Kyuwoon bailla. Il ne lui restait que quelques minutes avant la fin du cours et se dépêcha donc de noter les derniers détails sur son ordinateur avant de fermer la page internet qui contenait son jeu. Pas que le cours était ennuyeux à mourir, mais presque. C’était un cours obligatoire commun à beaucoup d’autres cursus et qui n’avait donc rien à voir avec de l’économie. Et tout ce qui ne permettrait pas au coréen de réussir lui passait bien au-dessus de la tête. C’était bien parce que la présence était notée qu’il n’était pas repartit dans son lit pour finir sa nuit. Mais pourtant, il savait très bien qu’il ne pouvait pas se permettre ce luxe, pas ce jour-là. Il avait un gros dossier à rendre pour le lendemain et dire qu’il s’y soit pris un peu tard ne serait pas trop exagéré. Il l’avait commencé, heureusement d’ailleurs ! Mais ce qu’il lui restait comme travail était énorme et il savait qu’il ne pourrait pas se coucher tôt cette nuit.

Le cours se finit, il rangea tout son matériel dans son sac, le mit sur son dos et sortit de la classe sans un regard pour personne. Il devait bien l’avouer, il n’était au top de sa forme, sa jauge d’humeur étant proche du bas. Pour une fois il n’avait pas son éternel sourire plaqué sur le visage et ça pouvait presque paraitre étrange de le voir ainsi mais Kyuwoon s’en moquait bien. Rien ne l’atteignait, pas un mot de son entourage ne pouvait le mettre à genoux. Il continua sa course jusqu’à la bibliothèque de l’université, sachant très bien que travailler dans sa petite chambre d’à peine neuf mètres carrés n’était pas la meilleure des solutions. Il allait vouloir regarder ses mails, puis ses messages sur les réseaux sociaux pour finalement se perdre sur un site de vidéos très connu et sur les dernières nouvelles concernant les idoles. C’était très facile de perdre sa concentration lorsqu’il était dans un lieu qu’il dominait et dont il avait l’habitude de vivre. Or, à la bibliothèque, rien ne pouvait le distraire, il voulait se montrer comme quelqu’un qui est sérieux, qui travaille beaucoup alors le fait d’être en présence d’un public était ce qu’il y avait de mieux.

Il s’installa à une table vide, ressortit tout ce dont il avait besoin pour finir son dossier et se leva pour retrouver les livres dont il avait besoin. Il fit le tour des étagères intéressantes, évitant celles avec qui il était devenu trop familier, aka les étagères psychologiques. Il n’avait rien en particulier contre Freud ou Kraepelin mais comme c’était majoritairement d’épais bouquins, ça évitait beaucoup de marques de planches d’étagères dans le dos. Car oui, il n’était pas familier avec cette partie de la bibliothèque parce qu’il y passait du temps pour lire, mais un autre genre d’activité.

Lorsqu’il revint à sa place, il remarqua une autre présence. La silhouette d’une jeune femme se dessinait sur la chaise à côté de celle que Kyuwoon avait utilisée. Il soupira. Et dire qu’il était censé travailler. Il va encore passer une nuit blanche sur ce fichu dossier. Il s’assit sur sa chaise, faisant mine de ne pas avoir remarqué la jeune femme. Il pouvait bien s’amuser un petit peu avant que les choses sérieuses ne commencent. Seulement, la demoiselle ne semblait pas être du même avis. Car elle me souffla quelque chose qui devrait être interdit d’être prononcé dans une église. Le Pyobeom comprit tout de suite qu’il ne pourrait pas prendre du plaisir à tourner autour du pot et attrape le poignet de la jeune femme pour aller retrouver son meilleur ami Freud. Son égo – et son dos – en prit un grand coup lorsqu’elle le plaqua contre l’étagère faisant tomber un livre au passage. Il devait être habitué à ce genre de traitement et pourtant, il détestait se réveiller avec plein de bleus le long de sa colonne vertébrale. Mais ça ne l’empêcha pas d’aller fourrer sa langue dans la bouche de la demoiselle. Ses mains se firent plus baladeuses, remontèrent sa jupe et l’atmosphère de la salle se fit plus chaude.

Néanmoins, il n’y avait rien de pire comme tueur d’érection qu’un intrus dans cette fameuse bulle pleine de tension sexuelle. Ce fichu bibliothécaire. Et dire que Kyuwoon pensait qu’il était trop incrédule pour comprendre ce qu’il se passait entre les étagères de sa bibliothèque. Au moins, cette fois, il était devant le fait accompli. Ce qui fit sourire le Pyobeom. Mais pas d’un sourire le plus gentil et attentionné qu’il soit. D’ordinaire, il aurait dit à la jeune fille que ce n’est rien, qu’ils peuvent simplement continuer là où en était mais ce n’était pas de l’avis de cette dernière qui semblait gênée de s’être fait prendre. Elle disparut entre les bouquins aussi rapidement qu’elle était apparue et laissa donc Kyuwoon avec peu de confort entre les jambes. « Put*ain, j’aurais dû rester bien sagement et travailler finalement. » Lâcha-t-il pour lui-même.

