tenue + Les yeux perdus dans le ciel bleu parsemé de tâches blanchâtres et grisâtres, Reira marchait au petit bonheur la chance et ne regardait absolument pas où elle allait. Pourquoi faisait-elle ça ? Même en traversant la route ? C’était tout simple : elle s’ennuyait. Littéralement. Complètement. Même le rat mort qu’elle avait croisé dans une rue adjacente aux dortoirs passait une meilleure journée qu’elle. Elle en était même venue au point de se demander si, pour s’occuper, elle ne ferait pas mieux d’aller en cours. Chose qui ne lui était encore jamais arrivée. Etait-elle tombée dans une faille temporelle ? Etait-ce une autre dimension dans laquelle les études sont le seul moyen de s’amuser ? Réprimant un frisson de dégoût, elle s’arrêta un instant pour contempler son reflet dans la vitrine d’un magasin avant de reporter son attention sur les vêtements qu’il contenait. Rien de bien intéressant ni de bien original. Et les prix… En vendant Raï ou Renzo comme esclave sexuel à un magnat du pétrole, elle pourrait peut-être s’acheter une paire de chaussettes. C'est sur cette pensée plutôt alléchante qu'elle décida de tourner les talons et de reprendre sa route, seulement... Elle n'avait pas prévu que quelqu'un serait derrière elle et elle fonça de plein fouet dans l'inconnu, assez pour les faire tomber tous les deux. Son sac à main s'ouvrît et se vida par terre, et Reira ne pût s'empêcher de remercier le tout puissant de ne pas avoir eu l'idée d'emporter son flingue avec elle aujourd'hui. A quatre pattes pour ranger ses affaires, ses doigts effleurèrent ceux du jeune homme qu'elle venait de bousculer. Un frisson la parcourut. Elle se serait crût dans un film romantique à l'eau de rose tout pourri. Ils étaient en train de jouer la scène cliché de la rencontre et du coup de foudre au premier regard entre les deux protagonistes. Et c'était... à vomir.

Dispensé de cours pour la journée, j’en profitais pour une balade en ville. Il y avait une exposition de photographie par une jeune débutante qui avait l’air d’être pas mal. J’avais décidé d’y faire un saut. Je n’y connaissais rien en la matière, mais les photos qu’ils arrivaient parfois à prendre était encore le seule chose qui parvenaient à ma surprendre. Elles avaient le don de me faire rêver et de faire travailler mon imagination bien trop terre à terre. Mes lunettes de lecture sur le bout du nez, je lisais un bouquin, une main dans la poche que je sortais seulement pour changer de page, tout en marchant. Concentré sur le contenu du livre, je virais à gauche pour éviter une jeune femme qui regardait dans la vitrine. Ce dont je ne me doutais pas, c’était qu’elle allait bouger pile quand je passerais à côté d’elle, nous poussant assez violemment tous les deux. Ma lecture tombant sur le sol. Terminer. J’avais définitivement perdu ma page. Je soupirais, reprenant ce qui m’appartenait avant de m’apercevoir qu’il n’y avait pas que moi qui avait perdu ses affaires. Je attrapais un rouge à lèvres partit trop loin seul. Voulant ramasser le portable, une main effleurait la mienne. Je crus qu’un picotement, tel une décharge électrique qui me traversait.je relevais la tête pour croiser le regard de la jeune femme. On jouait les rôles principaux d’une scène typique d’amour d’un film à l’eau de rose ? Je levais un sourcil amusé. « C’est à ce moment-ci qu’on doit avoir le coup de foutre l’un pour l’autre ? » Demandais-je sans détour, lui tendant son rouge. « Je crois que c’est à vous. » Je l’aidais à se redresser, avant d’enlever mes lunettes et de les accrocher à ma chemise. « Ca m’apprendra à lire en marchant. » Je la détaillais sans retenue, appréciant ce que je voyais. Elle était aussi plate qu’une planche à repasser, mais ce n’était pas pour cette raison qu’elle n’avait pas un joli corps.

