S'il devait expliquer ce qui avait été le plus dur à supporter aujourd'hui, il parlerait surement de l'inquiétude qui avait dévorée ses tripes durant le trajet en catastrophe jusqu'à l'hôpital, dans un taxi miteux avec un chauffeur qui ne cessait de lui demander s'il avait besoin de s'arrêter pour pisser, parce qu'il n'avait pas l'air dans son assiette et qu'il gigotait toutes les trente secondes sur son siège. En même temps, Seoji n'avait pas vraiment prévu de recevoir un appel de l'hôpital de la ville alors qu'il achetait des bananes dans une supérette pas chère, pour qu'on lui dise qu'Iseul était actuellement en train d'accoucher et que la présence du père était réclamée. Il avait abandonné ses bananes et son cadis plein pour monter dans le premier taxi qu'il vit dans la rue. Et depuis ce matin, il ne cessait de ronger la peau autour de ses ongles parce qu'il était nerveux et qu'il anticipait le pire. Qui sait ce qui pouvait bien arriver avant qu'il n'arrive. Il avait débarqué comme une furie dans l'hôpital pour demander, ou plutôt crier qu'il avait besoin de savoir ou se trouvait sa dulcinée, pour finalement être conduit à la salle d'opération ou elle se trouvait par une infirmière plus soucieuse pour son état de santé que par celui de la future mère. Le japonais ne se rappelait quasiment de rien une fois les pieds à l'intérieur de la salle d'opération, mis à part le fait qu'il avait serré les mains d'Iseul dans les siennes en essayant de lui dire de respirer calmement, ou plutôt criant sur le personnel dés qu'elle se mettait à crier de douleur en leur demandant de mieux faire leur travail et de ne pas faire n'importe quoi. Un accouchement agité en quelque sorte, oui. Maintenant, tout semblait trop calme, mais il ne regrettait absolument rien, pas lorsqu'il était assis à coté du chevet d'Iseul, ses doigts enroulés autour des petits poings de leur enfant et un sourire reconnaissant au visage. Il ne remercierait pas les cieux pour lui avoir offert un tel enfant, Iseul était la seule déesse à l'avoir mis au monde. Et c'est avec tout le mal du monde que Seoji essayait de retenir les larmes qui montaient à ses yeux en contemplant le petit bout de chair qui gesticulait de façon amusante dans les bras de sa mère. « Il est magnifique. »

« Je veux voir mon bébé… donnez-moi mon bébé. » avais-je geins.  Je les avais vu l’emporter loin de moi, après ces heures de travail, me l’enlever. Je m’étais redressé sur mon lit prête à hurler, pour qu’on me le rende, comme si on allait l’emmener loin de moi. Et Seo Ji, pauvre homme, qui tentait de me calmer tant bien que mal. Finalement, l’infirmière me le tendit, tout sourire. C’était un petit garçon, un tout petit garçon. Un petit bout d’existence, que je tenais fébrilement dans mes mains. Je le contemplais, sans voix, la gorge nouée. La réalité se trouvait en face de moi, ce petit être était bel et bien arrivé. J’étais confrontée à la vérité, qui gesticulait entre mes bras en gazouillant après quelques minutes de pleures.  Merde alors. Je suis mère.

Mes yeux ne pouvaient pas se détacher des siens, et tout doucement je viens le coller contre mon cœur, pour le bercer. A cet instant, je me fis la promesse de donner ma vie à cet enfant, de le chérir et le protéger de toutes les atrocités que je connaissais. Je fermai les yeux un instant… et en oubliai presque son père à côté de moi qui avait sans doute plus paniqué que moi durant cet accouchement. Je dois avouer que ça ne m’avait pas aidé du tout, il m’avait plus paniqué qu’autre chose mais je m’en doutais un peu. Finalement nous en sommes tous les deux au même stade.

Je tournai la tête et le vis, ému. Oui, il est magnifique. Je poussai un peu la couverture de ce bébé que je tenais pour que Seo Ji voie mieux son visage, et déposai un baiser sur les lèvres de mon compagnon.  Je le savais heureux malgré tout, débordant d’amour. Un enfant qui porte son nom, qui portera sa mémoire jusqu’à sa mort. « Tiens. » Je lui tendis le bébé d’un sourire tendre, le tenant bien à la tête, pour que leurs regards se croisent enfin.

