☆Je revenais tout juste d’un voyage au Japon d’une semaine. Une semaine à passer avec des actionnaires pour gagner des bénéfices pour l’entreprise de mon père. Ce connard. Une semaine pour lui faire plaisir à lui. Une semaine loin de celle que j’aimais. Encore. Elle allait probablement me tuer de l’avoir encore laisser seule alors que mon dernier aller-retour datait du mois passé. Elle avait de quoi me haïr, et je la comprenais. Mais je ne pouvais m’empêcher de venir chercher mon châtiment au milieu de ses bras. J’en étais comme accroc. Accroc à elle. Elle pouvait me haïr autant qu’elle le voulait, cela ne m’empêcherait pas de l’aimer et de vouloir être auprès d’elle. C’était dans cette optique là que je me dirigeais vers le Kurss, ayant troqué ma Bmw pour ma petite Hyundai. Je me garais  sur le parking, entrant dans le bâtiment après avoir fermé la voiture à clef. Je pénétrais à l’intérieur, l’air de rien, m’attendant à voir BoBae au bar pour lui faire la surprise de mon retour. Je ne l’avais pas prévenue, car à la basse, je ne devais revenir que dans la nuit de demain, mais j’étais parvenu à le libérer plutôt. Un peu déçu de ne pas la voir, je vins m’asseoir au bar pour l’attendre. Kan ne pourrait pas me foutre à la porte comme il l’entendait cette fois. Je ne cherchais pas la merde et commandais un whisky à la barmaid. J’étais donc un client. Et ne dit-on par que le client est roi ? Alors que je sirotais tranquillement mon verre, je sentis comme un regard pesé sur moi. Je n’arrivais pas à distinguer d’où il venait dans l’immédiat, mais cela ne dura pas longtemps. Je repérais la jeune femme qui me fixait avec insistance à l’autre bout de la pièce. Une élégante et belle jeune femme. Ce n’était pas la première fois que je la voyais. J’étais venu plus d’une fois au Kurss pour retrouver Bobae et presque chaque fois, cette demoiselle était là, quelque part, me fixant de ses grands yeux de chat sans jamais venir m’adresser la parole. Mais maintenant que j’étais seul, ce regard me pesait et me mettait quelque peu mal à l’aise sans que je puisse expliquer pourquoi …

Je l'attendais, encore une fois. Je ne sais pas trop où il est passé, il n'a pas pensé à me le faire savoir ou à laisser une trace quelque part. Il est comme ça, Kan. Il fait ce qu'il veut, quand il veut, et il oublie des fois qu'il n'est pas tout seul. D'habitude je ne m'en préoccupe absolument pas, je trouves ça  - au contraire – rassurant de savoir qu'il n'a pas besoin de dépendre de quelqu'un. Mais cela fait parti des complications que je rencontre en ce moment. Et je commence, je l'avoue, à en être un peu las...


J'étais assise à une table, prenant quelques gorgées de mon sirop à l'eau. Pensive, je jetais quelques regards furtifs aux clients jusqu'à faire un blocage sur un d'entre eux. Toujours le même. Le petit ami de Bo Bae, Shin je crois. Cela fait plusieurs fois qu'il vient ici, et plusieurs fois que je me répète dans ma tête «  je suis sûre que c'est lui. C'est évident, je le reconnaîtrais parmi une foule entière. » Et plusieurs fois où je reste assiste à l'observer comme une idiote. Je ne voulais juste pas être déçue en me trompant. Mais je me disais que mes chances de me tromper étaient très minime.

Devais-je me lancer ? Je n'osais pas. A contrario, et si c'était vraiment lui ?

