Installé, maintenant, je le suis, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a déjà du bordel sur mon lit et au niveau de mon armoire, et encore, je dois me faire violence pour éviter de retourner toute la chambre. Ils auraient peut-être dû profiter un peu plus de mon absence, et surtout de l'absence de mon bordel. J'ai la décence de ramasser quelques chaussettes sales à moi qui jonchent le sol histoire de les mettre au sale et puis lancé, je me dis qu'après seulement quelques jours, je peux quand même faire un peu plus d'efforts. Après les chaussettes, je me mets à ranger un peu mon coin histoire d'éviter qu'on me foute dehors juste après être arrivé parce que quand même, j'ai envie de rester moi. Je suis tout seul pour le moment et pourtant la soirée pointe le bout de son nez. Je suis censé rattraper mon retard de ces derniers mois et pourtant, je n'ai pas envie de glander quoi que ce soit. Ecrire un mémoire ? Ouais, ben un autre jour parce que là, pff, flemme. Le seul cours de la journée était ce matin et une fois que j'en suis revenu, je me suis juste étalé sur mon lit pour prolonger ma nuit.
Une fois la piaule un peu cleanée, je cherche désespérément un truc à faire à Yael pendant qu'il n'est pas là mais je ne trouve rien, et pourtant ce n'est pas l'imagination qui me manque d'habitude mais dans cette chambre, il n'y a pas de coup assez foireux à faire. Un autre jour peut-être. J'allume mon ordi et en profite pour aller voir sur mon vieux gn que je n'ai pas mis à jour depuis belle lurette. Je retrouve des photos de Logan et je ne peux pas m'empêcher de scroller et de les regarder les unes après les autres. Ce n'est clairement pas ce que je devrais faire. J'y passe de longues longues minutes et je finis par fermer la page pour rester scotché devant mon écran le regard dans le vide. Avec un peu de chance, quelqu'un va arriver bientôt, sinon je pense que prendre l'air sera nécessaire.

Ca fait plusieurs jours que je n’ai pas dormis dans ma chambre. En fait, je rentre tard le soir et je pars tôt le matin, je ne mange même pas sur place, alors pour ne déranger personne, je dors sur un des canapés du salon. Le pourquoi ? C’est un peu le bordel depuis que les noirs nous ont plus ou moins kidnappé des membres de la frat. Dès que c’est arrivé, j’ai dû courir à droite et à gauche pour savoir le pourquoi du comment. Puis j’ai pété un câble. Puis j’ai réalisé que Kali avait plié bagages pour trois semaines. Et bien sûr, j’ai voulu en profiter un maximum du peu de temps qu’il ne restait avec elle. Du coup, j’ai pris du retard sur le reste, notamment sur mes cours et j’ai dû concentrer mes heures de boulot à l’arizona sur les jours précédents.
Et aujourd’hui, c’est la première fois depuis des jours que j’ai le temps d’aller m’étaler sur ma grosse couette moelleuse. En plus, j’ai fini les cours tôt. Tout s’est réuni pour que je fasse une bonne sieste. Quand j’entre dans la chambre, je balance par habitude sur le lit vide. Sauf que je me rends bien vite compte que le lit en question n’est plus vide, alors je retiens de justesse mon sac par une lanière. Il y a un bonhomme sur le lit. Un bonhomme qui a déjà foutu le bordel dans son coin de chambre. « Dylan… ? ». Je suis en train de me demander ce qu’il fait là quand je me rappelle que Jina m’a prévenu de son retour. Avec toutes ces histoires, ça m’était totalement sorti de la tête. Il n’a pas changé. Un silence gênant se lève dans la pièce. Je ne sais pas comment réagir après de longs mois d’absence de sa part et surtout, son départ plus que précipité. N’aimant pas du tout, l’ambiance qui règne à présent, je tente un truc pour détendre l’atmosphère. « T’as pris du bide non ? ». Je vous accorde que j’aurais pu trouver mieux, mais vous permettez, je me remets seulement de mes émotions.

J'essaie, je jure que j'essaie de penser à autre chose mais ce n'est pas chose facile quand votre propre esprit est borné et qu'il se perd toujours sur des chemins qu'il ne devrait pas emprunter. Je finis par éteindre mon pc parce que je n'ai qu'un envie c'est continuer à regarder les photos pour me replonger dans un passé qui me manque à en crever. Je pousse un léger soupir. J'ai promis de ne pas me morfondre et de continuer à avancer, je ne peux pas stagner .. J'ai promis mais c'est dur de ne pas se laisser aller. Je ne veux pas devenir une loque, quelqu'un qu'on regarde avec de la pitié mais parfois, j'aimerais juste m'enrouler dans ma couette et broyer du noir. Je ne sais pas si ça me ferait du bien mais la bonne humeur n'est pas là, et particulièrement quand je suis seul. Je ne peux pas resté assisté toute ma vie par contre, j'en ai conscience. Il va bien falloir que j'arrive à regarder de l'avant un jour. Je m'esclaffe silencieusement et sans grande conviction, pas certain que rester tout seul sur mon lit comme un perdu ne soit la bonne solution.

