corvée poilue

Hana avait eu le permis de conduire récemment. Très récemment. Peut-être même trop récemment. Elle avait tendance à se croire la maîtresse de la route, et alors qu’elle ne conduisait que depuis deux mois, la voilà déjà qui s’amusait à griller des feux rouges et à aller un peu trop vite. Sauf qu’il n’y avait personne, alors elle considérait avoir le droit. Elle savait très bien que ça ne marchait pas comme ça. Mais elle faisait comme si c’était le cas. Parce que c’était Hana, parce qu’elle avait tendance à se croire tout permis. Sauf que les contraventions avaient fini par arriver. Ainsi que la menace de se voir retirer le permis. Alors son père était entré en action, négociant, et était finalement revenu, avec une bonne nouvelle… ils allaient se contenter de lui enlever des points. Ce qui lui allait. Mais il avait également prévu des travaux d’intérêt généraux. Et ça, ça passait moins. Quand la miss avait voulu protester, son père s’était contenté de la fusiller du regard, avec ce rictus déçu. Alors elle s’était tue. Son géniteur était bien la seule personne qui pouvait lui clouer le bec ainsi. Elle s’était contentée de râler dans sa tête et auprès de ses amis, appelant même Yiming pour l’occasion. Et le lendemain elle s’était rendue à la SPA. Restant quelques minutes plantées sur le trottoir, grimace aux lèvres, elle imaginait déjà les horreurs qu’elle allait devoir subir. Et s’ils l’obligeaient à nettoyer les cages ? A ramasser les crottes ? Elle n’y survivrait probablement pas. Peut-être pouvait-elle négocier et envoyer son frère à la place ? En les suppliant pour qu’ils ne disent rien ? Elle décida de tenter le coup et sortit son téléphone pour envoyer un message à son frangin. Puis avec un soupir, elle finit par entrer, sans retenir un discret « la barbe ». Peut-être pas si discret que ça finalement. On la salua et elle répondit, sans même regarder la personne. « Ouais bonjour. » Quand elle y mettait de la mauvaise volonté, ça se voyait. Elle savait mentir, cacher ses émotions. Mais quand elle voulait montrer qu’elle n’appréciait pas, eh bien, elle ne se privait pas. « J’suis là pour les TIG. » Alors elle fut conduite devant celle qui allait s’occuper d’elle, lui donner ses tâches et accessoirement la traiter comme une esclave. Même si la miss ne comptait pas se laisser faire sur ce point-là. Elle leva alors la tête, regarda celle à qui on l’avait assigné et… cligna des yeux. « Lina ? » demanda-t-elle, surprise. Mais que faisait son amie ici ? Elle aussi elle avait grillé des feux ? « Me dis pas que t’es là pour des TIG aussi ? » C’était peu probable. Mais sait-on jamais. Par réflexe, elle avait parlé en coréen, oubliant son habitude de parler chinois avec sa camarade.

© flappy bird.

