hiver arrive une nouvelle fois et tu sais que tu ne vas pas pouvoir assumer d'être toute seule. L'an passé, tu as été obligée de réduire tes horaires de travail pour éviter les pertes. Mais cette fois-ci il est pas question de perdre de l'argent. Tu as abandonné l'idée de faire un deuxième boulot, travailler au bar d'hôtesse c'était décidément pas ton truc du tout. Cette année, tu vas tenter d'engager un collègue. Tu sais que ce n'est pas évident, généralement ce sont des petits vieux qui se proposent. Mais tu ne veux pas d'un vieux, le concept de ton camion - enfin, celui de ta tante - c'est de pouvoir faire manger des produits sains au public jeune. C'est pas en mettant une halmoni que tu vas réussir à attirer le bon public.

Ca fait donc deux semaines qu'avec l'accord de ta tante tu as décidé de passer des annonces sur facebook et dans la fac. Tu savais qu'il y a pas mal d'étudiants qui sont en dèche et qui cherchent des petits boulots. Mais tu as aussi décidé de poster aux alentours des endroits où tu t'arrêtes. Après tout, tu pourrais peut-être recruter des clients, eux ils connaîtront déjà le concept au moins. Et sans grande surprise, tu n'as pas eu tant de propositions que ça. Quelques petits vieux à qui tu n'as pas répondu - à contre-coeur - et un jeune homme. D'après sa réponse, il avait l'air plutôt motivé mais surtout il a ce détail qui fait la différence : il est jeune. Tu as donc décidé de le mettre à l'essai. Et pour ce faire, rien ne vaut une petite journée à l'entrepôt pour se familiariser avec le boulot.

Généralement, le lundi c'est repos, mais étant donné les circonstances tu t'es quand même rendu à l'entrepôt. Tu as fait exprès de ne pas trop ranger les choses la veille pour avoir de quoi faire pour montrer au nouveau collègue. Il faut qu'il se familiarise avec les noms des fruits et légumes mais aussi avec les prix, qu'il sache donner quelques conseils pour l'utilisation et la conservation. Mais c'est pas tout, il faut qu'il sache de quelle manière tu as l'habitude de préparer les commandes quand c'est jour de livraison, il faut savoir où se rangent les produits et de quelle manière on les conserve. Bref, tu as tout à lui apprendre et tu espères qu'il y prendra quand même un minimum de plaisir. Au départ, ça te saoulait et tu trouvais ça débile de faire ce boulot; mais à force tu as appris à apprécier ce boulot au point de ne même plus trop demander de l'aide à ta tante.

Tu arrives un peu en avance à l'entrepôt. Tu as donné rendez-vous à ton futur nouveau collègue à onze heures, tu espères qu'il ne sera pas en retard. C'est un critère qui est assez important car tout est une question de timing. La circulation c'est pas la chose la plus évidente à gérer dans Séoul. Bref, tu t'installes au bureau histoire de commencer à gérer les commandes en attendant l'arrivée de la nouvelle recrue.

in Yul-ah ! Viens mettre tes chaussures ! Papa va être en retard ! » demandais-je à ma tête de mule de fils qui, comme à chaque fois qu'on doit quitter la maison, ne fait aucun effort pour se dépêcher. Il trouvait que c'était toujours le meilleur moment pour jouer à cache-cache ou pire, planqué les clés de la voiture pour que je l'ai trouve pas. Une chose est sûre, c'est bien mon fils. Une fois de plus, je soupire. C'est pas du tout un jour où je pouvais être à la bourre. J'ai rendez-vous dans un peu moins d'une demie-heure pour un entretien. Enfin, plutôt un essai. Ce job, il me le faut. Il est hors de question que je passe à côté. Tant pis.

Sans prévenir, je me glisse par la porte de la cuisine pour faire le tour et arriver dans le salon sans que Min Yul me voit. Aux grands maux, les grands remèdes. J'avance doucement, à pas de loup, zieutant ma proie. Puis, approchant au plus près, sans crier garde, je lui saute dessus en poussant un cri de guerre à faire trembler toute la baraque. Ni une ni deux, j'empoche le gamin, lui enfile ses chaussures tandis qu'il gesticule comme un ver et on est prêt à partir. Enfin !

