en paix. Putain, j'ai les jambes toutes flagadas et en sortant du bolide, je manque de m'étaler la tête la première sur le bitume du parking. Comme quoi, alcool et stresse ça fait pas bon ménage. La prochaine fois, j'appellerai un taxi pour nous deux, même si je dois faire monter Reeva dedans de force (peut être que ce serait l'occas' de lui toucher les nibards en plus). On entre sans faire trop de bruit dans la bâtiment et une fois qu'on arrive devant la porte de Reeva, je l'attrape par le bras avant qu'elle n'entre dans sa chambre et lui dis, très sérieux :

« Tu sais Reeva, t'es une fille forte. T'as pas à rester une dépressive en puissance comme tu dis toute ta vie. Moi j'pense que y'a vachement plus en toi que ça, mais tu le vois pas. J'aimerai bien que tu sois dans ma tête juste deux secondes pour que tu puisses te voir à travers mes yeux. J'peux t'assurer que tu serais pas déçue du voyage. Bon, y'a deux trois trucs classés X, c'est clair, mais la majorité de ce que je pense de toi, c'est des trucs très purs, promis juré. T'es ma meilleure amie chez les Gumi et même si tu veux pas te faire renommer Chunguette, bah c'est pas grave parce que je t'aime quand même comme tu es et ça c'est le principal. »

Je crois que c'est le truc le plus beau que j'ai dit de ma vie et je suis vraiment deg de pas m'être auto-enregistré. Mais bon, c'est pas grave. Là, je veux juste que Reeva elle soit un peu plus heureuse parce que j'aime la Reeva qui tire la gueule, mais j'aime encore plus la Reeva qui sourit. Du coup, moi je lui fais un méga sourire et je lui plaque un long bisous sur le front (putain heureusement que je suis un peu plus grand qu'elle parce que si j'avais dû faire ça sur la pointe des pieds, ça aurait été vachement moins stylé). Puis je lui fais un petit coucou de la main et part dans ma chambre, tranquillou en sifflotant l'air de Oops I did it again de Britney.

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