Il avait toujours été étrange de voir un dortoir vide un vendredi soir. Ou peut-être pas complètement. L’enfant était rentré de cours beaucoup plus tard que prévu, étant passé chez lui prendre quelques affaires pour la soirée. Tasyr lui avait demandé de quitter la chambre, il allait certainement passer la fin de journée avec Dewei, du moins c’est ce que le jeune sango espérait. Il avait toujours soutenu ce couple impossible, alors quand quelque chose se passait, il était toujours aux premières loges pour voir ça ou même le déclencher. Mais voilà, ce soir, il n’y a personne, et ça démoralise le petit. Il peut faire ce qui lui chante certes, cependant, personne pour le réprimer, se moquer de lui ou le juger. Tout le monde devait être de sortie pour ce début de weekend. L’enfant se balada alors complètement dénudé dans le dortoir, arborant peu fier un corps malade d’une crasse qui le ronge depuis maintenant 12 ans. Ses côtes sont de plus en plus visibles de jour en jour, et personne, personne ne lui donnait le sentiment d’aimer ce corps. Sous les yeux tendres qu’avaient été ceux de son premier amour, Bago se sentait attirant. Mais, en enchainant les partenaires, le brun se rendit compte que plus jamais on ne lui avait dit qu’il était « beau », qu’on le « désirait ». Les hommes durcissaient sous ses coups de langue habiles mais jamais sous son torse marqué ou son apparence aspirine. Pour séduire ses conquêtes, le garçon leur montrait sa soumission sous son meilleur jour, se faisant parfois insulter de détraqué, cependant, il avait pris goût à ça. Aujourd’hui, il rêvait simplement d’un être qui le ferait se sentir désirable et avec qui il pourrait à nouveau aimer le sexe à l’état brut. Sous la douche, Bago régla la température au minimum, histoire de faire gonfler ses petits muscles pour qu’il ait l’air moins malade. Et, après avoir frotté les dernières marques de coupures sur ses avants bras, il sortit, s’enroulant dans un peignoir douillé qu’il ne prit pas la peine de fermer, après tout, ce n’est pas comme s’il allait croiser quelqu’un.

Trainant dans son couloir, le devant du corps à l’air, Bago n’aurait jamais douté que quelqu’un d’autre rodait dans la maison. Et pourtant, il n’était définitivement pas seul. La porte qui s’était fermée ne lui avait certainement pas mis la puce à l’oreille, trop occupé à chantonner un air indien qu’il avait entendu il n’y a pas si longtemps de ça. Mais, au bout du couloir, se trouvait pourtant quelqu’un, quelqu’un qu’il n’avait jamais eu le plaisir d’avoir en tête à tête. Un visage parfaitement dessiné, une belle coiffure blonde qui défiait les lois de la gravité, et l’enfant sentit ses cheveux humides retombés sur son front une fois qu’il eut glissé sa main dedans. Il s’agissait de Jae, un démon à la peau blanche qui faisait fantasmer le plus jeune depuis qu’une partie de chat et de la souris s’était installée entre eux. Le petit haussa les sourcils, les quelques mèches descendant sur ses yeux, sous l’étonnement. Mais, il en oubliait les bonnes manières, voilà que le sango avait une vue sur son service trois pièces. Pudiquement, Bago referma son peignoir d’un nœud bien serré. « - Je passe le weekend ici » répondit-il en pestant « et toi ? T’es pas parti ? » Il espérait d’un côté, pouvoir vivre le début de ses jours de repos aux côtés de ce bellâtre, mais, il ne devait pas s’emballer trop vite. « - Bah quelle importance ! » Il s’avança et le dévisagea, montrant de près son air insolent, rempli de défis et d’idées farfelues. « - T’as sûrement dû oublier un truc, tu vas repartir, n’est-ce pas ? » Un petit sourire ironique se glissa sur les lèvres du nourrisson alors qu’il plaça un doigt sous le menton de son ainé, les joues malgré tout rougies de cette simple proximité ainsi que du souvenir assez plaisant de savoir qu’il avait montré involontairement son corps à cet homme et qu’il n’avait montré aucune marque de dégout possible, du moins, peut-être l’avait-il aperçu de trop loin.

