J'adore tourner en rond ! Oui, je vous jure, c'est mon activité favorite...Non en vrai j'en ai juste vraiment marre. Ça fait plus d'une demie heure que je tourne dans le bâtiment (que je connais pourtant plutôt bien puisque j'y étudie) en me disant que de  toute façon c'est peine perdue, je ne trouverais jamais ce que je cherche. J'ai fait les amphis et les trois quarts des salles ouvertes. Je n'ai rien repéré et ce pendant la totalité de mon observation. Pourtant je ne cherche quand-même pas l'inatteignable. Chercher une personne devrait normalement être plus facile que ça. Mais ce n'est pas n'importe qui, évidemment. Il a fallu que j'ai affaire à quelqu'un qui, visiblement, aime encore moins les gens que moi. Et je vous assure que si on exclue les personnes qui me sont le plus proches, je ne suis pas la plus grande adoratrice du genre humain. Bien qu'on ait sûrement des raisons différentes. Bref, tout ça pour dire que je ne trouve pas mon prof' de philo', et que c'est en train de prodigieusement m'énerver. La bandoulière de mon sac glisse de mon dos et mon devoir -que j'ai à la main depuis tout à l'heure- commence à se froisser un peu. Je devrais probablement abandonner pour le moment et revenir plus-tard. Mais je ne suis pas comme ça. Je suis persévérante (l'autre définition de « chieuse » en quelque-sorte). Je ne lâche jamais l'affaire quand j'ai une idée en tête. Je marcherais dans ce foutu bâtiment pendant des heures s'il le faut mais je le trouverais. Il faut vraiment que je lui touche quelques mots à propos de notre dernier devoir. S'il n'est pas dans une salle ou dans un amphi' il est quand-même forcément dans les parages ! Je le sais parce qu'on a un cours dans quelques temps. Une heure ou deux peut-être.  Je marche donc d'un pas décidé en regardant le sol et sans faire attention à la direction que je prends. Jusqu'à la collision.

©clever love.

Coincé dans le métro depuis une bonne vingtaine de minutes je regarde ma montre en tapant du pied. Certes, le conducteur ne sait pas que je vais bientôt avoir cours mais il pourrait faire un petit effort. Je viens de passer deux heures chez le kiné, alors il faut avouer que désormais je perds patience. Juste le temps de checker mon portable que le métro redémarre. Un soupire sort de mes lèvres et de celles d'autres passagers. Si les asiatiques étaient connus pour leur patience, ça se saurait. Une fois arrivé à Yonsei, je rejoins mon casier pour récupérer les copies en retard de certains élèves. Pour eux ça sera un sur vingt puisque je n'ai techniquement pas le droit de mettre un zéro pointé. Ils n'ont pas l'air de comprendre qu'un délai est un délai et qu'ils doivent me rendre ce travail. Quand je leur dit « Vous aurez vos copies dans trois semaines » je leur rend leur copie  trois semaines plus tard sans le moindre retard. Un second regard sur ma montre, je suis finalement en avance. Mon pas se veut bien lent. Marchant en direction de l'amphithéâtre dans lequel je vais donner cours aux troisièmes années je me demande simplement qui sera encore présent et qui, comme d'habitude ne suivra pas mon cours. Puis d'un coup, je me cogne. Ou du moins on me tombe dessus. En tout cas ça m'interpelle. Je fais soudainement face à cette fille. Je lève les yeux en la voyant, non sans discrétion et la fixe pour finir, d'un regard qui se veut plutôt froid. «Vous feriez mieux de regarder là où vous mettez les pieds » dit-je sur un ton formel afin de mettre une distance entre nous. «Le cours est seulement dans trente minutes vous savez ? » ajoutai-je en fixant la feuille qu'elle avait dans les mains. «Si c'est pour des réclamations ce n'est pas la peine. J'ai autre chose à foutre » répondis-je agacé avant de marcher quelques mètres pour enfin arriver à la salle de classe, déverrouillant la porte pour enfin entrer à l'intérieur.

©clever love.

