Oui, mon devoir de biologie est que la semaine prochaine et je suis déjà en train de le réviser. D’un, je bosse toujours des cours en avance parce qu’on sait jamais ce qui peut arriver à la dernière minute. De deux, c’est une de mes seules soirées de libre où je peux le faire parce que, moi, j’ai un boulot. Je travaille presque tous les après-midi où je n’ai pas cours et presque tout le weekend. Et le reste du temps… Bah, j’ai Yael dans les pattes. Alors, je n’y prends le plus tôt possible. Pour m’assurer un minimum quand ce genre de situation arrive. Et aujourd’hui me confirme que j’ai raison de m’avancer. Et pour une fois, ça m’énerve d’avoir raison. Et ce n’est pas le couinement et la plainte de Yael qui font me redonner le sourire. Lui faire mal ? Pauvre chat. Je lui ai juste cassé le nez une fois et ce n’était même pas volontaire. Et puis, j’aurais pu faire pire. Un nez cassé, c’est rien… « Non, tu mériterais que je te torture à mort. ». Je monte sur le canapé, les genoux sur l’assise. Je m’appuie à l’aide mes coudes sur le haut du canapé et je me penche par-dessus. C’est moyennement classe pour position et d’ailleurs, heureusement que je ne suis pas en jupe. Mais faut bien que je cherche mon livre. Mais à part de la poussière, rien en vue. Je tourne la tête vers Yael, toujours dans la même position. Je fronce les sourcils. « Tu l’as mis où ? ». Il est chiant, je vous jure…

J’arrivais à lâcher prise quand je le voulais. J’avais apprit à prendre du temps pour moi, à prendre du temps pour relaxer et faire ce que j’avais envie. Chaque fois que je revenais dans notre chambre, je trouvais Aliyyah assise à son bureau, le nez dans un livre, un crayon à la main. Est-ce que les profs de biologie sont vraiment chiants et donnent des devoirs tous les jours? Je ne crois pas. Certes, la charge de travail doit tout de même être assez élevée, mais pas de là à la voir étudier tous les jours. Ce n’était pas normal.

Dès que je vois Aliyyah s’avancer vers moi, je me recule, reglissant mes mains derrière le canapé. Elle est un peu trop près et, malheureusement, je suis un peu coincé derrière le meuble. L’échappatoire sera assez difficile. « Je te jure que si tu me touches, je crie au meurtre. » Et elle savait que j’avais une voix assez puissante lorsque je le voulais. Je me reglisse complètement derrière le canapé lorsqu’elle pose ses coudes sur le dossier, entreprenant de me sortir de ma cachette du mieux que je le pouvais, traînant toute la poussière avec moi. « Je l’ai lancé dehors avant de me cacher. » Dès que je me redresse, je frotte mon pantalon pour retirer le résidu de poussière, esquisse un grand sourire amusé. « Ça ne te tuera pas de ne pas étudier. »

Même en fusionnant avec le meuble ici présent. Je m’en fou totalement qu’il crie au meurtre, personne viendra le sauver de toute façon. Ils auraient trop peur des représailles de ma part. Parce que si quelqu’un m’empêche de me venger, il sait très bien que ça ne se finira pas aussi facilement. Quand il se fond derrière le canapé pour m’échapper, je grogne. Je me penche encore plus derrière le canapé pour me rapprocher de Yael, il n’arrivera pas à me fuir longtemps. Alors que je m’apprête à me relever de mon appuie, Yael ma lâche la bombe qui lui coûtera sûrement la vie. Je mets quelques temps à réagir, je m’attendais vraiment pas à ça. Dès qu’il se redresse, je saute hors du canapé. « T’AS QUOI ??? ». J’ai pire que hurler, je me suis défoncée la gorge. Littéralement. Je l’attrape rapidement par les épaules et le secoue comme un palmier. « T’AS FAIT QUOI ??? ». Je sais, je me répète. Mais je suis en état de choc, faut me comprendre. Je regarde autour de nous, en le tenant toujours par les épaules. J’en reviens pas qu’il est fait ça ! Et si ce n’est pas moi que ça tue de ne pas étudier, lui par contre, je sens vraiment que ça va être sa dernière journée sur terre ! Je lache enfin ses épaules, pour rapidement attraper son oreille. Je n’ai aucune pitié, je tire bien fort. « Tu vas me le chercher, sinon tu dors dehors cette nuit. ». Je suis même capable de passer son matelas par la fenêtre, s’il continue.

