Tenue + La bibliothèque est sûrement l'endroit que tu préfères dans la fac. Oui, même plus que ta chambre. Ce n'est pas vraiment ta chambre à toi, tu la partages avec deux autres personnes. Au début, la colocation, c'était pas trop ça. Surtout pour toi. Bien que tu avais vécu pendant un moment en couple, vivre avec des inconnus était beaucoup plus difficile que tu ne l'aurais cru. Finalement, après de longues discussions et l'instauration de quelques règles, la cohabitation avait pu se faire dans les meilleures conditions. Et pourtant, tu as du mal à t'y sentir comme chez toi.

La bibliothèque, au moins, c'est calme. Ça te permet de bosser tranquille. Enfin bosser, tu essaies du moins. Faut dire que t'es pas l'élève la plus brillante, mais tu fais de ton mieux. D'ailleurs, il est temps de t'accorder une petite pause ! Tu t'étires et poses ton stylo avant d'aller te dégourdir les jambes dans les rayons. Tu aimes bien celui sur l'astronomie, y a jamais personne. Pour ça, tu passes devant les gros bouquins d'histoire, les pavés de droit et les ouvrages un peu plus d'actualités.

Curieusement, tu prends le temps de regarder les étudiants sérieux qui s'activent sur les claviers et les mines déconfites devant les piles de devoirs qui n'en finissent pas de s'agrandir. Et puis, tu t'arrêtes sur un visage en particulier. Il t'est familier. Et pas qu'un peu.

Ce gars, tu ne le connais ni d'Adam, ni d'Eve, tu ne lui as jamais parlé et pourtant, tu ne sais pas pourquoi, tu l'as surpris plus d'une fois à te fixer. Comme si t'avais un truc coincé entre les dents ou un gros bouton purulent en plein milieu du front. Il te dévisage littéralement. Mais à ce moment précis, il n'a pas l'air de t'avoir remarqué. Il est temps d'inverser un peu les rôles. Discrètement, tu te faufiles dans la rangée de derrière et à travers les espaces créés entre les livres, tu l'observes. Non vraiment, sa tête ne te dit rien. Est-il un ancien fan ? Un gars qui croit reconnaître l'une de ses ex? Ou alors, c'est juste un type qui a la sale manie de dévisager les gens sans aucune raison apparente ? Affaire à suivre...

Tenue + Si on te cherche c'est certainement pas par la bibliothèque qu'il faut commencer. C'est peut être même l'endroit par lequel il faut finir. Oui, celui à faire en tout dernier pour essayer de te trouver et pourtant t'es là. C'est sûrement la deuxième fois depuis le début de l'année que tu met les pied ici. Concentré sur l'écran de ton ordinateur portable. Tu as une analyse d'article à finir et t'as vraiment pris du retard. Ces derniers temps tu t'es trop laissé distraire. A chaque fois que tu avais le temps de t'y mettre tu finissais par faire autre chose. Même si on dirait pas, t'es pas du genre à ne pas rendre tes devoirs. T'es pas non plus du genre à traîner avec ceux qui vont bosser à la bibliothèque donc t'es venu, persuadé de ne trouver personne avec qui t'aurai eu envie de discuter. Et donc, sûr cette fois de pouvoir finir ton sujet. Au pire si tu finis pas tu t'en fiche, en restant ici t'aura plus avancé par rapport au peu que t'as fait ces deux dernières semaines. C'est ce que tu dis.

Tu te trompes. Tu laisse ton ordinateur de côté pour aller chercher un livre, t'as quelque chose à vérifier. Tu cherche le livre, trouvé et pourtant tu le repose sans l'ouvrir. Ton regard vient de croiser celui de Byeol. Cette fois ce n'est pas toi qui l'observe mais elle. D'après toi elle t'observe, obligé, il n'y a pas de hasard. Les rôles sont inversés et ça te déplaît. Tu restes là, quelques secondes, immobile à la fixer. Regard inexpressif alors que tu penses à beaucoup de chose à cet instant. L'accident te revient en tête, les paroles de ton meilleur ami qui te conseille de tout dire résonnent aussi. Tu prends la parole pour couper court à tes pensées. « C'est lequel qui te plaît ? Tu veux que je t'aide à avoir son numéro ? » D'un geste de la tête tu désignes le groupe d'étudiants juste à côté. Tu dis ça comme ça, ignorant totalement que tu te retrouves dans cette situation par ta faute. T'es taquin, tu blagues pour te détendre parce que c'est plutôt sérieux ce qui se passe dans ta tête.

On ne peut pas dire que tu es une grande physionomiste. C'est même plutôt le contraire. Les noms, les visages, tu les retiens difficilement. Pas que les gens ne t'intéressent pas - bon okay, parfois si. Voire souvent - mais il y a des détails de ce genre qui ne veulent pas rentrer dans ta cervelle. Tu avais beau chercher dans les tiroirs de ta mémoire, rien à faire. C'était passer à travers une passoire et perdu dans les néants de l'oubli.

Et c'était pareil pour ce gars. Tu avais beau chercher dans tes souvenirs si tu avais déjà vu sa tête quelque part, mais non. Nada. Aucun résultat trouvé, te dirait ton cerveau s'il était un moteur de recherches. Mais tu continues de le fixer dans l'espoir qu'un éclair de génie te foudroie et t'apporte une quelconque réponse. Tu ne fais plus attention aux étudiants qui te frôlent en se demandant ce que tu voulais à ce pauvre type. Une chose est sûre, tu ne lâcherais pas l'affaire avant d'avoir une réponse satisfaisante.

Et quand tu penses que tu vas encore rester là pendant des plombes avant qu'il te remarque et qu'il va te passer sous le nez sans même t'avoir vue, ton regard croise le sien. Figé, immobile. Il reste de marbre, son visage ne laissant rien transparaître. Tu pourrais croire qu'il s'est arrêté de fonctionner si ce n'était pas pour les battements de ses cils et les mouvements de sa pomme d'Adam. Alors c'est ça qu'on ressent quand on stalke les gens ? En fait, c'était plutôt de drôle de voir petit à petit ses défenses se fissurer. C'est là que tu entends le son de sa voix. Une petite remarque finement placée et justement dosée d'ironie. Il t'intrigue.

« Non ça ira, je crois que je peux me débrouiller toute seule. Je suis une grande fille qui obtient ce qu'elle veut pas ses propres moyens », lui réponds-tu avec un petit sourire aux lèvres. Tu décides de passer de l'autre côté du rayon, le rejoignant tout en observant ses faits et gestes. En tout cas, il est grand. Heureusement que tu portes des talons, tu te serais chiper un torticoli à vouloir le regarder droit dans les yeux. « Sinon, on s'est déjà vu quelque part ? Si c'est le cas, j'en ai pas le moindre souvenir ». Tu te demandes presque si c'est pas un ami à ton ex. Et bien, manquerait plus que ça !