Miharu détestait se rendre à ses cours, d'autant plus que son cursus ne lui plaisait pas. Les études, dans leur globalité, ne lui plaisaient pas. Elles l'agaçaient. L'ennuyaient. Et lorsqu'il s'ennuyait, il était tout bonnement impossible qu'il se concentre ne fusse que quelques minutes. Excepté lorsqu'il s'agissait de gratter les cordes de sa guitare ou de retenir des mélodies, sa concentration se dissipait plus que facilement, l'amenant à se tourner les pouces ou flâner durant les périodes de cours. De toute façon, le jeune homme se fichait éperdument de réussir ou non les examens de fin d'année. Il avait seulement à assister aux séances pour le bon plaisir de son père, le reste ne le concernait plus. Seule sa présence physique était demandée ; sa présence mentale, elle, se situait à des lieux de là.

Ce jour là, les cours débutaient dans l'amphithéâtre, et, comme à son habitude, il prit place dans un coin, vers le fond. Il n'appréciait pas vraiment la compagnie des autres, faisant en sorte de se retrouver seul, cherchant un peu de calme et tranquillité. Il ne se rendait pas ici par plaisir ou par intérêt mais simplement par devoir, et celui-ci, en plus d'être mortellement ennuyant, devenait totalement pénible lorsqu'il avait à supporter la présence de quelqu'un d'autre. C'est pourquoi, lorsqu'un jeune homme vint s'asseoir à ses côtés avec un air indéniablement intéressé, il poussa mentalement un soupir, tentant d'ignorer sa présence du mieux qu'il le pouvait. Mais cet effort fut un échec d'entrée de jeu : à peine son voisin lui avait-il adressé la parole qu'il se tourna vers lui, intrigué. Comment connaissait-il son nom ? Saisissant l'expression de son regard et le petit sourire sournois qui étirait ses lèvres, il ne put s'empêcher de ressentir un semblant d'anxiété. Il lui était assez rare de se faire aborder de la sorte, et quelque chose lui disait que cette personne avait une idée bien précise derrière la tête. Et lorsqu'il se rapprocha pour lui murmurer une question, cette sensation fut aussitôt confirmée : visiblement, il venait pour lui poser des questions. Si ce n'était simplement que pour l'embêter. D'ordinaire, lorsque quelqu'un émettait ce genre de questionnements à son égard, Miharu avait pris l'habitude -passe partout- de sourire. Mais cette fois-ci, la rumeur était un peu trop grosse pour qu'il la rejette d'un simple sourire. Il en vit même, l'espace d'un instant, à regretter ses comportements antécédents qui avaient pu donner aux ragots qui courraient sur lui ce genre de proportion. Il se sentit même presque gêné. Il avait beau avoir un look...un peu particulier, ce n'était pas pour autant qu'il était ce genre de personne. Si ce n'était pour dire qu'il était à l'opposé. "Non, c'est faux et...et totalement infondé" lui répondit-il d'une voix basse qu'il tentait de maîtriser en dépit de la gêne qu'il ressentait. Il détourna aussitôt son regard du jeune homme, feignant de s'intéresser au cours afin de couper court à ses questions qui le mettaient mal à l'aise de par leur extravagance.