Je me suis fait super mal en me cognant n'empêche. Ça m'apprendra à ne pas regarder ou je mets les pieds quand je marche. Enfin je dis ça mais faut croire que ça ne me sert jamais de leçon ; ce n'est pas la première fois que je me mange une autre personne en ne faisant pas attention à la direction que je prends dans les couloirs. Je me frotte un peu l'épaule parce que vraiment je n'y suis pas allée de main morte. Je soupire et ne relève pas tout de suite les yeux. « Désolée, j'étais pressée. Je cherchais... » Je m'arrête net dans ma phrase quand je découvre qui me fait face. Ah bah voilà, finalement je n'ai pas eu besoin de chercher pendant trois quarts d'heure de plus. On vient directement à moi, c'est pas beau ça ? Je ris intérieurement mais m'efforce de garder un air aussi sérieux qu'impassible. « ...Quelqu'un... » Et je l'ai trouvé. D'ailleurs j'aurais du m'en rendre compte plus tôt. J'aurais du reconnaître mon professeur de philo' en quelques secondes seulement grâce à sa voix et à son sale caractère. Une fois de plus je me retiens de rire en me mordant les lèvres. « Je suis vraiment désolée monsieur. » Je baisse la tête. D'ordinaire j'aurais joué les impertinentes mais mon interlocuteur n'est pas d'un naturel vraiment comique. Et puis de toute manière je suis en faute. « J'aurais du aller m'asseoir et attendre trente minutes dans une salle complètement vide pour le moment en brassant du vent ? J'avais plus urgent à faire. Mais ça concerne aussi le cours de toute manière. » Mes doigts se crispent un peu sur la feuille que je tiens. Pas commode je disais. « C'est pas pour une réclamation ! La note en elle-même je m'en fous. Enfin non pas totalement mais... »  Je soupire et le suis lorsqu'il entre dans la salle de classe. « Je veux surtout comprendre ce qui n'allait pas. Ou sont les erreurs. J'ai envie de savoir. J'ai besoin de savoir. S'il vous plaît. » S'il y a bien des trucs qu'on ne pourra jamais m'enlever ce sont bien la curiosité et l'obstination.

©clever love.

Je détestais ces élèves qui venaient me voir en début ou en fin d'heure pour que je leur explique la raison du comment ils ont eu d'aussi mauvaises notes. La réponse était on ne peut plus claire : ils avaient fait du mauvais travail. Concernant cette élève, Haewon, ce n'était pas qu'elle était mauvaise en la matière, c'est juste qu'elle n'avait pas su saisir le sens du sujet. Les étudiants étaient sans cesse en train de se plaindre d'avoir des mauvaises notes. Soit disant que c'était de ma faute. Non. C'était de leur faute. Ils ne révisaient pas assez, ils faisaient des fautes énormes, ils se contredisaient eux-même, rien n'était parfaitement excellent, et pour ça, ils ne pouvaient pas me blâmer. J'étais leur professeur, je leur donnais le cours, c'était à eux de travailler chez eux par la suite. M'installant à mon bureau l'étudiante me suivit avant d'expliquer la raison de sa présence. Je soufflais un instant en prenant sa feuille et l'étudiai rapidement du regard, lisant en escalier sa copie. « Je vous ai mis un cinq car votre copie valait un cinq point barre. Il y a les annotations à gauche, vous pouvez bien me comprendre quand même » répliquai-je en soupirant, sortant alors mes lunettes avant de les placer sur mon nez. Armé d'un stylo je dé-bouchonne celui-ci et relis mes annotations. « Là...tenez... » commençai-je en tournant légèrement la copie pour qu'elle puisse voir de quoi je parle. «Vous n'avez parlé que superficiellement de la subjectivité de la beauté. Le sujet était L'oeuvre d'art est-elle nécéssairement belle ? Avec cette question il y a des tas de choses à dire. Vous avez beaucoup trop comparé l'esthétique et l'utilité des choses, des objets, est-ce ce que c'est ce qu'on vous demande ? » ajoutai-je en arquant un sourcil derrière mes lunettes, regardant l'étudiante. «D'où mon Hors Sujet pour toute la seconde partie. Et puis pour la conclusion votre ouverture de sujet n'est définitivement pas pertinente. Pour le coup vous n'étiez même pas obligé d'en mettre une... » finissai-je en soupirant, regardant la demoiselle près de moi. Cette fille était loin d'être conne, je le savais pertinemment. Son problème c'est qu'elle n'en faisait qu'à sa tête. «N'écrivez pas pour vous, n'oubliez pas qu'il y a un lecteur en l’occurrence moi, qui lit votre travail, et si vous me faites des hors sujets vous aurez sans cesse des notes sous la moyenne ».