Le trajet en voiture n'est pas un problème. Mon petit bonhomme adore quand on prend la voiture. Après, c'est toujours difficile de lui faire comprendre qu'il est pas assez grand pour prendre le volant. Plus tard, il sera peut-être pilote de course, qui sait ? Cinq minutes de débats s'écoulent avant qu'il rejoigne enfin son siège et ne s'attache puis je démarre. Encore 20 minutes avant l'heure. « Et crotte ». Oui bon, les gros mots devant un gosse, ça le fait moyen. Surtout quand il répète absolument tout. Vraiment tout.

Onze heures moins cinq. Ouf. Pile poil à l'heure ! Ni une, ni deux, je choppe Min Yul comme un sac à patates et file à l'intérieur de l'entrepôt. Cet endroit est juste immense, il est où le bureau ?! Au moins, Min Yul trouve ça drôle lui ... Quelques zigzags plus tard, je trouve enfin le bureau. Presque en retard avec un gosse sur les bras. Ouais, y avait mieux comme première impression. J'espère qu'elle a rien contre les enfants sinon, c'est foutu. « Bon Min Yul-ah, oublies pas ce que je t'ai dit hier. Papa est là pour un boulot et si t'es sage, ce soir, c'est barbecue ! » . J'avoue, c'est pas super de faire du chantage à son propre enfant, mais ce job, pour lui et moi, c'est une question de survie. Être flic à mi-temps ne permet pas de tout payer malheureusement.

Je toque à la porte et attend quelques secondes avant de passer la tête dans l'entre-bâillement. « Bonjour. Do Min Guk, je suis là pour l'entretien, enfin, l'essai. J'espère que je suis pas trop en retard ? ». Je salue la jeune femme qui se trouve assise et me demande si c'est elle la patronne. Ca pourrait, malgré son jeune âge. J'enchaîne directement avec les présentations du mini-moi. « Ah et lui c'est Min Yul. C'est mon ... fils », lui dis-je en me grattant la nuque. « J'espère que ça pose pas de problème, j'avais personne pour le garder ... ».

u appréhendes un peu l'arrivée du nouvel employé. Tu as peur qu'il ne corresponde pas du tout à ce que tu attends, qu'il ne soit pas motivé ou qu'il soit vraiment bête comme ses pieds. Parce que s'il n'est pas le bon tu vas devoir poursuivre tes recherches et continuer à être super occupée. Tu as vraiment besoin de pouvoir déléguer une partie du boulot, ça devient impossible pour toi de tout gérer en ce moment. Tu as de plus en plus d'opportunités dans l'univers de la musique mais tu ne peux pas tout mener à bien car tu dois continuer à t'occuper du camion. Tu espères vraiment au fond de toi que ce sera un gars sérieux et que tu pourras compter sur lui. Tu l'attends tranquillement dans ton bureau tout en ouvrant le courrier du jour. Des factures des fournisseurs, de la pub, rien de très excitant.

Tu entends un bruit de voiture provenant de juste devant l'entrepôt. Ça doit surement être lui. Tu te demandes si tu dois aller l'accueillir ou le laisser venir jusqu'à toi ? Il est peut-être un peu stressé, mais toi aussi tu l'es pas mal. Tu n'es même pas la gérante de l'entreprise et pourtant c'est toi qui fait quasiment tout le boulot. Avoir autant de responsabilité dans un boulot que tu n'as pas plus envie de faire que ça à l'origine, c'est assez stressant. Mais tu fais en sorte que ça ne se voit pas. Tu ne veux pas qu'il prenne peur en ressentant que tu n'es pas tout à fait à ton aise. Tu es censée être plus tranquille que lui, dans la logique des choses.