La porte s'ouvre d'un coup et mon cou craque tellement je tourne la tête rapidement, surpris par cette entrée inattendue. Perdu dans mes pensées, je n'ai même pas entendu les pas dans le couloir. La silhouette m'est familière et je me crispe un poil. Aliyyah. Ce n'est pas que je n'ai pas envie de la voir, bien au contraire mais comme avec Yael, et comme ça me fera avec chaque Sango qui était là à mon départ lorsque je les recroiserais, je suis un petit peu tendu. La réaction de chacun peut être bien différente de celle des autres et peut-être que, d'un côté, j'attends qu'on me crie dessus, qu'on se défoule sur moi pour mon départ précipité. Ma présence a l'air de la surprendre. Je lui fait un petit signe en V avec mes doigts dans un sourire presque timide. Qui suis-je et où est passé le vrai moi ?? « Saloute .. » J'attends une réaction quelconque de sa part qui ne semble pas venir .. jusqu'à ce qu'elle me fasse une remarque sur ma bedaine. Ma bouche s'entrouvre et j'affiche un air faussement outré en me levant pour tâter mon ventre plat. « Hé ho, j'ai pas fait trop de sport récemment mais quand même, j'ai pas vraiment mangé non plus : j'ai toujours mon corps de Schwarzenegger, non mais !! » Comment ça j'exagère ? Peut-être, mais je n'ai pas de bedaine !

Je n’ai pas vu Dylan depuis… un certain nombre de mois. Je ne serais dire combien, mais je sais que c’était il y a un bout de temps. Même si j’ai l’impression qu’hier encore il était au dortoir à diriger fièrement les sangos, les évènements des derniers mois me rappellent que ça fait plus longtemps qu’il est parti que je n’en ai le sentiment. Le temps passe tellement vite ici. Huit mois que j’ai quitté le Syrie. Autant vous dire que je n’ai pas longtemps profité de Dylan avant qu’il disparaisse. Parce que disparaitre est le mot. Je n’ai aucune idée d’où il était durant tout ce temps, ni de ce qu’il faisait. Peut-être que certains sangos sont au courant, mais moi, je ne le suis pas. Tout ce que je sais, c’est que du jour au lendemain, il avait remballé tous ses affaires et qu’il avait quitté le dortoir. Laissant un grand vite derrière lui. Et ce n’est pas le seul à avoir disparu. Exactement au même moment, Logan a également disparu. Pas vraiment étonnant quand on connait leur relation. D’ailleurs, peut-être que Logan aussi est revenu à la fac. Ça serait bien. Honnêtement, sa présence lors de mes séances de sport me manque terriblement.
C’est carrément bizarre de voir notre ancien-président sur son lit, comme s’il ne l’avait jamais quitté. Personne ne l’a occupé depuis des mois. À chaque mois qu’on recrutait un petit nouveau, on refusait de donner le lit à Dylan. Un peu comme si au fond de nous, on savait qu’il allait revenir. Et ça me fait plaisir de voir que nous avions raison. J’aimerais lui en vouloir de nous avoir quittés comme ça, mais je n’arrive pas à m’empêcher de penser qu’il devait avoir une bonne raison de la faire. Je rigole quand il s’excite après ma remarque, ça fait un bien de le revoir. « Dis pas ça, c’est vraiment pas un compliment. Schwa… Schwarne…gger… Bref, tu m’as comprise, est à vomir. ». C’est trop dur à dire comme mot à prononcer. Je me pose mon sac sur mon bureau puis je me dirige vers son lit. Je me place face à lui et lui comme un petit coup sur le crâne. « Je devrais t’engueuler… Mais je ne vais pas le faire, je suis trop gentille. ». Bon, ce n’est pas vraiment ça la raison, mais ce n’est pas grave. Surtout que je ne vois pas à qui j’arrivais à faire gober que je ne gueule pas par gentillesse. Ça serait bien une première. Je m’installe ensuite à côté de lui sur le lit, le poussant volontairement au passage. Je le regarde en souriant. « Bah, alors… qu’est-ce que t’as foutu pendant tout ce temps ? ». C’est vrai ça, j’aimerais bien savoir moi pour quelle raison il est parti aussi précipitamment.