☆Ces regards se faisaient de plus en plus lourds, de plus en plus pesant. Quand Bobae était là, je pouvais passer outre, car mon attention était occupée par ma belle. Mais ici, je suis seule avec mes états d’âme. Alors mon esprit vagabonde et reste fixé sur ses yeux qui ne cessent de se planter dans mon dos. Cette situation devenait de plus en plus inconfortable. Que me voulait-elle bon sang ? Si elle avait quelque chose à me dire, elle pouvait bien venir me le dire en face non ? Je ne faisais pas si peur que cela. J’étais peut être un peu impressionnant aux premiers abords, mais je ne mordais pas. J’étais sur le point de me lever pour me diriger directement à la chambre de Bobae pour fuir cette situation. N’y tenant plus, je bus mon vers cul sec, avant de sauter de mon tabouret et de marcher droit sur la jeune femme assise à une table. Je tirais une chaise en face d’elle sans un mot, m’asseyant. Je soutins son regard pendant quelques secondes qui me parurent de longues minutes, attenant un quelconque geste de sa part. Mais rien. Alors je continuais sur ma lancer. Mes mains croisées, posées sur la table, je me tenais bien droit, un peu tendu. « Ecoutez mademoiselle. Il faut qu’on parle. » Je me faisais le plus poli possible, évitant de causer le moindre problème de peur que Kan me surprenne et me lâche ses deux molosses au cul. Je me penchais un peu en avant, prenant un ton de confidence. « Il me semble que ce n’est pas la première fois que je vous croise ici. Et à chaque fois, vous me fixer sans le lâcher du regard. J’aimerais savoir pourquoi ? » Voilà. J’avais finis par lui demander. Je n’aimais pas rester sur un malentendu ou une ambigüité. Cette situation avait assez durée. Et puis, je ne voulais pas me faire engueuler par Bobae parce qu’une autre femme me regardait de loin. J’avais assez de soucis ainsi. Au moins cette fois, nous serions fixé. J’allais enfin savoir ce que cachait ce regard persistant sur ma personne.

C'est au moment où je relevai mon regard vers lui, toujours aussi hésitante, que je le vis terminer son verre à vitesse grand v. Je plaquai une main sur mon front, bien consciente de la situation, et appréhendais sa venue... qui se fit rapide. J'avais un peu honte c'est vrai. Ca ne se fait pas, de fixer les gens de la sorte. Mais j'étais trop dans le doute pour rester à regarder mes glaçons, en faisant comme si il n'existait pas. Car si c'était vraiment le Shin que je penses, alors cela serait complètement fou. Cela illuminerait sans doute un peu ma journée, comme cela me rendrait mélancolique sûrement. Mais j'avais déjà le cœur qui battait à mille à l'heure. Parce que j'en étais sûr à 99%. Le pourcentage restant, c'était à lui de me le donner, de me le confirmer.
A travers mes doigts, je vis qu'il se ruai sur moi et je pinçai mes lèvres en levant la tête, lançant d'abord un coup d'oeil sur le côté, gênée. Terriblement gênée. Je l'écoutai parler, et avait bien conscience à quel point cela pouvait le perturber. Je ne pus cependant m'empêcher de penser que j'étais perturbée aussi.

Une fois qu'il eut fini, je le regardai dans les yeux puis attrapai mon bloc note avec mon crayon à papier. Je me trouvais ridicule parfois... mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé alors je m'en contente. Sur une feuille, je marquai le nom du collège où je me trouvais au Japon. Je lui fis lire, puis repris la feuille pour inscrire autre chose. «  Ran. » C'était le prénom que l'on m'avait attribué au pays du soleil levant. Et celui par lequel il me reconnaîtrait si il était bien celui que je pensais.
Si c'était bien le Shin avec qui j'étais à l'école, pendant mon enfer. Si c'est bien celui dont je n'ai plus aucune nouvelle depuis mes 17 ans. Et qui n'en a plus de moi également. Je me mordille l'intérieur de la lèvre, anxieuse de sa réaction. Et le regardais, attendant une réponse de sa part... une réponse quelconque. J'étais dans tout mes états, même si ça ne se voyait pas.

☆J’attendais une quelconque réaction de sa part qui ne vint pas. Je m’attendais à ce qu’elle s’excuse en balbutiant ou qu’elle se lève et parte gênée. Je ne sais pas. Quelle fasse un truc. Je m’attendais à tout sauf à ca. J’attendais un moment avant qu’elle ne réagisse. Elle finit par me regarder droit dans les yeux après une série de regards fugaces. Je l’observais alors qu’elle attrapait un bloc note et de quoi écrire. Que faisait-elle donc ? Était-elle muette ? J’essayais de voir ce qu’elle écrivait, mais je ne savais pas lire à l’envers. Donc j’attendis qu’elle ait terminée. Je lui jetais un coup d’œil avant de lire la feuille qu’elle me tendait. Je fronçais des sourcils. Comment connaissait-elle le lycée dans lequel j’avais été quand j’étais au Japon ? Je connaissais peu de personne à cette époque. Une période plutôt difficile de ma vie pour ne pas dire la pire. Si nous avions été à la même école, j’aurais du le reconnaitre, mais j’avais beau la regarder, je ne la reconnaissais pas. Son visage ne me rappelait personne. Il y avait bien quelqu’un, mais elle n’avait rien en commun à par leur mutisme. Une amie à elle peut être ? Je la fixais à nouveau, essayant de percer le secret qu’elle tentait de me révéler. Je lui rendis la feuille, fixant ses doigts qui frôlait le papier, y déposant de nouvelles lettres. Je baissais les yeux pour lire. « Ran. » répétais-je tout haut. Je crus que mon cœur allait s’arrêter. Comment était-ce possible ? « Impossible ! » dis-je un peu trop brusquement en la regardant le regard sévère. J’arrachais le bout de papier du bloc note, le chiffonnant en boule avant de le jeter sur le sol. « Si c’est une blague, elle n’a rien de drôle ! » Ran. Goto Ran. Une de mes seules amies au Japon. La seule à qui je m’étais accroché comme une bouée pour ne pas couler. Mais aussi celle qui m’avait abandonné du jour au lendemain alors que j’avais le plus besoin d’elle. Elle était devenue un sujet sensible, mais elle faisait partie de mon histoire, et en aucun cas, je ne laisserais quelqu’un se moquer d’elle « Qu’est-ce que vous me voulez ? Je ne vous connais pas et je n’ai aucune envie de vous voir jouer avec le prénom Ran. » Enervé, j’étais prêt à me lever pour quitter la table et sortir du Kurss, Et tant pis si je ne voyais pas ma belle, j’étais trop en colère pour cela…