Il releva les yeux vers l’androgyne. « Pas trop choqué ? Ne me dites pas que ce n’est pas une pratique courante ici ? Mais je comptais travailler, je vous le jure ! » Finit-il sur un ton d’humour. Il n’avait jamais vraiment fait attention à cet homme, comme il ne fait jamais attention à personne. « Votre épaule va bien au moins ? »

Si l’idée de s’envoyer en l’air dans la bibliothèque était plus appétissante que celle de travailler pendant des heures et sans pause, elle l’était moins face au bibliothécaire qui les avait pris sur le fait. Kyuwoon ne manqua pas de lancer un regard noir à sa partenaire avant que cette demoiselle ne puisse s’enfuir en courant. Lâche. Elle aurait pu au moins assumer son acte avec le Pyobeom. Le jeune homme soupira. Il était dans de beaux draps. Il ne le pensait pas au moment d’être pris, mais avec un personnel de l’université en face de lui, il pourrait avoir des problèmes quant à sa scolarité et ça, il ne pouvait pas se le permettre. Maintenant, il n’avait plus qu’à jouer de ses charmes pour faire tomber le bibliothécaire dans ses filets. Rien de bien compliqué, il l’avait déjà fait un bon nombre de fois.

Mais il faut croire que tout ne se passe pas comme prévu. Il s’adossa contre l’étagère, soupirant une dernière fois. Il lui manquait plus que la clope au bec et on aurait dit un de ces délinquants qui essayent simplement de se donner un genre. Peu importe, Kyuwoon pourrait ressembler à la personne que vous souhaitez, il s’en fichera comme de la première dent qu’il a perdu étant enfant. Ce que les étudiants et autres personnes autour de lui pensaient lui importait très très peu, pour ne pas dire, pas du tout. Après tout, si l’on commençait à prendre l’avis de chacun en compte, on ne s’en sortirait jamais. Même si ce je-m’en-foutisme très prononcé chez Kyuwoon était pour une autre raison.

Un autre problème : Cette rencontre rajoutait une personne dans la liste de ceux qui pensaient que le Pyobeom était simplement un sexe sur pattes. Ce qui n’était pas vrai. Comme dis plus tôt, il se fichait bien de ce que les gens pensaient de lui, mais il y avait quand même une limite. Il n’était pas non plus une de ces péripatéticiennes que l’on peut trouver dans des maisons spéciales un peu partout dans la capitale sud-coréenne. Il ne recevait pas d’argent en pratiquant ce genre d’activité, comme ce n’était pas quelque chose de régulier. Et voilà qu’une personne de plus allait le voir comme quelqu’un de sale, de pervers et surtout, comme quelqu’un qui ne devrait pas se trouver ici. Kyuwoon bloqua aussitôt les souvenirs de son enfance qui affluèrent dans sa tête à la vitesse grand V. Il solidifia ses murs et montra un sourire au bibliothécaire. L’humour était sa meilleure arme.

S’il fut surpris par certains mots qu’employait l’homme, il ne le montra pas. Bien sûr qu’il savait que c’était du Japonais, cette langue voisine, simplement séparée par la mer, mais quand bien même, il ne comprenait pas un mot. Déjà l’anglais était difficile, alors il ne voyait pas pourquoi il irait s’embêter à apprendre une autre langue. « Parce que vous êtes déjà allé à Amsterdam pour voir ça ? Oh mon Dieu, vous en avez de la chance ! » Continua-t-il sur un ton humoristique. Cependant lorsqu’il remarqua que son interlocuteur ne semblait pas plaisanter, il continua, « Enfin, je pense ? » Il se frotta la tête, gêné par l’atmosphère, et par autre chose entre ses jambes. La remarque suivante, si l’on pouvait appeler cela une remarque, donna une toute autre réaction au Pyobeom. Alors comme ça, en plus de savoir parler japonais, il avait encore du mal avec le coréen ? Donc ce n’était pas un coréen mais un immigré du pays au soleil levant ? Kyuwoon se fit violence pour ne pas exploser de rire. Il mit la main devant la bouche, tentant désespérément de cacher ce sourire qui ne voulait pas s’effacer. « Konnichiwa » Dit-il avec un grand sourire fier. Ah bah si, il pouvait parler japonais finalement. Il pouvait dire bonjour.

La blague passée, le coréen s’inquiéta de l’état de son épaule. Ce n’était pas parce qu’il était sur le point de se lancer dans une partie de jambes en l’air dans la bibliothèque et, qu’en plus, il plaisantait, qu’il ne pouvait pas s’inquiéter. Il l’avait vu se cogner contre l’épaule après tout. Seulement, face à la réponse de celui qui s’occupe de ce lieu, il n’arriva pas à se retenir et éclata de rire. Dans la bibliothèque. Qui était censée être un endroit calme. « Ce n’est pas grave, vous allez y arriver. » Se moqua-t-il en parlant de son coréen. Pourtant, son sourire se figea lorsqu’il lui demanda ses informations pour aller reporter sa faute. Bon. Kyuwoon se décolla de l’étagère, replaça ses vêtements et prit un ton sérieux. « Ma partenaire est Shin hyerin, elle est en art et sa fratrie est gumiho. Ah elle est en deuxième année. » Il n’avait aucun scrupule à balancer sa partenaire, après tout il n’entretenait aucun relation avec elle, et elle l’avait complètement lâché. « Je suis aussi Gumiho, Kang Dongjin, 3e année littérature. » Et voilà comment on se débarrassait d’une situation gênante. Sa compagne payerait pour sa faute mais pas lui.

Le Pyobeom s’approcha de lui et tapota l’épaule de son interlocuteur – celle qui n’était pas blessée – « Et vous ? Je peux avoir votre, nom votre âge et vos hobbies ? Après tout, ce n’est pas juste de demander des informations à quelqu’un sans donner les siennes. Et puis, au moins vous pratiquerez votre coréen. » Sur cette dernière phrase, Kyuwoon explosa à nouveau de rire.