tenue + C’était bizarre. Vraiment trop étrange. Assez pour lui donner des frissons tout le long du dos et lui donner envie de partir en courant à toute vitesse. Cette pensée était d’ailleurs bien alléchante mais, plus elle y réfléchissait, plus elle se demandait où elle pourrait bien aller pour se débarrasser de cette sensation poisseuse qui s’était emparée d’elle quand l’inconnu qu’elle venait de renverser avait parlé de coup de foudre… Réprimant une grimace, Reira l’écoutait vaguement parler et n’attendait qu’une chose : qu’il prenne ses clics et ses clacs et qu’il s’en aille. Mais visiblement, ce n’était pas dans son intention. Non, il restait là, planté devant elle à la regarder. Peut-être attendait-il une excuse de la part de la jeune femme ? Eh bien il pouvait toujours se gratter, elle n’était pas d’humeur à ça aujourd’hui. Et alors qu’elle allait le contourner pour partir, une idée la traversa. Vu qu’elle s’ennuyait et qu’elle n’avait strictement rien à faire de son temps… Pourquoi ne pas s’amuser un peu et faire tourner en bourrique un sombre inconnu qu’elle ne reverrait sans doute jamais ? Hochant intérieurement de la tête, elle revêtît le plus beau de ses sourires, tout en se baissant pour ramasser le livre qui gisait toujours au sol. « C’est ma faute, j’aurai dû regarder où j’allais… Tenez. » dit-elle, toute mielleuse, en lui tendant son bouquin. Reira laissa un court silence s'installer pendant lequel elle prît soin de détailler le jeune homme qui se trouvait devant elle, une mine faussement soucieuse sur le visage. « J’espère que vous ne vous êtes pas fait mal en tombant… Je m’en voudrais terriblement sinon. » Elle était à deux doigts de s’étrangler toute seule tellement son comportement l’insupportait. Mais c’était pour la bonne cause, c’était pour tromper l’ennui.

Un jeu de séduction était entrain de s’installer doucement entre nous sans même que l’on s’en rende vraiment compte. Et on y prenait part chacun à notre manière, appréciant ou non le jeu, mais il fallait avouer que nous étions tous deux de grands joueurs. Je pouvais le ressentir d’ici. Alors, lequel de nous deux craquera le premier ? Sourire craquant. Je jouais la carte du mec timide, teintant mes joues d’un léger rose, baissant les yeux pour lui montrer à quel point j’étais désole de l’avoir malencontreusement poussée. J’aurais pu avoir un oscar pour une telle interprétation. Je me saisis du livre qu’elle me tendait, émettant un sourire timide pour la remercier. Je ricanais intérieurement en pensant que les gens extérieur à nous devaient nous prendre pour un parfait futur petit couple, alors qu’il n’en était rien, que l’on ne faisait que revêtir un rôle que nous avions choisi de jouer. « Pas une égratignure … et vous ? » m’enquis-je soudain inquiet, attrapant délicatement sa main la tournant dans tous les sens pour observer la moindre éraflure sur son bras. Je soupirais, soulagé. Je n’avais rien vu et je lui faisais savoir la libérant de mon emprise. « Permettez-moi de me faire pardonner en vous payant un verre. » commençais-je en l’attrapant à nouveau pas la main pour la retenir un instant, la fixant d’un regard si intense qu’elle ne pouvait me refuser cela. Et pour etre certain de la faire craquer pour de bon, je la lâchais à nouveau, comme si j’avais commis une erreur, reprenant mon masque du jeune homme timide et gêné. « J’insiste. » ajoutais-je à demi-mot, d’une voix tremblante, preuve de ma sincérité. Ou pas. Je voulais juste jouer. Et elle tombait à pic, c’était une cible de choix, et je ne comptais pas la laisser partir si facilement, sans m’être amusé avec elle avant.