Cette fois c'était certain. C'était bien lui, il n'y avait plus de doute. Je sentie une vague d'allégresse me retourner l'estomac, expirant de soulagement en l'écoutant. Je reconnaissais bien là son tempérament de feu, ça ne m'étonnait pas. Ca me faisait même sourire intérieurement. Pourtant il n'y avait pas de quoi ; il semblait réellement contrarié. Qui aurait cru qu'il était aussi sensible à mon sujet ? C'est vrai que je suis partie sans rien dire.e n'était pas ma faute, je n'ai jamais voulu que cela se passe ainsi. Si j'avais eu le choix, dans le passé, rien ne se serait passé comme cela de toute façon. Mais maintenant, il ne devait plus me reconnaître du tout. Je suis tellement passé sous les machines que je ressemble à un mannequin en vitrine. Il n'y a qu'à voir sa réaction pour comprendre : il me voit, me parle, je lui dis que c'est bien moi. Et il reste dans le déni total.

Le voyant furieux, l'entendant hausser le ton, j'hochai la tête négativement puis pris ses deux mains dans une des mienne en les serrant tendrement. Mes yeux étaient grand ouvert, prise par les émotions et j'essayais de lui faire comprendre. De ma main libre je tapote sur ma poitrine, avec insistance. Pitié qu'il me reconnaisse.. si il y a 30 secondes j'étais pleine de joie, maintenant j'étais revenue à la phase d'anxieté. Que se passerait-il si il décidait juste de partir du bar sans se retourner, en me prenant pour une folle furieuse ? Non ça ne se passera pas comme ça. Je suis prête à lui donner tous les élèments pour qu'enfin il saisisse. J'en avais les larmes aux yeux, la boule au ventre. J'avais la même sensation quand j'ai retrouvé Moeko. Parce que ce n'est jamais facile, de voir ressurgir son passé de la sorte.

☆Que me voulait cette femme ? Pourquoi me parlait-elle de Ran ? Ca m’avait tellement surpris de revoir surgir ce nom de nulle part, comme si mon passé avait décidé de me sauter au visage du jour au lendemain, sans grande explication. Mais ce qui me surprenait le plus c’était que cette femme connaisse ce nom. D’où elle pouvait bien le connaitre ? Et comment pouvait-elle être au courant que Ran et moi nous nous connaissions ? Cela c’était passé au Japon et elle avait disparu de ma vie comme elle y était entrée. Peu de gens était au courant. J’avais peu d’amis. Et ce visage n’en faisait pas partie… Je ne me rappelais pas d’elle. De près ou de loin, elle ne me disait rien. La seule chose qui me marquait chez elle était son mutisme qui était pareil que celui de Ran. Peut-être que … ? Je l’observais un moment sans la lâcher du regard. Non. Impossible. Ce ne pouvait être elle. Elle était bien trop différente physiquement. Et pourtant… la façon dont elle m’attrapait les deux mains pour me retenir, m’évitant de partir en la laissant là, me regardant de ses deux grands yeux de chat brillant, elle me fit hésiter… je la fixais, hésitant, tremblant, de peur de faire face à la réalité… elle avait les mêmes gestes qu’elle pour apaiser ma colère ou mon agacement, elle savait comment faire pour que je me calme et que je revienne moi-même. Et cette façon qu’elle avait de se taper la poitrine… un geste bien à elle dont je ne comptais plus les fois où elle l’avait fait pour communiquer avec moi. Je sentais l’émotion me gagner peu à peu, les yeux brillant, je souris bêtement, prêt à rire devant l’absurdité de la situation. « Ran, c’est toi ? » oui j’en étais certain, maintenant. C’était elle. Instinctivement, je l’attrapais par le poignent, l’attirant vers moi, l’enroulant de mes bras. « Bordel, Ran. Qu’est-ce que tu fous là ? » Demandais-je la voix tremblante par ses retrouvailles inespérées. « Tu m’as tellement manqué… » Marmonnais-je doucement, la serrant un peu plus contre moi. La vie est parfois étrange. Je ne l’avais pas vu depuis quatre ans, et pendant tout ce temps, elle était si près.