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Depuis son arrivée en Corée, il y a trois ans de cela, la demoiselle s'était plutôt bien intégrée à la société coréenne. Elle réussissait bien ses études, avait réussi à trouver un stage et elle s'impliquait même dans la vie associative. On pourrait croire qu'en tant qu'apprenti styliste, la protection des animaux serait le dernier de ses soucis et bien que nenni. Travailler la fourrure ne l'avait jamais tenté et elle n'en avait jamais mis dans ses mini-collections pour les études. Et puis de toute façon, ce n'était pas dans une SPA qu'elle allait vraiment cotoyer les animaux utilisés par certains créateurs - sans coeur. Elle travaillait bénévolement dans cette association depuis maintenant deux ans et demi et depuis un an, au vu de son ancienneté, on lui donnait souvent la charge de jeunes qui venaient pour faire des TIG. D'ailleurs aujourd'hui, elle allait devoir prendre en charge une nouvelle. Généralement, elle arrivait aisément à se faire entendre auprès des jeunes que la SPA reçevait et c'était sans doute pour ça que la direction les lui confiait à elle. Elle avait une force de caractère malgré son attitude habituellement douce. Arrivée depuis une demi-heure, la chinoise regardait plusieurs formulaires d'arrivées et de départs, toujours ravie de voir qu'encore de nombreuses personnes venaient chaque jour pour adopter au lieu d'acheter en animalerie. Le nez dans des papiers, elle entendit à peine le bruit de pas avant de relever la tête en entendant son nom prononcé. "Hana !" dit-elle surprise, en reconnaissant la demoiselle que l'un des bénévoles venait de lui amener. Elle sourit en l'entendant et secoua la tête. "Non, pas du tout. Je suis bénévole ici et c'est moi qui vait m'occuper de toi jusqu'à la fin de tes TIG." Elle remercia le bénévole avant de faire signe à son amie de la suivre. "Alors t'as grillé des feux hein ? La majorité des jeunes qui viennent faire des TIG ici n'ont pas commis de grands délits." Heureusement d'ailleurs, l'association n'était sans doute pas apte et adapté pour ceux ayant commis des plus grands délits. La chinoise jeta un regard à la demoiselle, elle se demandait bien comment ça allait se passer. Elle l'aimait bien, elles se connaissaient, mais ce n'était pas une raison pour qu'elle soit bien plus souple avec elle. "Aloooors, tu dois t'imaginer déjà toutes les tâches ingrates que je vais te faire faire hein ? Je vais pas être trop méchante pour commencer." La jeune femme poussa une porte qui les conduisit à l'extérieur où se trouvait de grandes cages avec plusieurs chiens. "J'espère que t'aime les chiens. On va d'abord nettoyer les cages et ensuite on ira en cuisine pour préparer la nourriture de nos petits pensionnaires." lui dit-elle en souriant. Elle la détailla des pieds à la tête. "Tu veux enfiler une tenue plus confortable avant ?" lui demanda-t-elle. Elle-même avait enfilé un vieux short en jean, des baskets et un vieux sweat, elle n'avait pas peur de se salir.

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Evidemment, Lina ne pouvait pas avoir des TIG à faire, elle était bien trop sérieuse. Et c’était bien son genre d’ête bénévole. Une bonne saint Maritain. Moue aux lèvres, la miss se mit néanmoins à suivre son amie. « Ouais, quelques-uns, vraiment rien de grave j’comprends même pas pourquoi ils nous punissent comme ça, » répondit-elle en levant les yeux au ciel. Elle avait grandi dans une famille riche, avec une cuillère en or dans la bouche. Seule présence féminine dans sa famille, elle avait l’habitude d’avoir tout ce qu’elle voulait, que tout le monde soit au petit soin pour elle. Alors oui, elle faisait souvent tout ce qu’elle voulait, sans se soucier – ou plutôt en s’en fichant royalement – des conséquences. Sauf que parfois il y en avait, des conséquences, contre lesquels elle ne pouvait rien faire, comme cette fois-là. Enfin, si, elle pouvait faire quelque chose. Râler. Et regarder l’heure en espérant qu’elle accélère. « Nettoyer les cages t’es sérieuse ? » demanda-t-elle, sourcil arqué. La jeune femme n’avait jamais rien eu à nettoyer de sa vie. Bon d’accord, parfois ses chambres, mais elle avait toujours un colocataire à qui refiler les tâches les plus sales et ingrates pendant qu’elle se contentait de s’occuper du rangement. Ou qu’elle cédait à la facilité et appelait une femme de ménage, d’ailleurs, ça lui arrivait assez souvent. « Si tu t’imagines me faire nettoyer des crottes ou quoi que ce soit, tu peux toujours rêver, » ajouta-t-elle, résolument, les bras croisés. Même dans ses rêves, elle ne s’imaginait pas faire ça à vrai dire. C’était… dégoûtant. Elle secoua la tête, toujours dans ses pensées, mais ce qui lui permit également de répondre à la question de sa camarade : non elle ne voulait pas enfiler de tenue plus confortable. Hana elle aimait être chic, parfois sexy également, en toutes circonstances, hors de question qu’elle s’abaisse à enfiler des vêtements sales, larges, si peu classes. Des habits de pauvres, pensez-vous, elle ne voulait même pas s’abaisser à les toucher. « Mais j’veux bien m’occuper des chiens pendant que tu nettoies les cages hein, » dit-elle soudain. Hana elle aimait bien les chiens, au fond. Tant qu’ils ne tentaient pas de la lécher ou qu’ils ne mettaient pas leurs grosses et sales pattes sur ses vêtements. Sinon, elle les trouvait touchants et souvent agréables. Enfin parfois. Avant, elle avait une amie qui avait un petit chien, qu’elle allait voir assez souvent. Caresser le chien avait été pour elle, à cette époque, ce qui la réconfortait le plus au monde après la mort de son frère. Ça l’aidait bien plus que les discours vides de sens et les câlins impersonnels. Les deux demoiselles se rendirent jusqu’aux cages, Hana ne démordant pas de sa position quand bien même elle savait qu’au fond elle n’avait rien à y redire. Se penchant vers une cage, elle tomba presque nez à nez avec un chien frisé aux poils noirs, qui leva le museau dans sa direction et poussa un aboiement. « Il est trop mignon, » marmonna-t-elle.