©clever love.

Franchement je ne m'étais pas déplacée jusqu'ici bien avant le cours pour une histoire de note. Je veux dire par là que les notes c'est bien, ça nous donne un repère très pratique et fiable -normalement- pour savoir ce que vaut notre travail. Mais pourtant note ou pas note je sais bien que ce n'est pas ça qui compte mais le devoir en lui-même. La note ne fait qu'ouvrir les yeux des élèves sur ce qui va ou ne va pas, mais ne leur permet pas forcément de comprendre ou se trouve l'erreur et ce qu'ils peuvent faire pour améliorer les choses. D'autant plus qu'en philo c'est toujours intéressant de discuter points de vue. Encore plus qu'en le prof n'a pas l'air de débiter des phrases monotones sorties d'un manuel mais plutôt de vraiment s'investir dans ce qu'il dit. Je me mords les lèvres pour ne pas soupirer et arque un sourcil. « Confus, hors sujet et non c'est bien ça ? J'apprécie les annotations mais celles là ne vont malheureusement pas beaucoup m'aider à m'améliorer... » Je vois mon professeur mettre ses lunettes et sortir un stylo, ce qui m'incite à m'approcher plus prêt de lui pour voir ce qu'il s'apprête à faire. Serait-ce inapproprié de lui dire que les lunettes lui vont super bien ? Ouais, sûrement. Bon, tant pis, mon devoir d'abord pour l'instant. « Disons que je ne connais pas beaucoup d’œuvres d'art qui sont utiles. C'était un exemple mais je me suis demandée ce qui définit une œuvre d'art. Qui décrète qu'une œuvre d'art en est une ? Pourquoi l’urinoir renversé de Duchamp se voit-il accorder plus de valeur que celui qui se trouve dans les toilettes publiques alors qu'il s'agit strictement du même objet ? Je trouvais que l'analyse était suffisamment pertinente et la question intéressante...Mais je suppose que c'était trop s'éloigner du sujet que d'en parler. » Quand il en vient à ma conclusion je hoche doucement la tête. « En quoi ouvrir sur le fait que les gens on fait de l’œuvre d'art quelque-chose de beau par définition même lorsque ça ne l'est pas est à ce point éloigné du sujet ? Je veux dire...Personne ne se balade dans une exposition en disant "que c'est laid, j'adore"...en général. » Je relève la tête et me fends d'un petit sourire en coin. « Mais n'est-ce pas la porte ouverte à la trop forte subjectivité que d'écrire en se disant qu'il faut absolument tenir compte de l’opinion de celui qui va être amené à lire ? » Je pose la question avec un réel intérêt. J'aime avoir la possibilité de pouvoir échanger réellement comme ça avec un professeur. La plupart des miens sont très creux et manquent terriblement d'ouverture d'esprit. C'est d'un ennui...Mais je ne m'ennuie jamais quand je discute avec mon prof de philo.

©clever love.