Ça y est, ça toque à la porte. Tu lances brièvement un « Entrez ! » tout en faisant mine d'être encore plongée dans ton courrier qui n'a aucun intérêt pour être honnête. Tu ne sais pas pourquoi tu ressens le besoin de donner l'impression d'être quelqu'un de super occupé, super désintéressée. Tu as dû voir ça dans des films. Le jeune homme entre finalement mais tu vois qu'il n'est pas seul quand tu relèves ta tête. Un enfant ? Tu n'en avais pas entendu parler de ça, dans le CV et la lettre de motivation. Il te fait rapidement savoir qu'il s'agit de son fils et qu'il n'a pas su trouver quelqu'un pour le garder. « Bonjour... Enchantée venez vous asseoir. » Tu ne sais pas quoi dire pour l'enfant. Parce que tu aimes bien les enfants et celui là est mignon. Tu te demandes ce que tu ferais si tu étais à sa place. « Et bien, je n'ai pas l'habitude de travailler avec des recrues aussi jeune.. » Tu essayes de détendre l'atmosphère en riant. « Mais s'il ne fait pas de bêtises je pense que ça devrait aller. Il y a de quoi faire du coloriage ici dans le bureau. » Ne pas le laisser s'enfuir pour un détail comme ça. Et puis, c'est surement que pour cette fois-là. Il n'a peut-être pas voulu engager de nourrice pour un boulot qu'il n'obtiendra peut-être pas, ça peut se comprendre. Enfin tu crois... Tu lui indiques la chaise. « Venez vous asseoir. Pour commencer est-ce que vous avez des questions quant au boulot pour lequel vous avez postulé ? J'imagine que vous ne savez pas exactement ce que vous allez faire, c'est le moment de me demander avant que je vous fasse faire le tour de l'entrepôt. » Tu lui souris, ainsi qu'au petit.

e nombre de petits boulots que j'ai eu depuis ces quatres dernières années ? Ohlà, j'ai arrêté de compter après le cinquième. J'ai pratiquement tout fait : la plonge, serveur, vendeur, éboueur, technicien de surface, magasinier, caissier et j'en passe. La liste est beaucoup trop longue. Mais bon, il faut bien faire ce qu'il faut qu'on on a une bouche de plus à nourrir ! Et puis comme ça, j'ai le mérite d'avoir un CV bien rempli et une lettre de motivation à faire peur aux meilleurs des baratineurs. Mais enfin, c'est pas pour autant qu'on me gardait à chaque fois. Des excuses bidons, j'en ai entendu plus de fois que je n'ai changé les couches de mon fils. Et pourtant, je peux vous assurer qu'il y en a eu !

Alors ce job là, j'espère vraiment l'avoir. Je le veux. Et même plus, j'en ai besoin ! Alors je sais qu'emmener son gosse à un entretien d'embauche, c'est pas le mieux. Surtout si l'employeur n'aime pas les enfants. Mais franchement, qui ne craquerait pas pour la bouille de mon petit Min Yul ? Il a beau être une teigne quand il s'y met, sa gueule d'ange m'a fait craqué plus d'une fois. Ouais, j'ai pas fini avec lui.

J'ai le cœur qui palpite dangereusement quand je me retrouve face à face avec l'employeur. Je manque même de me retrouver le cul par terre quand elle me demande de m'asseoir. Du calme Min Guk, t'as l'air encore plus gauche que ton fils de 3 ans. D'ailleurs, il a l'air étrangement calme. Tant qu'il le reste jusqu'à la fin de la journée. Je pose mon postérieur sur la chaise avant de prendre Min Yul sur mes genoux, le serrant contre moi. Aah, il sent le shampoing pour bébé. Bref mon gars, concentres toi au lieu de renifler ton bébé !

Je souris à la jeune femme, ne laissant pas, ne serait-ce qu'une seconde, montrer que je suis nerveux. Ce serait la fin des haricots. En tout cas, elle n'a pas l'air de rechigner à l'idée qu'un enfant soit là. « Il est peut-être jeune, mais ce petit bonhomme ferait un très bon employé ! », rigolais-je avec elle. Suffit de le mettre sur une machine qui roule et vous pouvez être sûrs que le boulot sera fait en moins de deux. « Pas de soucis, il sera sage le temps qu'il faudra. Hein Min Yul-ah? ». Je le vois hocher la tête, mais aucun son ne sort de sa bouche. Je crois qu'il est hypnotisé par la jeune femme. « En tout cas, je l'ai jamais vu aussi silencieux qu'aujourd'hui. C'est quoi votre secret ? ».