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Croiser Hana à l’association de protection des animaux pour surveiller ces TIG, on va dire qu’elle ne s’y attendait pas vraiment. De mémoire, son amie semblait être assez aisée pour qu’on puisse lui éviter ce genre d’activités. Ah elle se doutait bien qu’elle ne devait pas avoir l’habitude de nettoyer des cages sales, de devoir se salir pour le bien des animaux ici présent. La réponse qu’elle lui donna le lui confirma et la chinoise se contenta de sourire, à moitié amusée, mais aussi un peu exaspérée. Elle s’attendait à entendre râler de façon continue pendant les heures prévues aujourd’hui. Cela ferait de l’animation au moins. Sortant du bâtiment, la chinoise commença à lui expliquer leurs tâches du jour, se doutant que ça allait contester du côté de la coréenne. « Oui je suis sérieuse Hana. Elles ne vont pas se nettoyer toutes seules les cages. » dit-elle en souriant, sans perdre patience. Regardant rapidement si toutes les boules de poils dans les cages à l’extérieur se portaient bien, aucune bagarre, elle s’arrêta et se tourna vers la jeune femme qui semblait déterminée à ne rien nettoyer, ni à se changer. La fixant un moment, Lina se demandait comme elle allait réussir à se faire obéir auprès de sa camarade de dortoir. Cette dernière semblait préférer s’occuper des chiens au lieu de nettoyer, le problème c’est que si elle aimait les heures passées ici, cela ne la dissuadera certainement pas de recommencer ces bêtises. « Ça serait trop facile si je te laissais faire ça Hana. » Jetant un coup d’œil au chien qu’elle avait remarqué, elle rajouta. « Tu peux en adopter un si tu veux faire une bonne action. Et si tu promets de bien t’en occuper, correctement. » Eh oui, on est bénévole ou on ne l’est pas. Même si la Yoon semblait peu encline à s’occuper des tâches salissantes, il suffisait de l’observer pour voir qu’elle aimait quand même les chiens. La chinoise la laissa quelques secondes devant les cages avant d’aller récupérer des sacs poubelles et des petites pelles. « Tu restes habillée comme ça alors ? Comme tu veux, tiens prend ça. » dit-elle en lui mettant entre les mains une petite pelle et un sac poubelle. Attrapant sa camarade par le bras d’un geste doux, elle l’emmena à la première cage qu’elle ouvrit avec un pass et la poussa à l’intérieur avant de refermer la cage derrière elle. « Allez pour la première, je reste avec toi. N’aie pas peur, ils sont tous adorables, on met les plus doux à plusieurs dans une même cage. » Et pour montrer Lina se pencha et commença à ramasser les crottes sur le sol. Les chiens, contents de leur présence, leur tournèrent autour. Jetant un regard à la jeune femme, elle lui fit un signe de tête. « Alleeeeez Hana. On bouge. » Motivation. « Si tu bosse bien sur la première moitié des cages, on s’arrêtera là et on ira s’occuper des repas. » Les bénévoles pivotaient souvent, cela évitait de faire toujours la même chose. Elle espérait bien que la confection et la distribution des repas mettra de meilleure humeur la coréenne.