Le jeune homme assis à côté de lui commenta la réponse qu'il venait de lui donner, jouant les ingénus tout en feignant l'étonnement. Rien ne venait seul ? Non, c'était simplement qu'il n'avait jamais rien fait pour aller contre toutes ces rumeurs, enfin du moins jusqu'à aujourd'hui. Visiblement, son voisin restait sur sa faim et ne semblait pas du tout vouloir le laisser tranquille, enchaînant directement sur une nouvelle question. Et même si Miharu, tant bien que mal, essayait de faire abstraction de ce qu'il disait, il ne put s'empêcher de se retourner une nouvelle fois vers lui. C'était bien la première fois qu'il entendait ce genre de rumeurs à son propos. Puis...de la gourmandise ? Comprenant aussitôt la signification de ce terme, il sentit le rouge lui monter aux joues comme à un adolescent, incapable de maîtriser la réaction de son corps et le maudissant au passage pour cela. Il ne savait pas vraiment comment ces rumeurs avaient pu se répandre à l'université, d'autant plus qu'il ne connaissait pas la réponse lui même. C'était même assez incongru de constater que toutes ces choses courraient à son sujet, lui qui n'avait absolument aucune expérience dans ce genre de domaine, que cela était amoureux ou bien encore plus "intime". Le japonais ne comprenait absolument pas pourquoi il lui posait ce genre de questions -et encore moins pourquoi il le faisait en plein milieu d'un cours- mais ce qui était sûr, c'est qu'il se sentait incroyablement mal à l'aise. C'était plutôt personnel, non ?... Il jeta un bref coup d'œil autour de lui, vérifiant que personne ne faisait attention à eux, avant de reporter son attention sur le jeune homme. "P-pourquoi est-ce que tu me poses toutes ces questions ?" lui demanda-t-il, légèrement perdu et un peu confus, se demandant ce que cette personne lui voulait réellement. "Puis...tu es qui, d'ailleurs ?..."

Miharu n'aimait pas le sourire qu'il voyait progressivement apparaître sur le visage du jeune homme. Il avait...quelque chose de sournois. De félin. Le sourire d'un chat qui avait piégé sa proie. Et lorsque celui-ci lui dit qu'il était simplement curieux, il se sentit d'autant plus mal à l'aise. Il n'aimait pas "les curieux". Pas du tout, même. Le japonais s'était toujours affairé à attiser la curiosité des autres afin de la détourner de la vérité. Plus les rumeurs grossissaient et plus le mystère s'épaississait. Du moins, il avait toujours procédé de la sorte jusqu'à ce que cet étudiant lui tombe dessus avec ses rumeurs d'une ampleur démesurée. Il sortait du lot, clairement. Et la façon dont il se présenta à lui, lâchant avec une certaine fierté qu'il était l'auteur de beaucoup de troubles à l'université, accentua encore l'angoisse de Miharu. Pourquoi une telle personne devait l'accoster ? Il demandait simplement à ce qu'on le laisse tranquille, rien de bien compliqué ni de trop exigeant, non ?... Le nouveau sourire qui étira ses lèvres lui fit légèrement froncer les sourcils de désespoir. Il ne pouvait même pas quitter l'amphithéâtre vu le monde qu'il y avait aujourd'hui. Il jeta un regard autour de lui, constatant qu'il allait devoir endurer cette conversation jusqu'à la fin de l'heure.
La nouvelle question du jeune homme le perturba. Visiblement, il en savait assez long sur lui pour pouvoir dire qu'il ne faisait jamais rien pour couper cours aux rumeurs qui le suivaient. Il passa une main dans ses cheveux décolorés, perturbé, cherchant à éviter le regard de son interlocuteur. Au fond, n'était-il pas plutôt une sorte de...stalker, ou quelque chose dans le genre ? Il s'humecta les lèvres, tentant de trouver une réponse correcte qui pouvait tenir la route. Et vite. "Parce que..." Il s'arrêta de parler, réfléchissant. Seule la vérité lui venait en tête, d'une façon tellement simpliste que cela en devenait bête. "Parce que c'est mieux qu'ils pensent ce qu'ils veulent" lâcha-t-il honnêtement avant de se rendre compte des mots qui venaient de franchir ses lèvres. "Enfin, j-je veux dire que ça m'est égal...ça m'est égal de les voir penser ce qu'ils veulent !"tenta-t-il de se rattraper en bafouillant maladroitement, sentant légèrement le rouge lui monter aux joues. Embarrassé, il détourna une nouvelle fois le regard et se mordit la lèvre. Définitivement, il était perdait tous ses moyens lorsqu'on tentait de le mettre dos au mur : un véritable gamin.