Je crois que je viens franchement de me tirer dans le pied. Je sais être inventif, je sais me sortir de bien des situations sans trop me faire mal, mais là, c’est l’hécatombe. Je viens de signer mon arrêt de mort sans même m’en rendre compte, et quand je m’en suis rendu compte, il était bien trop tard. « Nan mais. Il doit être dans l’herbe, c’est pas la mort! » Dis-je en haussant nonchalamment les épaules, comme si ce petit détail était insignifiant. Ce n’était pas la mort, son livre n’allait certainement pas se sauver en courant. Sauf qu’Aliyyah ne s’était pas décidé à aller le chercher non plus, au contraire. Je sens ses doigts s’attaquer à mon oreille et je chouine, posant mes doigts contre son poignet. « NON MAIS T’ES FOLLE? LÂCHE! LÂÂÂÂCHEEEE! » Je lui lance un regard noir, me laissant tomber à genoux en signe d’abandon. « Je te jure, t’es pas possible! » Je repousse sa main le plus loin possible, posant ma paume contre mon oreille, un peu pour la protéger, mais aussi pour tenter de soulager la douleur. « Il est sous le canapé ton putain de livre. Vas le chercher toi-même! »

Mon livre de bio est dans l’herbe… C’est une blague c’est ça ? C’est ça, tout ça n’est qu’une énorme blague. Ca expliquerait le pourquoi du comment… Mais l’habitude me fait dire que ce n’est pas une blague et que ça ne m’étonnerait pas que Yael est balancé ce pauvre bouquin par la fenêtre. Il m’en est à fait capable pour avoir de l’attention. Et pour le coup, il a ce qu’il cherchait. Il a mon attention mais peut-être pas de la façon qu’il voulait. Et vu comment il couine et il hurle, le fait que je lui tire l’oreille ne lui plait pas des masses, pourtant c’est une attention comme une autre. J’ignore son regard noir, il me fait pas peur du tout de toute façon, et je le regarde se rendre à genoux d’un air vainqueur. La douleur fait capituler tout le monde, il n’y échappe pas ! Alors que je m’apprête à gentiment le remercier d’arrêter en croyant qu’il allait me rendre mon livre, je l’entends s’énerver. Et les paroles ne me plaisent pas vraiment. Je fronce de nouveau les sourcils et je le pointe du doigt. « En plus, tu te fais passer pour la victime ! ». C’est toujours comme ça avec lui. Cette fois, je rigole plus du tout. « Tu sais quoi ? Tu me saoules. ». J’ai dit ça d’une voix froide, que j’utilise rarement avec Yael. Je soupire puis je quitte la pièce, bien décidé à retrouver mon livre.

Je baisse doucement la tête, déglutissant. Je crois que je n’ai jamais vu Aliyyah ainsi. Ça fait deux ans que je la connais, oui. Deux ans que je lui tape sur les nerfs à pratiquement tous les jours, deux ans que j’essaie d’avoir son attention parce que je la trouve trop studieuse et qu’elle devrait prendre le temps de s’amuser un peu plus. En deux ans, c’est la première fois qu’elle utilise ce ton de voix avec moi et, directement, je me dis que j’ai franchis une ligne que je n’aurais même pas du approcher. Ai-je atteint le point de non retour? C’est ce que je me demande. Je regarde la Sango quitter la pièce, ses pas résonnants dans tout le dortoir tellement elle émane la colère. Je me tire vers le canapé, sortant le livre de sa cachette, et m’empresse d’aller la rejoindre. « Aliyyah… » Je murmure doucement, la tête baissée. Je tends son livre vers elle, sans la regarder, comme si ce simple geste fait qu’elle pourrait me pardonner. « Je suis con, je sais. Je m’excuse… » J’espérais surtout qu’elle ne déciderait pas de me rayer de sa vie. Vivre en colocation avec quelqu’un qui ne veut plus vous parler, ce n’est pas évident.

Je marche rapidement dans le couloir dans rejoindre l’extérieur. Je sais même pas où il l’a jeté mon livre. Je vais en avant pour des heures pour le retrouver. Mais ce livre c’est toute mon année de fac et aussi une petite part de mes économies, alors je ne peux pas le laisser dehors. Quand j’y pense, je suis aussi déçue de Yael que je suis en colère contre lui. J’étais vraiment prête à lui réserver une partie de ma soirée, après avoir révisé un peu du moins, s’il coopérait… Mais pour maintenant, il peut aller se faire voir. J’ai même plus envie de le voir et je me demande même si je ne vais pas aller à la bibliothèque une fois que j’aurais mon bouquin. Arrivé à la moitié du couloir, j’entends mes pas qui me rattrapent. J’hésite quelques secondes à me retourner quand Yael prononce mon nom, pour finalement le faire. Quand je vois mon livre, je ne réfléchis pas et je lui arrache de la main. Je lève mes yeux vers lui prête à de nouveau l’engueuler mais je ferme la bouche quand je me m’aperçois qu’il a la baisse baissée. Il s’en veut, ça se voit. Je mords la lèvre soudainement mal à l’aise. Je n’aime pas le voir comme ça… « T’es nul… ». C’est tout ce que je trouve à dire. Je pose alors ma main dans ses cheveux pour le décoiffer. « Aller, viens. ». Je l’attrape doucement par le bras en souriant, puis je le tire pour faire demi-tour.