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C’était mignon un chien, Hana devait bien l’avouer. Mais elle ne les trouvait pas suffisamment mignons pour accepter de nettoyer leurs cages – tout du moins pas sans râler. Elle avait une réputation à tenir et devait bien montrer que faire tout ça ne l’enchantait absolument pas. Le pire étant que Lina ne l’aidait absolument pas. La Yoon fusilla du regard la jeune femme, attrapant néanmoins pas réflexe la pelle et le sac poubelle. « J’croyais que t’étais mon amie, » lança-t-elle en chinois pour appuyer encore plus ses paroles. Une amie digne de ce nom ne la forcerait pas à faire ça ! Et encore moins en la traînant jusqu’à la première cage avant de refermer la porte derrière elle. Plissant les yeux, Hana lança des regards soupçonneux tout autour d’elles. « Ca fait très psychopathe c’que tu viens de faire, » dit-elle, repassant au coréen. « Si tu comptes me tuer dans cet cage sache que c’est… absolument pas sympa. Encore moins que de vouloir me forcer à nettoyer. » Et elle secoua la tête, faisant voleter ses cheveux. Tiens, elle ne les avait pas attachés, non plus. Mais d’un autre côté elle ne s’était pas attendue à faire ça… Elle s’était attendue à faire quoi en fait ? Absolument rien. Elle aurait largement préféré s’asseoir sur un bac, les jambes étendues, chapeau sur la tête et pourquoi pas un verre à la main. Un cocktail bien frais tiens. Et quelqu’un pour l’éventer. Elle méritait bien ça. Après tout, c’était une princesse. Mais au lieu de ça, elle se retrouvait dans cette cage crasseuse, avec une Lina qui l’exhortait à nettoyer. Elle qui était restée plantée, droite comme un I, en espérant se faire oublier, voilà que sa prétendue amie était revenue à la charge. « J’m’en fiche d’aller m’occuper des repas, tout ce que je veux c’est sortir d’ici. » Mauvaise humeur toujours enclenchée. Et les petits chiens adorables qui se dandinaient non loin n’arrivaient même pas à changer ça. « Mais j’suis d’accord si tu me promets de perdre une heure de mes TIG à jouer avec les chiens. Ils ont besoin d’amour eux aussi non ? » Ouais elle voulait bien passer un marché tant que ça lui était profitable. Il fallait bien avouer, aussi, qu’il y avait une question d’ego également, elle ne pouvait pas se laisser faire comme ça. Et puis elle se doutait que Lina serait bien embêtée si elle décidait de ne rien faire. Elle ne pouvait pas bosser sérieusement avec un poids mort dans les bras. Et elle devait savoir que le retour de bâton serait terrible si elle décidait de dénoncer la coréenne. « Ou au moins trente minutes. Marché conclu ? » demanda-t-elle en arquant un sourcil vers sa camarade, avant de se baisser et d’attraper une crotte pour la mettre dans le cas, une grimace sur les lèvres, le nez pincé. C’était dégoûtant. Qui aurait cru qu’elle ferait ça un jour ? Mais au moins elle montrait sa bonne – entre guillemets évidemment – volonté à Lina. Peut-être qu’elle concéderait à lui accorder ce qu’elle avait si gentiment proposé. Gentiment, entre guillemets encore une fois.

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