Bago connaissait bien la réputation de son aîné. Un être dangereux, puissant, peu fréquentable qui avait mis dans son lit bon nombre de conquêtes. Ce dernier critère aurait pu faire fuir le garçon, se disant qu’il ne présente plus vraiment d’intérêt à ses yeux, et lui-même avait besoin de se sentir unique d’une façon ou d’une autre. Un gamin abandonné et délaissé, cherche toujours de l’affection même dans ses côtés les plus pervers et les plus malsains. L’enfant tressaillit lorsque Jae s’empara de son poignet, ne le quittant pas des yeux pour ne pas faiblir, cependant, son souffle s’était violemment accéléré. Un pas de plus et il aurait pu se blottir contre un torse dont il ne connaissait pas le toucher. « - Pardon, j’ignorais que tu étais en sucre toi. » Encore une phrase qui énervera son compagnon au sang particulièrement chaud. Bago se détacha donc de son emprise, et, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre sa chambre, pensant simplement se remettre de ce peu d’émotions, son insolence le dépassa. Le fauve lui sauta au cou, et en quelques secondes, le petit se retrouvera à demi couché sur la table, surplombé par cet homme qu’il ne put s’empêcher de trouver splendide. Haletant, le sango leva des yeux remplis de détresse vers lui. Ses mots ne furent alors plus que des soupirs et des murmures intimes. « - Ah oui.. ? Et qu’est-ce que tu vas faire.. ? Tu vas me frapper ? Tu as raison, je comprends mieux par les actions. » Le môme lui tira puérilement la langue et s’extirpa à nouveau de son corps pour filer en trottinant vers son ancienne chambre, faisant glisser, de manière sensuelle, comme si tout un public l’observait, le peignoir sur ses épaules et ses bras, laissant ce dernier tomber au sol. Bago avança alors jusqu’au placard en face de la porte d’entrée et se pencha pour en tirer un boxer qu’il fit claquer sur sa peau, une fois qu’il l’eut enfilé, priant pour que son compère l’eut suivi.

La mère de l’enfant lui avait toujours répété, lorsqu’il était haut comme trois pommes à genoux, qu’à force de jouer avec le feu, il allait finir par se blesser de manière irréversible. Ce fut à partir de cet instant que Bago comprit qu’il avait un problème car, au lieu de s’éloigner de la chaleur ardente qui lui enlèverait la vie, il s’en approchait de jour en jour. Amoureux, envoûté par le danger, se retrouver confronté à un lion plus fort que lui était une situation auquel le sango n’aurait voulu échapper pour rien au monde. Alors qu’il avait bien chauffé, dans le sens contraire du poil, son interlocuteur, l’enfant imaginait sans y croire la suite des évènements. Il craignait cependant que sa fragilité ne répugne, et que Jae n’ose lever la main sur lui de peur de se faire attaquer par Jina ou quiconque. Cependant, lorsque l’homme l’empoigna par les cheveux, le môme se sentit chamboulé dans le sens positif du terme. La douleur était là, mais une affreuse excitation pouvait se lire davantage dans son regard que dans son sourire mal dissimulé. Le petit posa ses mains autour du poignet de Jae afin de s’y accrocher, décollant presque du sol. Jeté sur le lit, à la manière d’un objet, le jeune étudiant se sentit bloqué sous la poigne délicieuse de son ravisseur. Et, dans un ton faussement innocent marqué d’un trait de moquerie, Bago rétorqua : « - Moi.. ? Jouer ? Pas du tout Jae.. » Avant de poursuivre sa phrase, l’air coquin, le gamin se redressa sur les coudes. « - Tu m’fais pas peur Jae..tu parles, tu parles..j’attends quelque chose moi.. » Le sango se dandina légèrement, retombant sur le lit pour passer ses mains sur le bas du dos de son maître, rapprochant alors leurs bassins. Une perle de sueur coulait déjà sur le front de l’enfant, qui priait secrètement que son voisin l’arrache de son sous-vêtement au plus vite, le bas ventre déjà bien incendié.

La dureté de ses paroles, la violence de ses gestes, l’enfant les dégustait à chaque seconde. Autrefois, il s’était dit qu’il aimait subir les injustices parce qu’il prenait ça comme une forme de pénitence. Peut-être cherchait-il à se faire pardonner ? A retrouver la « tranquillité » après avoir souffert moralement et physiquement ? Plus les semaines passaient et plus, finalement, le gamin se rendit compte qu’il aimait tout simplement cette tension sexuelle transcendante. Une histoire de « je t’aime moi non plus ». L’enfant était ainsi traité comme un animal, n’ayant connu depuis longtemps la chaleur d’un être aimé et la douceur de l’homme chéri. Lui, c’était un objet. Bago serra les dents quand son ainé captura à nouveau ses cheveux, il avait déjà mal, et pourtant, il aurait été capable d’en réclamer davantage. Un frisson lui arracha le dos, la langue de Jae au creux de son oreille, le jeune garçon n’aurait eu qu’à tourner la tête pour emprisonner ses lèvres et entamer ainsi un échange sulfureux, mais voilà, il était désormais allongé sur le ventre, sans pouvoir bouger. Le visage porté vers l’arrière, le dos violemment courbé, bientôt, l’homme derrière lui découvrit ses fesses nues, serrées et écarlates. Bago déglutit, n’ayant pas le temps de protester, car, en moins d’une dizaine de secondes, le membre du dominant avait violenté ses chairs, se resserrant encore autour de lui d’une douleur sans nom. Le petit poussa un cri sous cette torture dont il s’enivrait, n’ayant pas pris le temps de se préparer, son souffle se coupa brusquement alors que sa main accrocha la nuque de Jae, plantant ses petits ongles pointus dans sa peau. L’autre main serrait les draps qu’il avait attrapé comme pour fuir. Quand il eut repris légèrement son souffle, il avait l’impression de saigner de l’intérieur, idée qui l’excitait davantage. « - Tu bandais déjà.. ? J’ignorais que je te faisais cet effet. » protesta fièrement le gamin d’une voix écrasée sous le corps de son amant.