Je peux dire que je me sens mal, oui. Je ne me sens pas dans mon assiette, sur le coup, et ça me prend beaucoup de courage pour me l’avouer. J’aime embêter notre vice-présidente, mais pas à ce point. Pas au point de la voir péter un plomb et de me parler ainsi. C’est pourquoi j’ai décidé de lui redonner son livre plus rapidement que prévu, en espérant qu’elle ne m’en veuille pas trop. Vu comment elle attrape son livre, je me dis que je pourrai espérer longtemps avant qu’elle ne me reparle. Et pourtant. Ses mots arrivent tout de même à m’arracher un petit sourire. Je relève la tête en sentant sa main se glisser dans mes cheveux, la laissant me traîner avec elle. « Tu sais, la chambre est de l’autre côté, hein. Tu peux étudier, maintenant. » Je tends une main pour replacer l’une des mèches de la vice-présidente, esquissant un nouveau sourire. L’envie de la faire chier était passée. Je me sentais assez mal, je n’allais pas poursuivre. Ça avait suffit à me calmer. « Je resterai dans le salon, ou alors j’irai ailleurs. Tu seras tranquille. Sage comme une image. » Je relève mes mains au dessus de ma tête pour créer une auréole, comme si j’étais un ange alors que je savais parfaitement que c’était le contraire. L’espoir fait vivre.

C’est rare que nos disputes aillent aussi loin. Normalement, je finis par arrêter de courir au bout d’un moment, lui aussi, on fait la paix et je retourne étudier après une bonne heure. Je ne sais pas vraiment ce qui a changé cette fois… Il a été plus loin que d’habitude ? Ou j’ai été plus susceptible que d’habitude ? Mais pour le coup, je crois qu’on se sent aussi con l’un que l’autre. Yael parce qu’il a peut-être été un peu trop loin. Et moi que j’ai peut-être réagi un peu de façon excessive. Mais vu la situatio, je ne vais pas tranquillement retourner travailler. Contrairement à ce qu’il a l’air de croire. Et il a tous ses raisons de penser ça, puisque c’est ce que je fais en temps normal. Je le laisse replacer un de mes mèches de cheveux. Seuls les sangos savent à quel point je suis affective, et plus d’un à l’extérieur serait surpris de voir que je me laisse faire. Mais j’aime bien quand il fait ça. Quand je le vois faire une auréole avec ses mains, je rigole un peu moqueuse, parce que bon, c’est qu’à moitié la vérité quand même… Puis je secoue la tête de droite à gauche pour monter mon désaccord avec ses dernières paroles. « Non, non, c’est bon… Tu veux faire quoi ? ». Je regarde mon livre avec dépit, tant pis, ça sera pour une autre fois ses révisions. « Faut juste que je trouve un endroit pour poser ça, à l’habit des kidnappeur comme toi. ». Des fois, je suis quand même vachement sympa.

C’était dur à croire que l’atmosphère puisse changer aussi rapidement et, surtout, aussi drastiquement. Nos courses poursuites ne duraient jamais bien longtemps. L’un des deux se fatiguait toujours plus rapidement, l’un des deux laissait tomber avant que quoi que ce soit ne puisse être fait, etc. La tension restait toujours bien présente et ce pendant un long moment. Pourtant, en ce moment, j’avais l’impression que la poussière était déjà complètement retombée, que cette atmosphère lourde de haine et d’envie de meurtre était passée plus rapidement qu’à la normale. Ce qui, au final, était mieux. J’arque toutefois un sourcil lorsqu’Aliyyah me demande ce que je veux faire, un peu surpris. « En fait.. En fait, je ne sais pas du tout… » Mes joues se gonflent une énième fois, attrapant le livre de la vice-présidente entre mes doigts. J’ouvre la porte de la chambre de Jina, encore vide, et balance le bouquin sur le livre de la présidente avant de refermer la porte. « Personne ne viendra l’embêter ici, crois-moi! » J’aimais bien m’attaquer à Aliyyah, mais je ne crois pas que qui que ce soit irait s’en prendre directement à la présidente. Et puis, ce n’était qu’un simple livre… Qui volerait un livre de biologie? « On pourrait cuisiner pour les verts, non? Un bon repas, avec des desserts et tout. » Juste à y penser, je salivais déjà.