Et puis, vient le moment où le sérieux reprend le dessus. Pas de bourdes Min Guk. Pas. De. Bourdes. « Hm, oui. Par rapport aux horaires ? Les jours où vous aurez besoin de moi ? Puis ce serait plutôt en tant que vendeur ou à l'entrepôt ? C'est grave si je connais pas tous les noms de fruits et légumes ? Y a tellement noms de salade. Comment vous faites pour vous rappeler de tout ? Vous avez les moyens mémo-techniques ? Ou des astuces ? Et pour les prix ? Ça aussi, c'est pas trop compliqué ? Enfin, même si ça l'est, je ferais avec ! Je m'adapte vraiment à tout ! Vous pouvez compter là dessus ! ». Bon okay. Stop. Catastrophe. Sans même que je m'en rende compte, je venais de lui déballer l'équivalent d'un kilomètre de questions. Pour ne pas laisser transparaître ta nervosité, on repassera. « Désolé ... je me suis un peu emballé ». Je lui sers un petit sourire pour m'excuser en espérant qu'elle ne me prenne pas pour un fou. « Et vous, vous avez euh, des questions ? ».

u te demandes quand même si le fait que ton nouvel employé ait ramené son enfant ne signifie pas qu'à l'avenir ça va être compliqué. S'il a dû s'en occuper ce jour là ça veut dire qu'il n'y a pas - encore - de nourrice mais surtout que la mère est soit très occupée soit absente tout court. Mais si tu commences à penser de cette manière tu es en train d'appliquer exactement ce que les employeurs font quand ils refusent des mères qui veulent postuler dans une entreprise. Donc tu essayes quand même d'être conciliante, tu es certaine qu'il y a une solution. Tu ne vas donc pas tenir compte de ce point durant la période d'essai, tu verras ça sur le long terme. Ce serait stupide de ne pas lui laisser sa chance alors que l'enfant peut très bien rester à s'occuper. Au pire à l'avenir tu essaieras de faire aménager un espace pour lui, au cas où son père ne peut pas faire autrement. Tu ne veux pas passer pour la "patronne" qui est pas cool, de toute tu n'es pas la patronne et puis t'es vraiment une fille cool, non ? D'ailleurs le nouvel employé te demande quel est ton secret pour que son enfant soit calme comme ça. « Oh je ne sais pas trop, peut-être que la poudre hypnotisante dans mes cheveux fait son effet ! »

Tu demandes donc au jeune homme s'il a des questions mais tu ne t'attendais pas à ce qu'il soit aussi nerveux en posant ce millier de questions. Tu te lèves pour aller préparer du thé et en même temps ça te fait sourire qu'il pose autant de question. Même si c'est peut-être signe de nervosité, il n'a pas l'air du gars qui veut juste signer un contrat et point final. « Je vous fais du thé ? J'ai du café et du jus sinon. » Je prépare déjà un verre de jus pour le petit et une tasse de thé pour moi. Tout en ayant écouté ses questions je lui répond en me retournant vers lui. « Alors en ce qui concerne les horaires. Déjà il faut savoir que le camion tourne quatre jours par semaine. Du mercredi au samedi. Le vendredi et le samedi sont des journées très remplies donc je pense que pour ces jours là il faudra que l'on soit deux. Pour les mercredi et jeudi, on peut faire comme ça vous arrange : les deux jours chacun une semaine sur deux ou alors chacun un jour. Le mardi c'est le jour des livraisons, encore une fois je pense que l'idée serait d'alterner une semaine sur deux. » En réalité tu n'avais pas réellement réfléchi à comment partager le boulot mais tu allais faire en fonction de ce qui l'arrange. « Vous serez à la fois livreur, vendeur et préparateur. Ne vous en faites pas pour les noms des fruits et légumes tout est marqué, je vous ai gardé de côté ce qui m'a servi à mes débuts, le bouquin qui rassemble les images et les noms des légumes. Je pourrai vous surligner ce qui se fait en ce moment histoire que vous n'ayez pas à apprendre le prix des tomates alors que ce n'est plus la saison. » Je retourne au bureau avec les boissons et j'attrape dans mon tiroir le bouquin en question avant de le déposer devant mon nouvel employé. « Pour les prix ce sera également marqué mais je peux vous mettre des post-its dans le camion si ça peut vous aider. Ne vous inquiétez pas, je suis sûre que ça va bien se passer, on a toute la journée pour débuter votre initiation. »