Je regrettais déjà de lui avoir ouvert la porte. Elle voulait savoir ses erreurs. Je venais de les lui dire, alors pourquoi diable était-elle encore en train de déblatérer là-dessus ? Je poussai un léger soupir qui se voulait plein d 'agacement et j'essayai tout de même de me concentrer sur ce qu'elle me disait tout en jetant des coups d'oeil à sa feuille. Mais elle voulait quoi à la fin ? Que je fasse un débat avec elle alors qu'on avait cours dans à peine trente minutes ? Je me mordais l'intérieur de la joue, réfléchissant à ce que je pourrais bien lui répondre pour qu'elle ferme une bonne fois pour toute son clapet. «Vous avez l'air de connaître le sujet quand vous me le sortez à l'oral...C'est à croire que vous devriez plutôt vous présenter aux rattrapages » dis-je d'un air presque mesquin en esquissant un très faible sourire qui ressemblait plus à un rictus qu'autre chose. Haewon était une bonne élève, il n'y avait pas de doute là-dessus. Elle savait ce qu'elle racontait. Et rien que pour ça j'aimais à peu près l'écouter. Ou du moins connaître son opinion. Lors de débats en cours, elle participait parfois. Seulement quand le sujet l’intéressait vraiment. Le débat sur le bonheur qui avait bien duré une semaine était celui qui m'avait sans doute le plus marqué. Et pour une fois, on avait presque eu les mêmes idées sur la signification de ce mot. Quoi qu'il en soit, pour aujourd'hui je me devais de répondre à ces idiotes de questions, et lui donner en plus de ça, des explications. «Je ne sais pas quoi vous dire de plus mademoiselle...Pour moi vous n'avez pas répondu à la question que je demandais mais quant à vos questions...Je pense que tout est une question de subjectivité et d'objectivité...Ne vous êtes vous jamais demandé comment nous décrétions le bien et le mal ? Le laid et le beau ? La normalité...La différence ? Eh bien c'est pareil pour l'art. Est-ce qu'une œuvre doit nécessairement etre belle pour être qualifiée d’œuvre d'art ? Est-ce qu'une personne doit-être automatiquement être belle pour être qualifiée de canon de beauté ? Vous comprenez ? On pourrait dire sans réfléchir « oui ». Quelqu'un de laid n'est définitivement pas un canon de beauté. Mais alors, comment ça se fait ? Qui pose ces diktats, c'est pareil pour l'art. Qui les qualifie. C'est l'opinion de chacun. C'est la majorité. Parce que c'est toujours la majorité qui gagne dans tous les cas Haewon. »  Je soupire un instant en lui rendant sa feuille. «Si vous voulez me rendre un nouveau devoir sur le sujet vous pouvez. Et je verrais selon vos notes précédentes si je peux faire quelque chose...Enfin je verrais. De toute manière nous allons passer à un nouveau sujet pour aujourd'hui. On va aborder la mort.» dis-je en la regardant dans les yeux. «Ce n'est pas très gai mais essentiel»  

©clever love.

J'avais vraiment insisté pour parler de ce devoir. J'aurais très bien pu me contenter de ma note et des deux/trois brèves annotations du prof' quand on y réfléchit bien. Mais évidemment je ne suis pas comme ça. Ce serait trop simple. Je suis plutôt du genre éternelle insatisfaite qui déjà en temps normal se pose trois mille questions à la journée et a toujours besoin de réponses. Ce « défaut » est encore plus accentué quand je me retrouve à ne vraiment pas comprendre quelque-chose. C'était le cas pour cette dissert'. C'est pourquoi j'ai besoin de réponses concrètes et pas seulement de deux trois mots en rouge gribouillés dans une marge de copie. Quel serait l'intérêt de suivre ce cours si je ne pouvais pas espérer discuter un minimum avec notre enseignant ? De plus, j'avoue que j'aime beaucoup parler avec lui dès que j'en ai l'occasion. Parfois nos opinions sont diamétralement opposées mais d'autres fois elles concordent et c'est assez agréable de se sentir comprise sur certains sujets auxquels les autres n'accordent souvent aucune importance. « Tout dépend si les rattrapages ont nécessairement lieu avec vous ou avec un autre professeur. » Je réponds, un brin provocatrice et taquine en mordillant ma lèvre inférieur et en me retenant de rire. C'est vrai, après tout je suis sûre qu'il n'est pas le seul professeur de philosophie au sein de cette énorme université qu'est Yonsei. Même si en réalité ça ne me déplairait pas que ce soit avec lui. Il a toujours des argumentations intéressantes quand les miennes manquent souvent d'éléments concrets. C'est assez fascinant la manière dont il aborde les différents sujets, avec une lucidité que j'ai rarement vu ailleurs. Mais ça je ne le dirais jamais à haute voix. Mes prunelles glissent dans la vague un instant, réfléchissant à tout ce qu'il vient de me dire. « J'ai horreur de la majorité et de ses diktats. A croire qu'elle peut régir le monde entier. Décider ce qui fait qu'une personne est bonne tandis qu'une autre est profondément mauvaise. Décider ce qui vaut la peine d'être vécu et ce qui est définitivement une mauvaise idée. Ou encore parfois qui doit vivre alors qu'il préférerait mourir et qui doit se résoudre à mourir alors qu'il voudrait vivre. La majorité rend malheureuse tellement de gens quand on y réfléchit bien. Tous ceux qui spontanément n'obéissent pas, et ce pas forcément par choix, aux « règles » qu'elle établit. » Mon ton est un peu véhément. C'est vrai que je la déteste cette majorité, celle qui veut à tout prix faire de nous ce que nous ne souhaitons pas être. L'opinion des autres quand elle se fait majoritaire peut vite devenir une véritable gangrène. Un poison terriblement efficace. Terrifiant. Et autant dire que j'en ai fait les frais plus d'une fois. Lors des débuts de ma grossesse par exemple. Mais c'est une autre histoire. « J'aimerais bien essayer de faire quelque-chose de mieux. Ça peut paraître gamin et obstiné mais j'assume. J'ai horreur d'échouer. » Quand il annonce le sujet duquel nous allons bientôt nous mettre à parler en cours ma salive se bloque dans ma gorge. Je mets quelques secondes avant de parvenir à déglutir calmement. C'est ce que j'appréhendais le plus. Je ne veux pas...Mais ça fait partie de la vie autant que de la philosophie de discuter de la mort. Je retiens un soupire et accroche le regard de mon interlocuteur. « Pas gai du tout. Je ne sais même pas si c'est un sujet sur lequel je pourrais dire quoique ce soit. » Mes mots ne sont même pas hésitants. Je sais que la mort pour moi est infiniment taboue.