Je tremblotais d'impatience, je voulais absolument voir sa réaction, savoir si c'était bon, si il fallait que j'en reste là ou non. Si il fallait que je me mette en quatre pour faire mes preuves. Mon regard était intense, tant ma volonté était grande.  Je voulais qu'il se souvienne de moi. Parce qu'il faisait partie de ces fragments de bonheur que j'avais « laissé » au Japon, que je garde précieusement pourtant dans mon cœur. Personne ne sait rien de tout ça. Pour les gens, je suis juste muette et j'ai toujours vécu avec ma famille actuelle. La réalité est un peu plus triste, et loin de ce qu'ils peuvent imaginer. Cependant c'est un chapitre de ma vie, et Shin a fait – fait – partie de ma vie. Il n'en sait pas plus que les autres, mais les évènements nous ont rendus proches à notre insu. Il était cette petite lueur dans l'obscurité, lorsque j'étais là-bas.  Lui et Moeko me donnaient moins la sensation d'avoir été seule. Et qui l'eut cru ? C'est incroyable mais vrai. Pourtant je les retrouve ici tout les deux. Ca en serait presque absurde.


Je le vois d'abord sourire et je ne sais pas si c'est goguenard, ou sincère. Je panique un peu, je ne le cache pas. Mais il me parle. Sa voix est chevrotante. Et il me reconnaît enfin. Je ne pourrais décrire la vague de soulagement qui m'a transporté à cet instant, mais je fus comme ôtée d'un poids énorme. Je souris et rit un peu en hochant la tête vivement, de haut en bas. Mais il se lève, et mon sourire se transforme en grimace. Je me rue sur lui pour l'enlacer, et pleure, la gorge serrée. Pourquoi donc.. Sûrement la fatigue, le fait de le savoir là, qu'il n'ait pas pu me reconnaître avec ce visage trop parfait pour être vrai, l'entendre m'appeler par ce prénom qui n'est pas le mien. Tout. Cela me bouleversa tout simplement. Sans l'étrangler, je l'étreignais fort. Ca me faisait du bien . Pourtant c'était comme une claque en pleine figure. J'en avais besoin je suppose.

☆Presque quatre ans que je ne l’avais pas revue. Comment en quatre ans une personne peut-elle autant changé physiquement ? A part avoir fait de la chirurgie plastique, je ne voyais que cela. Ce qui avait bien failli faire que je ne le reconnaisse pas. Mais heureusement, ses grands yeux et ses gestes tendres n’ont pas changé eux, ils sont toujours resté tel quel. Je ne l’avais pas vu depuis si longtemps que ne pensait jamais la revoir et surtout pas ici, au kurss. Son rire aussi m’avait manqué. Il arrivait à me rendre le sourire quand je ne l’avais plus à l’époque. Un si doux son pour mes oreilles. Elle s’accroche alors à moi, les larmes coulant sur ses joues. J’avais une envie folle de pleurer à mon tour, mais cela faisait bien longtemps que je ne savais plus comment on faisait. L’envie était là, mais les larmes restaient à l’intérieur. Et puis, je m’étais promis de ne plus jamais pleurer. Pleurer, c’était pour les faibles. Mon père me l’avait assez répété. Je la serrais un peu plus fort contre moi avant de reculer d’un pas, passant une main sur sa joue, essuyant une larme avec mon pouce. « Ne pleure pas Ran. » chuchotais-je d’une voix rassurante tout en lui souriant, heureux de la voir si épanouit. Je regardais autour de moi comme si je ne me souvenais plus être au kurss et que le bruit ambiant s’était comme arrêter le temps de ce moment émouvant. « Mais dis-moi ! Qu’est ce que tu fais ici ? » oui, c’était étrange de la trouver dans ce bar. Et ce n’était pas la première fois. Chaque fois que je venais, elle était toujours là, dans un coin. « Tu es une habituée ? » demandais-je surpris.