Il te demande ensuite si tu as des questions. En effet il y en a une qui te tracasse un peu. « Et bien, oui j'ai une question. Voire deux. Avez vous un autre boulot à côté, histoire que je sache comment adapter votre emploi du temps. Et deuxième chose, pensez-vous pouvoir être investis dans ce boulot ? Ou ce n'est que pour l'argent ? » Tu pourrais comprendre que ce soit que pour l'argent mais si la personne fait mal son boulot à cause de ça, tu ne pourras pas toi même travailler efficacement. « Vous comprenez, j'ai vraiment besoin d'un collègue efficace... » Il t'inspire confiance, mais tu ne sais jamais.

n m'a toujours dit que les premières impressions étaient les plus décisives. Qu'il fallait mettre tout en oeuvre pour montre une face de soi la plus parfaite possible. Quitte à broder la vérité. Mais moi, j'suis pas comme ça. Je suis un très mauvais menteur et puis ça finit toujours pas revenir à la tronche comme un boomerang. Pour moi, il n'y a que la sincérité qui paie. Alors au moins, avoir emmené Min Yul lui montrait l'étendu du décor. Que je n'étais pas le petit étudiant qui cherchait un boulot parce que PapaMaman lui avait demandé. Mais son attitude envers mon fils me rassure quelque peu. Peut-être que j'ai encore mes chances !

« Il faudra me donner le nom de votre marque alors, je crois que la mienne est périmée ", lui répondis-je avec un grand sourire aux lèvres. Mes mains trouvent par habitude celle de Min Yul qui ne bronche toujours pas. Est-ce qu'il dort? J'essaie de me pencher vers lui quand la jeune femme me propose à boire. « Je prendrai juste un jus, s'il vous plait », la remerciant par la suite en attrapant le verre pour le petit. Il lui glisse un petit merci quand de cacher son petit minois dans son verre. Ah non, il ne dort pas !

Mon attention se reporte sur la jeune femme qui finit par répondre à mes questions, n'en perdant ps une miette. Je l'écoute attentivement, enregistrant chacune des informations qui me parviennent, tout en ayant en tête les horaires de l'école, mes jours au commissariat, ceux où Mme Han allait chercher Min Yul à la sortie de la maternelle et toutes les autres choses que j'avais à faire. Il y a des jours qu'il faudra que je réarrange mon emploi du temps, mais rien d'impossible. C'est pas comme j'avais pas déjà enchaîné quatre petits boulots à la fois !

J'hoche la tête en signe de compréhension et j'esquisse un sourire quand elle me présente le livre qui ressemble de très près à celui que Min Yul possède. Je me souviens de lui avoir appris les noms des fruits et légumes avec un bouquin du même genre. Je suis sûr qu'il est même meilleur pour ça que moi. En tout cas, je me retrouve soulager lorsqu'elle m'annonce qu'elle m'aiderait avec des post-it un peu partout. Ca me sera toujours utile, c'est sûr ! « Avec une prof comme vous, je pense que je n'aurais pas de soucis à me faire ! Et puis, j'apprends vite ». J'ai une bonne mémoire en tout cas. C'est sûrement ça qui m'a aidé à décrocher mon diplôme.

« Oui, j'ai un autre boulot à côté qui me prend le lundi, le mardi et le mercredi ainsi que le dimanche de temps en temps. Je suis policier, mais débutant », ajoutais-je un peu gêné. Ça me fait encore bizarre de dire que j'étais désormais policier. Je n'exerçais que quelques jours dans la semaine et la plupart du temps, j'étais dans un bureau. Les tâches ingrates qu'on fait faire au petit nouveau quoi.