Son menton tremble imperceptiblement lorsqu'elle soulève la couverture recouvrant le bébé, lui permettant de découvrir un peu plus du visage rond et encore rouge de l'enfant. Se dire qu'il était désormais père et que cette petite chose était la sienne, c'était trop d'informations à la fois pour lui, et il avait l'impression qu'il allait faire une syncope si son cœur n'arrêtait pas de battre aussi fort dans sa poitrine. Il avait déjà eu du mal à croire qu'Iseul resterait avec lui malgré les épreuves et les obstacles que la vie leur imposeraient, alors s'imaginer qu'ils partageaient maintenant un enfant issus de leurs chairs, c'était comme croire au père noël. Ses doigts quittèrent les poings délicats du bébé pour effleurer ses joues joufflues, un rire amusé glissant hors de ses lèvres entrouvertes lorsque l'enfant émit un rire qui ressemblait plus à un gargouillement qu'autre chose. Lorsqu'il tourne la tête en direction d'Iseul, avec un sourire presque timide collé au visage, c'est pour accueillir le baiser tendre qu'elle lui offre, et y répondre par une poussée douce contre ses lèvres, célébrant ainsi l'arrivée du bébé en bonne et dû forme. Eux qui avaient déjà du mal à imaginer leurs vies une fois avec l'autre, avec un enfant sur les bras, tout se chamboulait à nouveau. Ses yeux prirent contact avec ceux du petit, qui semblaient déjà briller et pétiller de vie. Les doigts aussi tremblants que son menton, le père tendit ses mains près du bébé, l'air hésitant. « Est-ce que je peux le porter ? » Il avait peur de le briser ou même de le faire pleurer une fois que l'enfant serait dans ses bras, il préférait donc demander l'autorisation de la mère avant toute chose. Iseul savait mieux ce que cet enfant pensait que lui ; elle l'avait mis au monde, après tout. Il y avait un lien fort entre la mère et l'enfant, quelque chose qu'il ne pourrait combler qu'en étant là pour son fils lorsqu'il aura besoin de lui.

C'était pour cela que je lui tendais à l'origine. Pour qu'il puisse à son tour l'accueillir dans ses bras, lui donner un minuscule aperçu de l'amour immense qu'il allait lui offrir. Seo Ji et moi, n'avions plus personne. Nous venions de fonder notre propre famille, c'est à trois que tout allait continuer à présent. Nos deux histoires n'étaient pas les plus exemplaires, et cet enfant n'est pas forcément né au bon moment. Mais je peux promettre, que je me mettrai à genoux pour mon garçon. Pourtant j'ai peur. Oui. J'ai beau m'armer de courage, savoir que je serai une vraie lionne, j'ai peur de ne pas être le meilleur exemple pour mon fils. J'ai peur de passer à côté de certaines choses. Au fond, je ne sais pas comment on fait. Je voudrais être aussi merveilleuse que ma propre mère l'a été. Mais elle et moi, n'avons pas évolué de la même façon.

Le coeur serré, je déposai délicatement le bébé dans les bras de mon amour en lui expliquant où il devait mettre ses mains. C'est affreux, mais c'est comme si je m'en débarrassais, trop effrayée par mes pensées obscures. Finalement, je me rallonge un peu en expirant bruyamment J'étais exténuée. Il a beau être petit, il a fait un sacré caprice pour sortir de mon ventre. Je souris en le regardant hypnotisé par les yeux de Seo Ji, et rit même en voyant ses yeux tout rond. Et tout en caressant les cheveux du japonais je dis. « Tu as une idée pour le prénom… ? C'est vrai que nous n'en avons pas trop parlé. »

J'avais beau angoisser, me mettre une pression énorme, même me rabaisser. Face à cet ange, je retrouvais une douceur sans pareille, un amour débordant. « J'ai envie de manger ses grosses joues regarde moi cette tête, c'est de chez toi ça tu crois ? » le taquinais-je.