©clever love.

Mais quelle pipelette. Elle parlait trop celle-la. Je hochai la tête au fur et à mesure qu'elle parlait. Oh, ce qu'elle me disait c'était bien vrai mais elle donnait beaucoup trop d'informations en même temps. Tiens tiens, elle avait une bonne tête à aimer la mort. C'était le genre de sujet qui je pense pourrait l’intéresser, contrairement aux trois-quart de mes élèves qui eux n'écoutaient strictement rien de mon cours. « On peut dire des tas de choses sur tout vous savez ? La mort en fait partie. Certes personne n'a vécu la mort mais on peut toujours en parler. On parle bien de Dieu...pourtant, avez-vous déjà vu Dieu une fois dans votre vie ? Je ne pense pas » Normal il existe pas, mais ça on va éviter de lui dire. Certes elle ne semblait pas être très croyante, mais on ne sait jamais avec ces élèves tous aussi cons les uns que les autres. Quoique elle ça allait encore, elle avait le mérite de penser par elle-même. Elle savait ce qu'elle disait. C'était plus ou moins bien expliqué mais on comprenait ce qu'elle voulait dire, même quand elle parlait assez vite. «Que pensez-vous de la mort Haewon ? Qu'est-ce que ce mot vous procure ? » dis-je en m'installant un peu moins strictement sur mon siège lorsqu'au même moment une bande d'étudiants débarqua dans la salle. Je me levai soudainement en raclant ma gorge. « Excusez-moi, le cours est annulé, je viens juste d'envoyer un mail , j'ai un rendez-vous urgent donc on reportera le cours » j'attendis que les étudiants soient partis pour aller fermer la porte à clé. « ça ne vous dérange pas si on reste juste nous pour discuter ? Je vous avoue que j'ai envie de discuter philo, mais j'ai pas envie de donner cours... » Ce que je venais de faire était hors principes, mais ce sujet semblait intéressant. Et pouvoir en parler avec une fille aussi mignonne et plutôt douée, c'était étrangement plus motivant que de devoir donner cours à un amphithéâtre rempli d'étudiants mentalement absents. J'attrapai alors mon portable et me rendis sur ma boîte mail pour envoyer un message groupé aux étudiants, leur expliquant que malheureusement le cours n'allait pas avoir lieu mais qu'il serait tout de même reporté ultérieurement. Quel bonheur d'être prof.

©clever love.