Et puis, vient le moment des questions fatidiques. L'argent. A voir mon fils, elle avait dû rapidement comprendre la situation. Alors il est normal qu'elle ait des inquiétudes concernant mes motivations. Au moins, mes parents pourraient toujours se vanter d'avoir un fils honnête. « Je ne vais pas vous cacher que si j'ai postulé, c'est en premier lieu pour avoir un revenu en plus. Mon salaire de policier ne m'aide pas vraiment à tenir la route on va dire ... Mais ma motivation, c'est ce petit bonhonne. Je suis pas le meilleur père du monde, mais j'essaie de lui montrer que si on travaille dur, on peut toujours s'en sortir. Et puis, j'avoue aussi que ça me permettrait de voir du monde. Alors ne vous en faites pas pour ça ! Je suis plus motivé que jamais à faire du bon boulot ! ».

u répondais le plus clairement possible aux questions que le jeune homme t'avais posées tout en préparant les deux verres de jus et le thé. Tu décidais de lui laisser un maximum de liberté sur le choix des horaires parce que tu te doutais qu'il avait un emploi du temps chargé. Il était probablement étudiant et même s'il l'était pas, il avait un enfant, ce qui voulait dire qu'il devait s'en occuper. S'il l'avait amené c'était forcément parce qu'il ne vivait pas avec ses parents, sinon il aurait pu le leur confier. Tu veux vraiment qu'il se sente à l'aise lors de cette journée d'essai, tu n'essaies pas de le piéger ce n'est pas ton intention vu que tu as absolument besoin de lui et que tu sais que ce ne sera pas évident pour trouver quelqu'un d'autre qui se portera volontaire. Tu vas même jusqu'à lui donner ce bouquin dans lequel sont consignés tous les produits que vous vendez au camion.

Après t'avoir demandé si tu avais des questions, tu lui demandas ce qui te tracassait légèrement, ce qui te semblait important de savoir absolument avant de l'embaucher définitivement ou même simplement de lui faire commencer l'essai. Il n'y avait pas de piège dans tes questions, pas de bonne ou mauvaise réponse, tu veux juste savoir à qui tu as à faire, ce qu'il attend vraiment de ce boulot. Est-ce qu'il espère évoluer ? Est-ce qu'il est juste là pour un job à mi-temps. Ce sont des informations nécessaire sans pour autant être rédhibitoires. Il te fait donc part de son autre métier. Policier ? Tu ne te serais jamais imaginé recevoir un apprenti policier, c'est assez perturbant. Est-ce qu'il est là sous couverture pour enquêter sur un truc ? Est-ce que ta tante a tué quelqu'un et il essaye de sous-tirer des informations ? Non, non, non... Il n'aurait pas dit qu'il était policier. Ou alors c'est pour te tester ? Pour voir si tu prends peur ? Non, tu te fais des idées. Il n'est qu'apprenti, hein ? « Waw, policier ? C'est pas un métier facile ça... J'espère que ça ne vous empêchera pas d'assumer les deux boulots... » Les policiers ne sont pas censés être dispo à n'importe quel moment ? Bon peut-être pas ceux de son grade. Tout en essayant de ne pas te laisser distraire de ce qui t'importes le plus, tu prends notes de ses jours de disponibilité. Il va falloir fabriquer cet emploi du temps à deux. « Donc d'après ce que vous me dites, je ferai les livraisons toute seule mais c'est pas grave je pense pouvoir m'en sortir. Donc du coup que pensez-vous qu'on se dise que je vais au camion le mercredi et vous le jeudi ? Vu que vous travaillez le mercredi... Enfin, on verra ça plus en détail plus tard. » Il t'explique ensuite les raisons qui l'ont amené à postuler et encore une fois il marque des points. Il est honnête. Il n'essaye pas de faire genre ni de dire ce qu'un employeur veut entendre. Il admet vouloir faire ça principalement pour l'argent car il a cet enfant à nourrir et tu ne peux pas le blâmer pour ça. Tu souris. « Et bien, je pense que je vais pouvoir commencer votre initiation alors, tout me semble bien. » Tu te lèves de ta chaise et attrapes quelques feuilles blanches ainsi qu'un crayon à papier et les tends au petit Min Yul. « Tiens, aujourd'hui je n'ai pas de crayons de couleur mais je suis sûre que tu pourras faire de jolies choses quand même. Tu vas nous attendre ici pendant que j'apprends à ton papa le nom des légumes ? » Dit comme ça, ça pouvait sonner un peu bizarre mais bon... « Vous me suivez, Do Min Guk-ssi ? »

l est vrai qu'organiser un emploi du temps n'est pas facile. Entre mes journées au poste de sécurité, les jours où je devais aller chercher Min Yul à l'école, ceux où je devais faire les courses, le ménage, la lessive et tout autre type de corvées ménagères, je n'avais pratiquement jamais de temps pour moi. Et jamais assez de temps seul avec mon fils. Mon rêve, ce serait de partir une semaine en vacances tous les deux. L'emmener à la mer, il n'y est jamais allé. Et l'emmener dans une fête foraine, il adorerait les auto-tamponneuses. Lui organiser un anniversaire digne de ce nom avec ses copains, avec des ballons partout, des cadeaux à en dégringoler de la table, que pour une fois, ce ne soit pas juste Mme Han et moi. Mais j'ai de la chance, Min Yul ne réclame ni ne se plaint jamais. Mais pour Noël prochain, j'ai l'intention de lui offrir le cadeau sur lequel il lorgne depuis longtemps. Une mini-voiture électrique. Je ne sais pas d'où vient son amour pour les voitures. Peut-être du fait que je l'ai souvent ballotté à droite à gauche...  

Alors oui, mon fils me suffit amplement comme motivation. « Vous savez, je peux m'arranger pour être libre le mercredi si cela peut vous dépanner. Du moins, la matinée, je suppose où c'est le moment de la journée où il y a le plus d'activité ? ». Après tout pour le moment, on avait pas vraiment besoin de moi au poste de sécurité. J'étais sûrement même de trop et l'employeur avait eu pitié de ma situation de père célibataire. Mais je savais qu'à l'heure actuelle, je ne pouvais pas encore prétendre être un policier à plein temps. Et puis, c'était mieux ainsi.

Je finis par avaler mon jus d'une seule traite tandis que Min Yul touche à peine au sien. Il doit être tout intimidé le pauvre. Je souris doucement à cette pensée tandis que je frotte la tignasse de mon garçon. Depuis qu'il est bébé, ce geste a toujours eu le don de le rassurer et de le calmer. J'avais découvert ça durant ce qu'on peut appeler un moment catastrophique où j'avais sûrement dû pleurer plus que lui. La vie avec un enfant, ce n'est pas toujours rose.

Apparemment satisfaite de mes réponse, la jeune femme m'indique qu'il est temps de faire la visite. Je la vois se lever et tendre des crayons à Min Yul qui la remercie avec ce petit sourire qui en ferait fondre plus d'un. Elle a raison, il sera beaucoup mieux au chaud dans le bureau que dans l'entrepôt. Je le soulève avant de me lever et de le reposer sur la chaise que je rapproche du bureau. « Tu restes là, Papa revient très vite. On accrochera ton dessin à la maison avec les autres, ok ? Sois sage mon grand ! » lui dis-je avant de lui faire le plus gros des bisous sur l'une de ses petites joues rebondies, l'un de ceux qu'il prétend ne pas aimer. Si on m'avait dit qu'un jour je serais ce genre de papa poule qui pourrait passer son temps à câliner son enfant, je l'aurais jamais cru.

Je suis alors la jeune femme à l'extérieur du bureau, tout en jetant un dernier coup d'oeil vers la porte. Oui, en plus d'être un papa poule, je suis un papa parano. Mais t'es là pour le boulot Min Guk alors, concentres toi ! « Au fait, je ne connais toujours pas votre nom ? » me rendis-je compte une fois tourné vers la demoiselle. Et puis curieux, j'osa lui poser d'autres questions. « Vous faites ce travail depuis longtemps ? Vous avez l'air jeune en plus ». C'est vrai, elle devait probablement avoir le même âge que moi. Mais ça fait plaisir de voir des jeunes aussi investis dès le plus jeune âge. Moi, ça a don de m'émerveiller. C'est une chose qui se perd maintenant. Mes parents pourront au moins avoir le luxe de m'avoir bien élevé. Même si je sais pertinemment qu'ils pensent le contraire maintenant.